lundi 15 février 2021

#Haiti / Crise politique / Sur la durée du mandat présidentiel de 5 ans- Une analyse et une suggestion (bien humblement).-

 Par Dr. Pierre Montès

Date: 12 février 2021
1) LA CONSTITUTION AMENDÉE.-
Voici ce que dit la constitution de 1987 amendée.
Article 134-1:
La durée du mandat présidentiel est de cinq (5) ans. Cette période commence et se terminera le 7 février suivant la date des élections.
Article 134-2:
L’élection présidentielle a lieu le dernier dimanche d’octobre de la cinquième année du mandat présidentiel.
Le président élu entre en fonction le 7 février suivant la date de son élection. Au cas où le scrutin ne peut avoir lieu avant le 7 février, le président élu entre en fonction immédiatement après la validation du scrutin et son mandat est censé avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection.
Article 134-3:
Le Président de la République ne peut bénéficier de prolongation de mandat. Il ne peut assumer un nouveau mandat, qu’après un intervalle de cinq (5) ans.
En aucun cas, il ne peut briguer un troisième mandat.
2) REMARQUES.-
On peut admettre sans discussions le principe selon lequel la constitution de 1987 amendée ne permet pas de violer la règle (logique) mathématique utilisée pour arrondir en nombres entiers les nombres décimaux.
On veut arrondir un nombre décimal au nombre entier le plus proche, disons, le nombre 5 (cinq).
Voici la règle qui s'applique généralement en mathématiques :
"Tout nombre décimal à arrondir à 5 doit être compris entre
4,5000...1 et 5,4999...9".
Pour simplifier, disons que ce nombre doit être compris entre 4,5 et 5,5 pour le considérer comme égal (l'arrondir) à 5.
Ayons en tête cette règle mathématique en lisant les articles 134-1, 134-2 et 134-3.
Ainsi, sans prolonger ni raccourcir le "mandat présidentiel de 5 ans", on peut considérer que ce mandat peut commencer au moment de la prestation de serment, le, ou avant, ou après le 7 février de l'année X et qu'il doit se terminer le, ou avant, ou après le 7 février de l'année Y.
On peut alors admettre que la durée effective du "mandat présidentiel de 5 ans" soit comprise entre un minimum de 4 ans, 6 mois plus 1 jour, et, un maximum de 5 ans 6 mois moins 1 jour.
Ainsi l'article 134-1 sera respecté, l'article 134-2 sera respecté, l'article 134-3 sera respecté, la règle mathématique utilisée pour arrondir les nombres décimaux ne sera pas violée.
Sur la base de ce raisonnement, le mandat du Président Jovenel Moïse devrait prendre fin à l'élection au suffrage universel d'un nouveau Président au cours de l'année 2021 ou au plus tard au début de 2022. Il pourrait alors rester au pouvoir jusqu'à une date située autour du 7 février 2022, plus ou moins 6-mois-moins-1-jour, si un accord politique est trouvé sur le respect de cette règle mathématique et sur le respect du principe selon lequel un élu succède à un élu.
_____________________________________
N.B.- L'auteur n'est ni pour ni contre l'une ou l'autre des parties en présence. Seuls le triomphe de la logique et le bonheur d'Haïti l'intéressent dans cette crise. Il n'est pas en situation de conflit d'intérêts.

dimanche 23 février 2020

Démocratie : Types de régimes politiques - Compétition politique - Contribution des organisations politiques

Voici quelques vidéos qui présentent succinctement : les principes démocratiques, les régimes politiques, la compétition politique, la contribution des partis politiques et des organisations politiques en démocratie.

i) Vidéo 1 - Site Web 'JAYDEBEAUFORT' (durée : 8 minutes et 12 secondes) :

ii) Vidéo 2 - Site Web 'Cours de SES' (durée 8 minutes et 9 secondes) :

iii) Vidéo 3 - Site Web 'JAYDEBEAUFORT' (durée : 8 minutes et 20 secondes) :

iv) Vidéo 4 -  Site Web 'Les Bons Profs' (durée : 6 minutes et 53 secondes) :

v) Vidéo 5 - Site Web 'État cryptique' (durée : 12 minutes et 31 secondes) :

vi) Vidéo 6 - Site Web 'État cryptique' (durée 10 minutes et 48 secondes) :

vii) Vidéo 7 - Site Web 'Les Bons Profs' (durée : 8 minutes et 14 secondes) :

viii) Vidéo 8 - Site Web 'Les Bons Profs' (durée : 7 minutes et 33 secondes) :

ix) Vidéo 9 - Site Web 'JAYDEBEAUFORT' (durée : 7 minutes et 28 secondes) :


mercredi 31 mai 2017

Scrutin préférentiel / Élection suivant le système vote par éliminations successives ("instant runoff"): un exemple illustratif

Par Dr. Pierre Montès

Le but de l'exercice est de faire comprendre aux non initiés la mécanique du scrutin préférentiel.
Il s'agit du cas (fictif) de l'élection d'un chef de parti politique dans un pays donné.

