mercredi 19 août 2009

Pour arrêter nos chiré-pite, nos crêpages de chignons, départageons-nous sur le Web


Par Gérard Bissainthe
Source: Haiti-nation: 9725, 19 août 2009, 11h28


Une chose est absolument certaine: tous les Internautes inscrits dans nos forums haïtiens veulent sincèrement le bien de la nation haïtienne, le bien du peuple haïtien. Les différences, les divergences vont se manifester dans la solution qui parait la meilleure à chacun de nous.

Si nous faisons une analyse spectrale de nos forums nous pouvons arriver à cerner plusieurs solutions précises, qui peuvent définir ce que nous pouvons appeler des Camps.

L’erreur que nous commettons est que trop souvent nous passons notre temps à tenter de détruire les autres camps, plutôt que de chercher à construire et à consolider notre propre camp.

Une des raisons est le format même de nos forums qui sont quasiment tous des sortes de “tribunes libres”, en elles-mêmes parfaitement légitimes, où n’importe qui peut dire n’importe quoi, n’importe quand, n’importe comment. Il est un fait que ces tribunes libres sont on ne peut plus utiles dans le système démocratique dont elles sont en quelque sorte les soupapes de sécurité.

Mais dans une démocratie il faut AUSSI autre chose que des soupapes de sécurité qui sont des lieux d’affrontement et de controverse où du choc des idées peut jaillir la lumière. Il faut des lieux de construction et pour construire il faut être uni.

J’ai toujours aimé cette phrase de Saint-Exupéry: “Distribuez-leur du grain et ils vont se battre. Demandez-leur de bâtir une citadelle et ils seront unis.”

Mais l’épure de la citadelle de Jean, n’est pas celle de Jacques. Et les deux citadelles, celle de Jean et celle de Jacques, peuvent être très utiles, voire aussi utiles à la cité. Il est de l’intérêt de la cité que Jean et Jacques puissent chacun construire sa citadelle.

L’idéal est donc de définir le genre de citadelles que nous voulons construire et que chacun, ayant choisi SA citadelle, se mette à la construire.

Je parlais plus haut de “camps”. Je pense que nous pourrons définir nos camps par rapport à notre réponse à une question cruciale aujourd’hui, celle de la souveraineté nationale.

Nos positions sur cette question de la souveraineté nationale sont, nous le savons tous, des plus variées. Or Pierre qui veut que nous soyons, par exemple, sous un protectorat étranger est aussi sincère que Paul qui veut une indépendance “totale-capitale” d’Haïti par rapport aux puissances étrangères. Après maintenant des décennies de discussion il est absolument clair aujourd’hui que nous n’allons pas réconcilier Pierre et Paul sur ce sujet. Que Pierre maintenant choisisse son camp et que Paul maintenant choisisse son camp et que chacun aille travailler activement et constructivement à faire triompher sa cause.

Je propose que chacun de nous dans nos forum définisse sa position en portant son propre jugement sur un événement récent: le Congrès de la diaspora haïtienne organisée par le Haitian League au Trump International Beach resort à Miami du 6 au 9 août de cette année.

De cet événement, détachons trois faits caractéristiques

1.- Le Premier Ministre Haïtien s’est adressé aux Haïtiens présents dans la salle et dont une très grande partie, ceux que nous appelons des “Bi-Nationaux”, n’étant pas dans sa conception des citoyens haïtiens, étaient des etrangers sur lesquels le PM n’avait rigoureusement aucune juridiction. A la limite et en bonne logique le Ministres des Affaires Étrangères américain aurait dû être présent pour défendre devant un Chef de Gouvernement étranger les intérêts des Haïtiano-Américains présents dans cette salle.

2.- A un moment on a demandé plutôt cavalièrement au Premier Ministre de s’esquiver dare-dare pour céder sa place à un invité du nom de M. Bill Clinton: et le Premier Ministre s’est prestement exécuté.

A la lumière de ces deux événements, je pense que nous pouvons chacun définir et choisir notre camp. Et au lieu de continuer à nous opposer, reconnaissons nos divergences, let us agree to disagree. Et allons chacun faire tout notre possible pour faire triompher la cause que vous avons choisie.

