mercredi 24 juin 2015

RDNP - LETTRE OUVERTE AUX CANDIDATS A LA PRESIDENCE

Source utilisée: Haïti-Connexion-Culture (Mutilingual), lundi 22 juin 2015


Chers Compatriotes,

Je m’adresse à vous, les 70 candidats à la Présidence et non aux 58 sélectionnés. Ce n’est pas une confusion. Je suis de l’opinion que c’est le droit de tout citoyen de se porter candidat à n’importe quel poste électif; il revient à l’électeur, seul souverain en la matière, d’exprimer son choix.

La manière de fonctionner du CEP établi sur la base d’un consensus boiteux, sans aucune assise constitutionnelle – toléré par lassitude -- a souligné à la fois, son incompétence, une carence de professionnalisme et une espèce de légèreté dans la manière de traiter les dossiers de candidature par ses différents organes. 

Ces derniers n’ont fait que plomber toute recherche de solution juridique à deux problèmes importants qui devront être réglés de manière sérieuse et objective, à savoir: la nationalité dont le traitement réclame sérénité (en tenant compte des droits de tous les haïtiens de l’intérieur comme de l’extérieur), et la décharge administrative dont les ambiguïtés juridiques au niveau de la mise en œuvre par la CSCA, ont crée de légitimes frustrations.

De plus en plus, des contestations sont soulevées qui étendent un voile de doute sur les élections, si elles devaient avoir lieu. La population attendait l’impartialité de la part du CEP là ou se révèle le copinage ; elle espérait l’intégrité de ses membres, là où transpirent des soupçons; elle croyait, à tort, qu’il pourrait inspirer confiance quant à la transparence du processus - dont il se gargarise dans chaque communiqué - , là où il démontre sa soumission à certaines forces agissant à visière levée ou en sous mains; elle réclamait sa rigueur là où il fait montre de versatilité dans ses sélections et éliminations, suivies de rattrapages puis d’exclusions dans un rythme dicté par des intérêts contradictoires sans explications convaincantes.

Chers compatriotes, je comprends que pour l’instant votre attention porte sur une campagne qui n’a pas encore commencé mais dont les préparatifs occupent vos pensées. Malgré tout, comme moi, vous êtes interpellés par la pénible situation que vivent plus de deux cent mille de nos frères qui sont nés et vivent en République Dominicaine, menacés de déportation depuis le 18 juin dernier. Les témoignages bouleversants indiquent qu’ils sont partagés entre la peur, l’humiliation, l’angoissante incertitude pour eux et pour leurs enfants.


C’est une situation lamentable annoncée depuis septembre 2013 avec la publication de la sentence 168-13 du tribunal constitutionnel de la République Dominicaine et le dédain manifesté par le gouvernement voisin à l’égard de toutes les mises en garde, avertissements, menaces de sanction émanant de divers milieux internationaux qui s’étaient mobilisés, cette fois, pour la bonne cause. C’était une question qui relevait des droits de l’homme mais qui devait être traitée sur la base du droit international public, comme l’avait souligné la Commission des Droits de l’Homme de l’OEA. Mais au lieu de s’arc-bouter sur un argumentaire qui lui était favorable, le gouvernement haïtien a choisi la voix bilatérale d’une espèce d’« entente cordiale » portant exclusivement sur les échanges commerciaux.

Les éléments de l’inégalité des rapports entre les deux pays sont bien documentés. Maintenant que nous sommes à la veille d’une déportation en masse, ou à doses calculées, peu importe, il convient de s’organiser et d’aborder la question d’une autre manière.


En effet, il ne s’agit pas de battre frénétiquement le tam-tam de la solidarité ou d’emboucher la trompette nationaliste qui entraînerait vers des solutions émotionnelles, mais de démontrer la capacité d’organiser pour l’instant, matériellement, l’accueil de nos compatriotes, de les identifier, les aider à reconstruire leur vies en Haïti.


En ce qui concerne le déséquilibre entre les 2 pays, il est bon de souligner que notre pays n’est pas dépourvu de moyens. Les dominicains profitent de nos insuffisances pour nous inonder de leurs produits, mais le pays peut s’inspirer de la vieille maxime « qui achète commande ! » Ainsi ne pas leur laisser le bénéfice de la maxime inverse « qui vend commande » (chez nous « menm mete’l ate a si w vle’l wa pran’l). Et on pourrait ajouter que les bras haïtiens contribuent largement à créer cet échange florissant.

Mais le problème global n’est pas conjoncturel, il réclame un examen a long terme qui permettrait de repenser avec des critères plus sains la totalité de nos relations avec le pays voisin, aussi bien le tracé des frontières, la sécurité des eaux du fleuve Artibonite, la réciprocité en matière de visas.

Aussi chers compatriotes, je vous invite à établir une trêve dans la poursuite individuelle de vos activités de campagne ; car le temps n’est plus aux petits calculs personnels. Je crois sincèrement qu’il est opportun, d’organiser une rencontre entre nous afin de discuter des relations haïtiano-dominicaines, non seulement afin d’aborder les solutions à apporter à ce problème immédiat mais aussi pour anticiper l’avenir. Nous avons chacun des idées particulières sur ces deux questions ; mais vu notre désir à tous d’améliorer l’image d’Haiti, leur mise en commun peut aider à construire une politique qui préserve les intérêts de la Nation.