On suppose que le nombre de votants soit de 33 800 [1].

Il y a huit (8) candidats en lice. Leur noms (fictifs) sont: Max, Andy, Erin, Brad, Mike, Kellie, Peter et Lisa.

Dans chacune des 338 circonscriptions, chaque votant devait indiquer une fois pour toutes ses préférences pour sept (7) des huit (8) candidats en lice en les rangeant dans l'ordre (1, 2,,.., 7).

Après dépouillement, on a observé que les candidats étaient ordonnés en huit classes différentes que l'on a nommées par les lettres A, B, C, D, E, F, G et H. Et les nombres votes associés à chacune des classes étaient respectivement: 10 500, 7 000, 5200, 4000, 2000, 1500 et 600. Plus clairement dit:

a) 10 500 électeurs ont choisi le classement ordonné A:
    A = (Max > Erin  >  Andy  >  Brad  >  Kellie  >  Mike  >  Peter)

b) 7000 électeurs ont choisi le classement ordonné B:
    B = (Andy  >  Brad  >  Erin  >  Max  >   Mike  >  Kellie  >  Lisa)

c) 5 200 électeurs ont choisi le classement ordonné C:
    C = (Erin  >  Andy  >  Lisa  >  Kellie  >   Max  >  Brad  >  Peter)

d) 4 000 électeurs ont choisi le classement ordonné D:
    D = (Brad  >  Peter  >  Max  >  Erin  >  Andy  >  Kellie  >  Mike)

e) 3 000 électeurs ont choisi le classement ordonné E:
    E = (Kellie  >  Mike  >  Lisa  >  Andy  >  Peter  >  Max  >  Brad)

f) 2 000 électeurs ont choisi le classement ordonné F:
    F = (Mike  >  Peter  >  Brad  >  Lisa  > Max  >  Kellie  >  Erin)

g) 1 500 électeurs ont choisi le classement ordonné G:
    G = (Peter  >  Lisa  >  Mike  >  Erin  >  Kellie  >  Andy  >  Max)

h) 600 électeurs ont choisi le classement ordonné H:
    H = (Lisa  >  Kellie  >  Peter  >  Mike  >  Brad  >  Erin  >  Andy)


Les données de départ (1er tour) sont consignées au premier tableau ci-dessous (TOUR 1).
Dans ce tableau, on voit que les candidats au Rang 1 dans les huit classes sont en ordre décroissant:
1er) Max (10 500 votes),
2e) Andy (7 000 votes),
3e) Erin (5 200 votes),
4e) Brad (4 000 votes),
5e) Kellie (3 000 votes,
6e) Mike (2 000 votes),
7e) Peter (1500 votes),
8e) Lisa (600 votes).

Comme Lisa obtient le plus petit nombre de premiers choix des votants (600 sur 33 800), elle est éliminée des classes où son nom apparaît et les candidats qui étaient au-dessous d'elle dans chacune des classes remontent d'un rang.

L'enlèvement de Lisa des différentes classes conduit au deuxième tableau ci-dessous (TOUR 2).

Au TOUR 2, Peter obtient le plus petit nombre de premiers choix des votants (1 500 sur 33 800), il est éliminé des classes où son nom apparaît et les candidats qui étaient au-dessous de lui dans chacune des classes remontent d'un rang.

L'enlèvement de Peter des différentes classes conduit au troisième tableau ci-dessous (TOUR 3).

Au TOUR 3, Mike obtient le plus petit nombre de premiers choix des votants (3 500 sur 33 800), il est éliminé des classes où son nom apparaît et les candidats qui étaient au-dessous de lui dans chacune des classes remontent d'un rang.

L'enlèvement de Mike des différentes classes conduit au quatrième tableau ci-dessous (TOUR 4).

Au TOUR 4, Kellie obtient le plus petit nombre de premiers choix des votants (3 600 sur 33 800), elle est éliminée des classes où son nom apparaît et les candidats qui étaient au-dessous d'elle dans chacune des classes remontent d'un rang.

L'enlèvement de Kellie des différentes classes conduit au cinquième tableau ci-dessous (TOUR 5).

Au TOUR 5, Brad obtient le plus petit nombre de premiers choix des votants (6 600 sur 33 800), il est éliminé des classes où son nom apparaît et les candidats qui étaient au-dessous de lui dans chacune des classes remontent d'un rang.

L'enlèvement de Brad des différentes classes conduit au sixième tableau ci-dessous (TOUR 6).