Voici les positions possibles selon une analyse que je propose

A. Le Camp des Tutellistes
Pour le Camp des Tutellistes (1) tout ce qui s’est passé à cette réunion est parfaitement normal et nous devons tous continuer sur cette lancée. Les vrais chefs d’Haïti ce sont les Américains et il était parfaitement normal que le Premier Ministre haïtien s’esquive en vitesse à l’arrivée de son Chef. D’ailleurs Haiti ne pourra jamais s’en sortir sans une tutelle étrangère destinée même à être pérenne. Inutile d’enfouir sa tête sous le sable.

B.- Le Camp des Réformistes patients
Pour le Camp des Réformistes patients, tout ce qui s’est passé à cette réunion n’est certes pas normal, mais était pratiquement inévitable. Nous sommes actuellement des parasites et le parasite subit toujours la loi de son bienfaiteur. Nous pouvons seulement espérer une évolution lente de cette situation surtout par un changement de mentalité. C’est la voie de la révolution pacifique. Il faudra le temps qu’il faudra et qui sera sans doute très long. Mais, disent les réformistes patients “trò presse pa fait jou louvri.”

C.- Le Camp de la Révolution drastique
Pour les femmes et les hommes de ce Camp il faut un changement de cap radical et un bouleversement total de la situation en Haïti et il le faut tout de suite, NOW. Ces femmes et ces hommes sont parfaitement conscients de la difficulté de changer les choses en profondeur en Haiti, mais ils partent de deux principes:

1.- Jamais dans l’histoire un changement qualitatif (un changement de nature et non pas de degré) comme le passage de la subordination à la liberté n’a pu se faire de manière évolutive, car le maître n’abandonne jamais son statut de maître que s’il est forcé. Et pour le forcer, le mot lui-même le dit, il faut utiliser la force. Sauf que cette force peut être “Hard”, comme la “Force Musclée” ou militaire utilisée par les révolutionnaires de 1804. Ou cette force peut être “Soft”, comme ce fut le cas pour l’indépendance de l’inde avec la “Force Morale” de Gandhi, à savoir le “Satyagraha”, (qu’on a très mal traduit par le mot “non-violence” que Gandhi lui-même n’aimait pas).

2.- Deuxième principe: le point de départ d’une révolution est la Foi. Le jour où l’on décide de croire à la révolution, elle est virtuellement accomplie. Mais si je n’y crois jamais, elle ne se réalisera jamais. Les Américains étaient virtuellement libres dès la déclaration d’Indépendance en 1776 même si les combats ont duré jusqu’en 1783. Car au départ toute révolution est une utopie. Et les ennemis des révolutionnaires les traiteront toujours de “rêveurs”, d’idéalistes qui n’ont pas les pieds sur terre. Mais pour “dominer le fatal”, sortir de l’étau bien structuré du statu quo, il n’y aura jamais qu’une seule méthode: “tenter l’impossible”.

3.- Troisième principe: il ne faut surtout pas biaiser en édulcorant l’idéal révolutionnaire et en acceptant des à-peu-près. La révolution c’est tout ou rien. Si Haiti veut être libre par rapport aux puissances étrangères, quelles qu’elles soient, TOUS les liens de dépendance doit être rompus. Le grand intérêt du discours-fondateur du Président Obama à Port of Spain, le 19 April 2009 est qu’il propose de changer tout ce qui est liens de dépendance en liens de partenariat et d’association. Mais le Président Obama en dépit de sa détermination clairement exprimée (2) risque d’avoir autant de difficulté que les Haïtiens pour implémenter cette nouvelle géopolitique révolutionnaire, car les résistances américaines (3) risquent d’être au moins aussi grandes que les résistances haïtiennes venant des deux premiers camps susnommés: le Camp des Tutellistes et le camp des Réformistes patients.

Je pense donc qu’il serait bon que chacun ayant choisi son camp, se mette en chantier pour construire le camp qu’il a choisi. Continuer à s’envoyer des arguments presque toujours mal reçus par l’autre camp ne sert à rien et n’est que pure perte de temps.

En ce qui me concerne, mon choix est fait: je suis pour le troisième camp, celui de la Révolution Drastique.
Je tiens à avertir ceux qui veulent rejoindre ce camp de la Révolution Drastique que rien n’y sera facile. La révolution Drastique n’est pas un long fleuve tranquille. Dans ce camp ce qui est important ce sont d’abord les convictions. Si vous doutez de la victoire ne rejoignez pas le Camp de la Révolution Drastique, vous y serez un poids lourd.