Au nom de notre Patrie commune, des idéaux des Héros de l’indépendance,
de notre Histoire de Peuple Pionnier, Je vous invite à nous rassembler ! Unissons-nous, chers concitoyens, comme le commande notre devise, pour défendre l’honneur de notre pays, car la seule campagne qui vaille aujourd’hui c’est celle de redonner à l’haïtien sa fierté et de rétablir Haïti dans sa dignité.

Haïti Vaincra !
Mirlande Manigat
Secrétaire Générale du RDNP
Vendredi 19 juin 2015

mardi 16 juin 2015

Quand Martelly se confie

Par Frantz Duval
Source: lenouvelliste.com, Port-au-Prince, Haïti, 15 juin 2015

De Jean-Bertrand Aristide à Michel Martelly, Le Nouvelliste a rencontré tous les présidents de la République de ces dernières années pour des entretiens. Les démocratiquement élus, comme ceux qui sont arrivés au pouvoir par un accident de l’histoire, ont tous ouvert un jour leur porte aux envoyés du vieux journal de la rue du Centre. Michel Martelly, le lundi 15 juin, a lâché des confidences à deux journalistes.

« Depuis décembre 2014, j’avais dit à Laurent Lamothe qu’il ne serait pas mon candidat, qu’il n’était pas souhaitable qu’il soit candidat à la présidence. J’avais dit la même chose à Sophia Martelly, ma femme », nous a déclaré le chef de l’Etat. D'ailleurs Martelly avoue que Joseph Lambert, Youri Latortue, Mario Dupuis ou Sandra Honoré connaissaient tous sa position sur la question.

Continuant sur le ton de la confidence, il a poursuivi : « Le jour où le Conseil électoral a rejeté la candidature de Sophia au Sénat, je ne lui ai dit ni bonjour ni bonsoir. Cela ne veut pas dire que je ne souhaitais pas qu’elle soit élue, mais pour la bonne marche des élections que le président que je suis se doit de réaliser, il n’était pas souhaitable que Laurent ou Sophia soit candidat ».

« L'objectif de Laurent Lamothe, candidat, est de devenir président, le mien est la tenue de bonnes élections ». « Sa k tonbe, yo tonbe. Sa k pase, yo pase », prône le président.

Plus loin, lors de cet entretien réalisé en ses bureaux au palais national, le président est revenu sur deux succès diplomatiques qu’il a portés sur les fonts baptismaux : le rapprochement entre les Etats-Unis et Cuba et le dialogue en cours entre le Venezuela et les USA.

« La rue m’a porté au pouvoir, mais pas pour gérer les affaires de l’Etat dans la rue », a dit d’entrée de jeu Martelly quand on lui pose la question sur son rôle dans ces deux opérations de bons offices.

« Je n’ai jamais parlé de ces dossiers. C’est un sénateur américain qui a dévoilé que j’ai servi d’intermédiaire dans le dossier USA-Cuba et c’est la ministre des Affaires étrangères du Venezuela, puis les officiels américains qui ont fait savoir au monde qu'il y avait eu lieu des négociations en Haïti », précise le président haïtien.

« Les pourparlers américano-vénézuéliens, je m’y suis impliqué en avertissant à l’avance les deux parties que je le faisais pour aboutir à des résultats et ce fut fait. Dans mes appartements au palais, samedi, il y a eu deux bilatérales et une trilatérale. A la fin, Haïti a pu aider au dialogue entre les USA et le Venezuela et obtenir que les USA et le Venezuela coopèrent au service d’Haïti dans les domaines de l’éducation, des élections, de l’agriculture et de l’énergie », a confié l’ancien chanteur, non sans un peu de fierté dans la voix.

« Nous n’avons pas seulement donné un local et des facilités pour les négociations, nous les avons orchestrées », se félicite le président haïtien.

Lors de cette entrevue, la huitième accordée au Nouvelliste depuis qu’il s’était porté candidat à la présidence, Michel Martelly a convenu que cela lui a pris trois ans pour devenir président et qu’il se rend compte chaque jour des limites de son pouvoir. L’ancien chanteur a aussi témoigné des difficultés qu’il rencontre pour faire passer ses points de vue, que ce soit pour dire non aux trois aéroports en construction actuellement dans le Sud du pays ou pour faire voter une résolution allouant les fonds PetroCaribe.

« Cela m’a pris trois mois pour faire adopter la dernière résolution, car à chaque fois je me retrouvais en conseil des ministres avec une liste de projets qui n’était pas celle sur laquelle nous nous étions entendus », explique celui qui préfère parler le moins souvent possible ces derniers temps où tout le monde autour de lui cherche un candidat à qui se raccrocher.

En froid avec Le Nouvelliste depuis l’épisode TV5 en novembre dernier, c’est un président Michel Martelly disposé à se confier que deux journalistes ont pu rencontrer pendant une heure, ce lundi. Un président qui a beaucoup à dire.