Au TOUR 6, Erin obtient le plus petit nombre de premiers choix des votants (7 300 sur 33 800), il est éliminé des classes où son nom apparaît et les candidats qui étaient au-dessous de lui dans chacune des classes remontent d'un rang.

L'enlèvement d'Erin des différentes classes conduit au septième tableau ci-dessous (TOUR 7).

Au TOUR 7, le dernier, il ne reste plus que deux candidats en lice: Max et Andy.
Max qui menait depuis le début s'est fait coiffer au dernier tour par Andy, n'a obtenu que 16 500 votes sur 33 800, ce qui est inférieur au seuil de 16 901 votes pour gagner l'élection.

Andy qui était jusque-là second derrière Max, a obtenu 17 300 votes au dernier tour, ce qui est supérieur au minimum de 16 901 votes nécessaires. Il gagne donc l'élection et devient ipso facto le chef de son parti.

Voilà donc par un exemple comment fonctionne le scrutin préférentiel ou système de vote par élimination ou "instant runoff".

Ce système de de vote a les propriétés suivantes: il est anonyme, il est neutre, il respecte le critère de la majorité. Mais, il n'est pas monotone et il ne satisfait pas le critère du gagnant Condorcet. Pour avoir la définition de ces propriétés, on consultera la littérature sur ce sujet. Mais que l'on soit rassuré: il n'existe aucun système de vote qui satisfait simultanément à ces cinq propriétés ci-dessus énumérées. C'est ce qu'a démonté Arrow au milieu du siècle passé dans un théorème qui lui a valu le Prix Nobel.








Remarque.

[1] Notons que le nombre 33 800 pourrait aussi être un nombre de points représentant la somme des nombres de points attribués à chacune des circonscriptions électorales d'un pays. On attribue un nombre de points (un poids) à chacune des circonscriptions. On peut alors convertir les votes dans une circonscription donné en nombre de points et de faire ensuite la somme des nombre de points pour l'ensemble des 338 circonscriptions. Par exemple, si le pays en question a 338 circonscriptions électorales et que l'on attribue 100 points à chacune des circonscriptions, quelle que soit sa taille, alors le nombre total de points sera 33 800. Dans chaque circonscription, le nombre de points est réparti entre les candidats proportionnellement au nombre de votes qu'ils ont obtenus dans cette circonscription.

jeudi 1 décembre 2016

#HaitiElections / Haïti - Une (mon) interprétation des résultats de l'élection présidentielle du 20 novembre 2016.

Par Dr. Pierre Montès

Il faut, dans toute analyse, prendre en compte les résultats du "premier" premier tour de l'élection présidentielle du 25 octobre 2015. À ce scrutin-là, la volonté des électeurs était d'envoyer au second tour les deux candidats Jovenel Moïse (PHTK, 1er) et Jude Célestin (LAPEH, 2e).
Avaient perdu l'élection les deux candidats Jean Charles Moïse (Pitit Dessalines, 3e), Maryse Narcisse (Fanmi Lavalas, 4e) et les 50 autres candidats.
Le second tour entre Jovenel Moïse et Jude Célestin n'a jamais pu se faire comme prévu. On a été témoin de l'odieux spectacle que les perdants, auxquels s'était joint Jude Célestin, avaient offert au reste du monde entre le 26 octobre 2015 et le 19 novembre 2016.
Le 20 novembre 2016, enfin, une "deuxième" premier tour est organisé. À ce deuxième scrutin où 27 candidats à la présidence étaient en lice, les résultats préliminaires publiés par le CEP indiquent, pour les quatre premiers candidats, le même classement qu'en 2015, mais indiquent un gagnant (avant contestations):
1er: Jovenel Moïse a obtenu 55,67% des voix;
loin derrière :
2e: Jude Célestin n'a obtenu que 19,52% des voix,
3e: Jean Charles Moïse n'a obtenu que 11,04% des voix,
4e: Maryse Narcisse n'a obtenu que 8,99% des voix;
les 23 autres candidats se partagent un total de 4,10% des voix;
et, enfin, le candidat fictif appelé en anglais "NOTA", c'est-à-dire, "None Of The Above" (en français "Aucun Candidat", ou créole "Oken Kandida") a obtenu 0,68% de voix.
On peut s'attendre à ce que, à la fin de la période de contestations, le candidat Jovenel Moïse soit déclaré vainqueur de l'élection du 20 novembre et devienne le 58 Président de la République. L'investiture devra avoir lieu, enfin, le 7 février 2017 au plus tard.