Un point important qu’il faut souligner dès le départ c’est que la révolution drastique implique une rupture qui ne peut se faire qu’avec un processus de force. Sur le plan des principes, comme vu plus haut, les deux formes de la force sont légitimes:
-la force musclée ou force militaire
-la force morale
Ma position a toujours été de donner la priorité à la “force morale” (ou l’Arme de la Dialectique) et de ne recourir à la force musclée ou militaire (la Dialectique des Armes) que comme “ultima ratio”, en cas d’échec de l’Arme de la Dialectique. Mais je pourrais aisément démontrer que dans tous les cas que je connais (4) on a fait appel à la Dialectique des Armes sans avoir épuisé même un minimum des ressources de l’Arme de la Dialectique. Dans ces cas la Dialectique des Armes loin d’avoir été “l’ultima ratio” a été, en fait, la “prima ratio”. Ma thèse de travail est que l’intervention militaire était programmée per fas et nefas depuis 1986 et des organisations comme le Konakom avaient été crées pour la préparer.

Gérard Bissainthe
gerarbis@orange.fr
15 août 2009


(1.-) Je donne au mot “tutelle” son sens courant qui implique ou des ingérences continuelles dans les affaires intérieures d’un pays, ou un protectorat ou un proconsulat.

(2.-) “I pledge to you that we seek an equal partnership. There is no senior partner and junior partner in our relations; there is simply engagement based on mutual respect and common interests and shared values. So I'm here to launch a new chapter of engagement that will be sustained throughout my administration.” (Extract from Obama speech on Partnership, April 19, 2009

(3) Les décisions prises dans une Capitale ne sont par forcément toujours suivies dans les territoires du Grand Large. En 1986 des points importants dont j’avais discutés à Paris au Ministère de la Coopération, entre autres en tête à tête avec le Ministre lui-même, et sur lesquels un accord de principe avait été acquis, n’ont jamais pu être implémentés, parce que sur place en Haïti on voyait les choses autrement. L’administration américaine n’échappe probablement pas à ce genre de dichotomie qui faisait dire à un De Gaulle: “Le pouvoir c’est l’impuissance.”
Madame Hillary Clinton, Ministre des Affaires Étrangères des Etats-Unis, n’a encore donné aucun signal d’une volonté de s’engager dans la voie du Partenariat; du moins pas à ma connaissance. Si je me trompe, qu’on veuille bien me corriger. Et l’ex-Président Bill Clinton n’a même pas fait allusion récemment à Miami à l’ère nouvelle inaugurée par le Président Obama.
Les Haïtiens doivent comprendre que ce sont eux AUSSI qui devront tout faire pour “donner jarrette” au Président Obama dans sa nouvelle géopolitique annoncée. Rien d’étonnant, Obama ne peut danser le tango tout seul; you have to be two to tango.

(4) Dans une analyse que je fais ailleurs j’ai montré que TOUTES les interventions armées au moins depuis 1986 en Haïti auraient pu être évitées avec une utilisation rationnelle et avisée de l’Arme de la Dialectique. C’est d’ailleurs la raison pour la laquelle en 1994, par exemple, les Militaires américains, en fait quasiment presque toujours moins “hawk” que les Civils, le General Colin Powell en tête, s’étaient clairement prononcés contre l’intervention des Marines en 1994.
La Maison Blanche avait tenu à répondre par une missive que l’on peut trouver à l’adresse suivante
http://www.gerardbissainthe.com/clinton/clinton-letter00.pdf
à ma lettre où je disais au Président Clinton que son embargo (dont l’Archevêque de Santo Domingo, Primat des Amériques avait dit urbi et orbi qu’il était “le plus barbare, le plus inhumain et le plus cruel de tous les abus de la force brutale”) portait la responsabilité de la mort prématurée de ma jeune sœur l’artiste Toto Bissainthe, d’après les propos de son médecin traitant. Dans cette lettre la Maison Blanche fait valoir “les bonnes intentions” de l’Exécutif. Avec ce que je sais moi-même sur ce qui s’est passé entre 1986 et aujourd’hui, et avec le devoir que j’ai de dire pour l’histoire ce que je sais, je pense plutôt qu’il faut incriminer “l’information” du Président Clinton, comme d’ailleurs sur un chapitre analogue je pense plutôt qu’il faut aussi incriminer “l’information” de Madame Danièle Mitterrand, l’épouse du Président François Mitterrand. Il y a eu en ce temps un festival d’irrégularités. A mon avis on leur a raconté à tous les deux un peu ce qu’on a voulu. Au top niveau l’information exacte est souvent une gageure. Colin Powell s’en est plaint publiquement dans l’affaire de la guerre de l’Irak; et déjà Napoléon s’en était plaint dans l’affaire du désastre de son expédition de Saint-Domingue.