Voici comment j'interprète ces résultats.-

Le peuple a permis à Jovenel Moïse ("Ti David") de donner une volée aux aux 26 autres candidats ("Goliath").
Et les chiffres consacrant la victoire du candidat Jovenel Moïse peuvent s'interpréter de plusieurs manières.
Voici deux manières extrêmes qu'on pourrait décoder l'expression du vote des électeurs:

a) Si l'on interprète le scrutin du 20 novembre 2016 comme étant un second tour, et si l'on considère que les électeurs qui n'ont voté ni pour Jovenel Moïse, ni pour Jude Célestin avaient voté pour le candidat fictif NOTA, le classement aurait été le suivant:
1) Jovenel Moïse: 55,67%
2) Jude Célestin: 19,52%
3) NOTA (Oken Kandida): 24,81%
Total: 100%

b) Si l'on interprète toujours le scrutin du 20 novembre 2016 comme étant un second tour, mais si l'on considère que les électeurs qui n'ont voté ni pour Jovenel Moïse ni pour Jude Célestin ni pour NOTA n'avaient pas voté du tout, le classement aurait alors été le suivant:
1) Jovenel Moïse: 74% [ 100x55,67/(55,67+19,52) ]
2) Jude Célestin: 26% [ 100x19,52/(55,67+19,52) ]
Total : 100%
Dr. Pierre Montès
1er décembre 2016

jeudi 10 septembre 2015

Derniers regards de Pamela White sur Haïti

Par Valéry Daudier
Source: lenouvelliste, 21 août 2015


Après trois ans de service, l’ambassadeur des Etats-Unis en Haïti s’apprête à faire ses valises. Ann Pamela White était venue « enthousiaste », elle repart avec le même sentiment. Pour avoir côtoyé toute la classe politique haïtienne, Pamela White trouve nos politiciens « intelligents » et « passionnés » de leur pays. Le problème, ils s’accusent les uns les autres et n’arrivent pas à s’entendre sur un projet commun pour Haïti. En ce qui a trait à la corruption, Pamela White soutient qu'elle est à tous les niveaux. Il y a un prix à payer pour n'importe quoi ici. 






L'Ambassadrice des États-Unis en Haïti, Pamela White
***




Pour se rendre au bureau de l’ambassadeur des Etats-Unis en Haïti, il faut passer sous deux détecteurs de métal de l’imposant bâtiment de l’ambassade à Tabarre. On prend l’ascenseur. Niveau 3. Après deux minutes d’attente, une porte s’ouvre, on tombe sur Ann Pamela White. Du haut de ses 67 ans, la diplomate a l’allure d’une adolescente. Elle est élégante. Large sourire, elle serre la main aux journalistes du Nouvelliste. Après quelques prises de photos, on se dirige vers son bureau. Photos de famille, photos officielles… des moments immortalisés sont accrochés au mur. Des courriers, des lettres de nomination signées du président Barack Obama, des présents, entre autres, ornent le bureau.


Avec l’ambassadeur américain, on aborde plusieurs points, notamment la question de corruption, un véritable fléau. Elle dit en parler avec le président Michel Martelly, le ministre de la Justice Pierre Richard Casimir entre autres. « Ils sont d’accord avec moi que la corruption existe à tous les niveaux, confie l’ambassadeur. On peut être en prison et acheter sa liberté. Il y a un prix pour n’importe quoi ici. Et ce, dans l’administration publique, dans le secteur politique, etc. »


Même pour des gens qui gagnent souvent les rues pour une raison ou une autre, la diplomate estime que quelqu’un paye toujours la facture. « Chaque fois que je vois une manifestation, je me demande qui a payé pour ça, lâche l’ambassadeur. De temps en temps, il y a des gens dans la rue, car il y a une cause pour qu’ils soient là. De mon point de vue, c’est quelque chose de bien. Mais s’ils sont là parce que quelqu’un a payé, c’est quelque chose de différent. »


Selon Pamela White, la corruption est parfois une question de mentalité. « Quand je parle de corruption en Haïti, je doute que l’on pense à la même chose que moi, estime l’ambassadeur. Je me souviens avoir été dans un ministère et quelqu’un devait me présenter sa nièce. Et elle était là à servir du café. Je lui ai demandé mais pourquoi votre nièce travaille dans votre bureau. Et il m’a dit que c’était bien. Mais c’est complètement anormal. Aux USA, c’est anormal, bien que ce ne soit pas quelque chose de méchant. Mais c’est une autre mentalité », détaille Pamela White.


La corruption, la diplomate en a aussi parlé avec l’ex-Premier ministre Laurent Lamothe. Pamela White était décue du départ du colonel Antoine Atouriste à la tête de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC). « Le colonel Atouriste m’a dit avant de partir qu’il avait des cas de corruption et qu’il était difficile de les transférer à la justice, regrette l’ambassadeur. Je crois que l’impunité est le grand problème. » « Les USA ont dépensé beaucoup d’argent dans l’ULCC. Et on a commencé à avoir des résultats quand brusquement l’institution a été débranchée par le départ de Monsieur Atouriste, déplore Pamela White. J’étais frustrée, parce qu’il y avait des cas qui n’ont pas été transférés à la justice. » Sa perception sur la classe politique haïtienne Pétillante, spontanée, Pamela Ann White a le contact facile au point de provoquer l’ire des adeptes de la vieille école, celle s'imaginant un diplomate comme la retenue fait homme. Le corset, ce n’est pas pour elle. Au terme de sa mission, comme d’autres diplomates avant elle, Pamela Ann White joue au petit jeu de la confidence bilan avec le journal. Avant de répondre à chaque question, Ann Pamela White sourit. Parfois, elle explose de rire avant d’arrêter brusquement. Sur ses rapports avec la classe politique, elle répond aux questions. Sans se départir de son sourire sonore. « J’ai parlé avec Préval, à Aristide, à tous les opposants, je les trouve chacun intelligent, intéressant, indique l’ambassadeur. Chacun a une passion pour Haïti, complètement différente peut-être, mais toujours intéressante. » Pour Pamela White, il n’y a pas un problème de compréhension, mais un problème d’accord et de désaccord. Les politiciens haïtiens éprouvent une « passion » pour le pays, mais quand il s’agit de s’entendre par exemple sur 10 points pour le faire avancer, c’est un casse-tête. « Si on pouvait réunir toutes ces intelligences et ces passionnés dans une salle et décider sur 10 choses qui sont les plus importantes pour le pays, ce serait bien, estime l’ambassadeur. Je crois que c’est possible. Mais si on reste toujours dans ces désaccords, sans trouver un moyen pour avancer ensemble, je crois que c’est une grande difficulté », ajoute la diplomate. « Les politiciens ne s’aiment pas. Ils s’accusent les uns les autres de menteurs, de passeurs de drogue, de trafiquants d’armes, etc. » 100 millions de dollars octroyés à la PNH en trois ans Évoquant la question de trafic de drogue, Pamela White souligne que son pays a beaucoup aidé Haïti en matière de sécurité. « Pendant les trois années, nous avons donné 100 millions de dollars pour la PNH (achat de matériel, entre autres), se félicite l’ambassadeur. Par exemple, pour les élections, on a donné 2.8 millions de dollars pour acheter des véhicules et du matériel de communication. La police avait besoin d’équipements pour mieux contenir la violence pendant les élections. » Aujourd’hui, l’ambassadeur trouve la police nationale plus professionnelle contrairement aux années d’avant. « La police nationale n’avait pas d’équipements, n’était pas très bien formée... Avec l’aide des Etats-Unis, la PNH devient une vraie force professionnelle », se félicite l’ambassadeur, « très satisfait » du travail des policiers pendant les élections. « J’ai travaillé pendant trois années pour les élections, malheureusement je n’étais pas là le jour du scrutin, poursuit Ann Pamela White. J’ai parlé avec quelqu’un de la MINUSTAH qui était là. Il m’a dit que la police avait fait du bon travail… La perception des gens est que la police est plus professionnelle. Nous avons dépensé beaucoup d’argent pour la police communautaire et cela marche très bien. C’est un grand succès. Maintenant on commence à travailler même avec le MENFP pour la sécurité des écoliers. » Pamela White insiste sur les supports de son pays à la police nationale. « On a beaucoup travaillé avec la BLTS (Brigade de lutte contre les stupéfiants), dit-elle au cours de l'interview menée par Frantz Duval . En deux années, on est passé à 206 agents. Ils font un travail incroyable. En 2015, ils ont intercepté beaucoup plus de drogues qu’ils n'en avaient interceptées les cinq années avant. Et c’est à cause des formations, du matériel, etc. La DEA est satisfaite du travail de la BLTS. » Et Pamela White encore plus. Et l'armée? «Haïti est un pays souverain », répond l'ambassadeur Alors que le président Michel Martelly a toujours fait part de son intention de former une armée, les États-Unis n’appuient pas une telle intention. « La position des États-Unis n’a pas changé, confie l’ambassadeur. Les USA croient qu’Haïti est un pays souverain. C’est aux Haïtiens de décider s’ils en ont besoin ou non. Mais pour nous, nous allons supporter la police comme nous l’avons fait auparavant. Après les millions de dollars que nous avons déjà dépensés dans la police, on ne va pas lui tourner le dos maintenant. » Après trois ans, Pamela White, qui « adore » Haïti, n’éprouve pas trop de regret. « J’aime beaucoup ce pays, c’est très difficile de ne pas aimer Haïti, confie l'ambassadeur. Elle a une culture intéressante. Ce pays me désole tous les jours, mais à la fin de chaque journée je me sens très contente d’avoir été ici comme ambassadeur. » Malgré tout, Pamela White va partir avec quelques frustrations. Mais elle s’est fait une idée : « On ne peut pas changer le monde en trois ans. »

Sénatoriales : le CEP invité à revoir ses calculs

Par Thomas Lalime
Source: lenouvelliste, 31 août 2015


L’hypothèse d’une erreur dans la méthode de calcul du pourcentage de votes obtenus par les candidats aux élections sénatoriales du 9 août 2015 tend à se confirmer. Le Conseil électoral provisoire (CEP) a utilisé dans son calcul le rapport entre le nombre de voix valides obtenues par chaque candidat au Sénat et le nombre total de voix valides pour le département. Le problème vient du fait que dans ce calcul, le collège électoral n’a pas introduit le bon dénominateur.


Il considère un électeur qui vote correctement pour deux sénateurs comme deux voix valides. Ce qui a pour conséquence de gonfler anormalement le dénominateur dans le calcul du pourcentage de votes obtenu par chaque candidat au Sénat et de réduire du même coup le pourcentage de votes réalisé par ces candidats.


Au lieu d’utiliser le nombre total de voix valides pour le département, le CEP aurait dû utiliser le nombre total d’électeurs dont les votes sont valides ou, ce qui revient au même, le nombre de bulletins valides aux élections sénatoriales dans chaque département géographique. C’est ce qu’a démontré le Dr Pierre Montès dans son analyse en date du 24 août 2015 (1).


Ancien diplômé de la Faculté des sciences de l’Université d’État d’Haïti, détenteur d’un doctorat en géotechnique (Ph. D.) de l’Université de Montréal, le Dr Montès a été ministre de l’Éducation nationale en Haïti. Spécialiste en géostatistique appliquée à la variabilité spatiale des propriétés géotechniques des sols, il a enseigné les probabilités et la statistique à l’École Polytechnique de Montréal.


Pour lui, la méthode utilisée par le CEP est erronée et mérite d’être corrigée. Le principe, poursuit-il, est clair : 1 électeur votant au Sénat = 1 bulletin déposé dans l’urne «Sénateur». Ainsi, précise-t-il, pour calculer le pourcentage obtenu par chaque candidat, «il faut disposer du nombre d’électeurs qui ont effectivement déposé un bulletin de vote pour les sénateurs.» Cette donnée, poursuit-il, correspond au nombre de bulletins de votes valides pour l’élection au Sénat dans chaque département.


Dans son analyse, le Dr Montès a démontré qu’avec la méthode utilisée par le CEP, il est impossible pour un candidat d’obtenir la majorité absolue de 50 % +1 [*]. De plus, il a prouvé que la méthode qu’il propose dans son analyse est la méthode exacte qui fournit le pourcentage réel de votes des candidats aux élections sénatoriales du 9 août 2015.


L’ex-conseiller électoral Léopold Berlanger, qui cumule plus de 20 ans d’expérience dans l’observation électorale et l’arbitrage des élections en Haïti et à l’étranger, partage également cette thèse. M. Berlanger affirme :«Le CEP s’est trompé par le simple fait que la base d’évaluation du pourcentage obtenu par chaque candidat doit se baser sur le nombre de votants ayant des bulletins valides et non sur un calcul cumulé de votes valides.» Il propose au CEP « de retourner au Centre de tabulation pour avoir les chiffres sur le nombre de votants ayant un bulletin valide pour chaque candidat et chaque département et de baser son calcul sur ce chiffre pour évaluer le pourcentage d'un candidat.» (2)


Plusieurs statisticiens professionnels ont appuyé ce point de vue. Harry François, détenteur d’un baccalauréat en mathématiques (options statistique) de l’Université de Montréal et une maîtrise en démographie de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) à Montréal, fait partie du groupe. M. François travaille actuellement comme statisticien à Statistique Canada, un organisme de renommée mondiale en matière de statistique. Après avoir lu mon article intitulé « Y aurait-il double comptage des votes aux sénatoriales ?» (3), publié dans l’édition du Nouvelliste du 27 août 2015, il a soumis conjointement avec le Dr Michel-Ange Pantal un texte au journal pour expliquer leur position.


Détenteur d’un doctorat en économie de l’Université de Missouri à Columbia, statisticien de formation, le Dr Pantal a travaillé au Parlement canadien avant de revenir en Haïti comme expert après le tremblement de terre. Depuis, entre autres activités, il est professeur au Centre de Techniques, de Planification et d’Économie appliquée (CTPEA), la seule école supérieure du pays ayant un département de statistique.


L’expérience de mai 2000


Le problème du calcul du pourcentage pour les candidats au Sénat n'est pas nouveau. Dans son analyse statistique des résultats préliminaires des législatives du 9 août 2015, le statisticien Samuel Émieux Jean rappelle que pour les élections de mai 2000, le CEP d’alors avait tout simplement considéré le total des quatre (4) premiers candidats comme total de votes (ou le dénominateur) pour calculer le pourcentage de votes obtenus par chaque candidat. Et comme aujourd’hui, la méthode créait une forte polémique au sein de l’opposition politique.


Alors, pourquoi un tel problème, en apparence très simple, persiste encore ? Frantz Duval, rédacteur en chef du Nouvelliste, fournit une réponse pragmatique et réaliste : « Dans cette affaire, ce ne sont pas les statisticiens qui décideront; ce n'est pas non plus le raisonnement scientifique qui aura le plus de poids. C'est déjà une affaire politique. Que de la politique. Il y a deux acteurs majeurs: les hommes politiques (société civile incluse) et le béton.»


Mais aussi longtemps que la décision finale ne sera pas scientifique, le problème demeurera intact. On avait fait un choix politique en mai 2000 en se servant du béton, on en avait vu les conséquences politiques, économiques et sociales. Aujourd’hui, le problème refait surface de plus belle.


Évidemment, il faudra plus de scientifiques qui se battent pour faire luire la lumière de la vérité scientifique sur les débats politiques en Haïti. Il leur faut enlever la carapace de la neutralité du technicien, trop souvent utilisée pour protéger un poste ou un contrat. Il faut qu’ils participent davantage à ces débats. Pas pour prendre partie pour un groupe ou un clan politique mais plutôt pour donner le mot de la science.


Conceptuellement, la méthode de calcul du CEP pour les élections sénatoriales pose un problème majeur. Il divise le nombre de votes obtenus par un candidat par un total impossible à atteindre par ce candidat. Or, le pourcentage de votes mentionné dans la Constitution amendée et le décret électoral devrait faire le rapport entre la fraction de votes obtenus par un candidat et le total de votes qu’il était possible d’obtenir par ce candidat, ce que les statisticiens appellent l’univers des possibles. Celui-ci est caractérisé par l’ensemble des citoyens qui ont déposé un bulletin valide dans l’urne des sénateurs pour reprendre les propos du Dr Montès. Comme c’est le cas dans le calcul du pourcentage obtenu par les députés.


Ainsi, si tous ces citoyens avaient voté pour un même candidat au Sénat, le nombre de votes réalisés par ce candidat et le nombre de votes réalisables seraient identiques; et ce candidat aurait obtenu 100 % des votes. De même, si tous les citoyens avaient voté pour les mêmes deux sénateurs (Jacques et Pierre par exemple), chacun d’entre eux obtiendrait 100 % des votes. Et tous les autres candidats auraient réalisé 0 % des votes. La somme des pourcentages obtenus par l’ensemble des candidats donnerait 200 % qui est la borne supérieure pour les élections sénatoriales avec deux choix possibles par électeur.


Avec la méthode utilisée par le CEP, on divise le nombre de votes obtenus par un candidat par un total impossible à atteindre. En effet, on considère chaque bulletin valide où l’électeur a choisi deux sénateurs comme deux voix valides. En divisant par le nombre de voix valides, le CEP n’est plus dans le nombre de votes réalisables. C’est pourquoi le Dr Montès a conclu qu’il est impossible avec cette méthode pour un candidat d’obtenir la majorité absolue des votes.  



Sur la somme des pourcentages


Avec le nombre d’électeurs au dénominateur, on vient de voir que la somme des pourcentages obtenus par chaque candidat au Sénat peut aller jusqu’à 200 % si chaque électeur choisit de voter pour deux sénateurs. Certains observateurs pensent, à tort, que cela pose un problème. Ils pensent que la somme des pourcentages doit nécessairement donner 100 %. Cela revient à dire que la somme des pourcentages de chacune des modalités d’une variable doit obligatoirement donner 100 %. Or, cela est vrai seulement dans le cas où les modalités de la variable en question sont mutuellement exhaustives et mutuellement exclusives.


Pour illustrer ces deux concepts, prenons le cas d’une variable qualitative où chaque réponse peut être classée dans une catégorie (modalité) particulière. Ces catégories sont mutuellement exclusives si toutes les réponses possibles doivent faire partie d'une seule catégorie, alors que des catégories mutuellement exhaustives signifient que celles-ci doivent tenir compte de toutes les réponses possibles.


Exemple : si l’on considère une variable comme la performance des candidats à la députation aux législatives du 9 août. On peut définir les modalités suivantes : excellent (élu au premier tour), très bon (qualifié pour le second tour en terminant premier), bon (qualifié pour le second tour en terminant deuxième), mauvais (éliminé au premier tour avec plus de 10 % des votes) et très mauvais (éliminé au premier tour avec moins de 10 % des votes, abandon et autre).


Chaque candidat à la députation sera classé dans une catégorie et une seule et toutes les catégories sont envisagées. La somme des pourcentages de toutes les catégories va donner 100 %. Mais si un candidat pouvait se retrouver dans deux catégories en même temps (si les catégories ne sont pas mutuellement exclusives), la somme des pourcentages ne donnera pas nécessairement 100 %.


Dans le cas des votes aux sénatoriales, la somme des pourcentages obtenus par chaque candidat ne donnera pas 100 % parce que chaque électeur avait deux choix possibles. Ce n’est nullement un problème. Au contraire, si cette somme donne 100 %, c’est une preuve additionnelle que la méthode de calcul du CEP n’est pas valide.

Il faut espérer que ce problème sera corrigé une fois pour toutes par ce CEP et dans les prochaines lois électorales.



(1) http://jfjpm-maths.blogspot.ca/2015/08/comment-convertir-en-pourcentage-le.html


(2) http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/149146/Y-aurait-il-double-comptage-des-votes-aux-senatoriales


(3) http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/149180/Senatoriales-le-CEP-sest-trompe-de-methode-de-calcul-selon-Leopold-Berlanger

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[*] NDCDP-Politique.- Dans une mise à jour de (1), il est précisé qu'il est difficile de gagner à la majorité absolue par la méthode de calcul du CEP. Dans une seconde analyse [**], il est indiqué l'ensemble des cas où il est possible pour un candidat de gagner au premier tour à la majorité absolue par la méthode de calcul du CEP. [**] http://jfjpm-politique.blogspot.ca/2015/09/haiti-elections-senatoriales-du-9-aout.html

Sénatoriales : le CEP s’est trompé de méthode de calcul, selon Léopold Berlanger

Par Roberson Alphonse
Source: lenouvelliste, 27 août 2015


Le CEP s’est “trompé” par rapport à la méthode utilisée pour calculer les résultats de l’élection sénatoriale du 9 août 2015, a estimé Léopold Berlanger, sociologue, ex-conseiller électoral et expert ayant accumulé plus de deux décennies d’expérience dans l’observation, l’arbitrage d’élections en Haïti et à l’étranger.«Le CEP s’est trompé par le simple fait que la base d’évaluation du pourcentage obtenu par chaque candidat doit se baser sur le nombre de votants ayant des bulletins valides et non sur un calcul cumulé de votes valides », a-t-il dit, soulignant que « l’électeur a voté pour deux candidats au Sénat par département dans un même bulletin».

« Le mode de calcul du CEP est préjudiciable à tous les candidats au Sénat par le fait qu’il attribue un score plus faible que le score réel obtenu », a indiqué Léopold Berlanger. C’est un fait à considérer pour voir s’il n’y a pas de score qui aurait atteint la majorité absolue ou l’écart de 25 % entre deux candidats. Néanmoins, un score de 50 + 1 ou l’écart de 25 % obtenu sur la base des résultats préliminaires n’implique nullement que le CEP puisse proclamer ce candidat vainqueur au premier tour avant le traitement des contestations, les décisions finales des différentes instances et l’analyse eu égard aux problèmes rencontrés le jour du scrutin », a expliqué Berlanger, qui met le doigt sur un aspect à expliciter la prochaine fois.

« La Constitution et le décret électoral sont clairs sur le principe du calcul de la majorité absolue. Toutefois, les détails arithmétiques sur cette méthode ne figurent pas dans ces textes. Le calcul de score en matière de majorité absolue, de majorité relative, de majorité proportionnelle fait l’objet d’une doctrine et d’une jurisprudence bien connue en matière électorale à travers le monde. Cette doctrine se fonde sur la recherche d’une légitimité populaire de l’élu en référence aux nombres de citoyens ayant participé au vote », a dit Léopold Berlanger qui croit, à un moment où certains craignent l’incidence négative de l’usage d’une méthode erronée sur le reste du processus électoral, « que les acteurs concernés doivent s’entendre pour l’application de la solution appropriée ». « D’autant plus, a-t-il poursuivi, qu’il n’est pas trop tard pour que les corrections soient apportées aux résultats préliminaires pour l'élection sénatoriale. »


« Je propose au CEP de retourner au Centre de tabulation pour avoir les chiffres sur le nombre de votants ayant un bulletin valide pour chaque candidat et chaque département et de baser son calcul sur ce chiffre pour évaluer le pourcentage d'un candidat », a dit Léopold Berlanger qui rappelle que c’est une affaire de comptage du pourcentage de votes lors des élections du 21 mai 2000 qui est à la base des déboires du régime de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide.


Selon les résultats publiés pour l'élection sénatoriale, aucun candidat n’a été élu au premier tour. Certains, comme Me Jean Renel Sénatus « Zokiki », candidat au Sénat de l’Ouest, ont contesté la méthode de comptage du CEP. Ce n’est pas de l’arithmétique mais de la magie, a-t-il dit.