Le processus pour avoir un gouvernement sérieux

Par Gérard Bissainthe
gerarbis@orange.fr
19 août 2009
Source: Haiti-nation: 9721, 19 août 2009, 10h13



Wesly Deguerre pose ci-dessous (1) ce que nous pouvons appeler LA QUESTION CRUCIALE,
à savoir (je le cite):

"Comment mettre en place un gouvernement sérieux avec des gens capables pour sauver le pays ? Comment est-ce possible avec les coquins en place ?"


MA REPONSE

1.- Je commencerai par enlever l'expression " les coquins en place" et je le remplacerais par "le système en place". Notre plus grande erreur est souvent de tomber dans le piège que nous tendent les Etrangers (qui nous parlent de "MRE", the Most Repugnant Elite) et de nous imaginer que notre premier problème est la corruption. Nous passons alors notre temps à dénoncer et a pourfendre les corrompus ("les coquins") alors que les corrompus sont produits par un "système" comme le foie secrète la bile.

2.- Après avoir réfléchi depuis très longtemps sur ce "système", je crois en avoir découvert le mécanisme et il est très simple: tout le problème réside dans la MANIERE, le PROCESSUS que nous utilisons pour choisir nos dirigeants. Dans ce système actuel il nous est littéralement impossible de financer nos élections avec nos propres moyens et nous sommes impérativement obliges de recourir a des fonds provenant d'un Pouvoir Étranger (ou P.E.) Or le P.E. c'est qui? C'est ou les Etats-Unis, ou un peu parfois la France ou L'ONU ou l'OEA. Si ce sont les Etats-Unis ou la France, il va de soi qu'ils vont rechercher leurs propres intérêts; et c'est TOUT CE QU'IL Y A DE PLUS NORMAL. Ils ne s'en cachent pas. Nous serions à leur place nous ferions exactement la même chose. Le désintéressement pur n'existe pas au niveau géopolitique: le Plan Marshall avait été conçu pour aider l'économie européenne, mais en même temps pour aider l'économie américaine. L'ONU et l'OEA ne sont pas plus désintéressées que les États, car ces deux organisations sont sous le contrôle des grands États qui y ont le "droit de veto". Nous devons donc nous arranger pour que le peuple haïtien choisisse ses représentants strictement avec ses propres moyens. Et c'est pour cela que j'ai proposé le système “municipaliste” (voir http://www.municipalisme.com/ ).

Dans ce système tout candidat devra suivre une filière rigoureuse, un vrai parcours du combattant qui part de la base pour arriver au sommet et à toutes les étapes c'est
LE PEUPLE QUI CONTROLE TOUT.

Cette opération pourra établir une jonction presque idéale entre la base du pays (les sections communales) et la Diaspora. Il suffit pour cela que les Haïtiens de la Diaspora DIRECTEMENT, SANS PASSER PAR LE GOUVERNEMENT sponsorisent les sections communales de leur choix en les aidant économiquement, culturellement, professionnellement, techniquement. Il faut créer une sorte de "pont aérien" entre les Haïtiens de la Diaspora et la base du pays, en court-circuitant le Gouvernement. Car le Gouvernement fera tout ce qu'il peut pour empêcher l'implémentation de ce pont aérien indépendant dont il a peur, étant donné que ce point aérien QUI LUI ECHAPPE, va obligatoirement augmenter le pouvoir de la base et diminuer le pouvoir du sommet, ce pouvoir central qui est quasiment tout-puissant en Haiti aujourd'hui. Comme il est plus qu’évident, cela crève les yeux, que ce pouvoir central est sous la coupe des Etrangers, ce pouvoir central est ainsi aujourd’hui le nerf moteur de notre dépendance.

On peut donc dire:
Diaspora + Sections Communales = le salut démocratique du pays
C'est par là qu'il faut commencer.

Cette sponsorisation de la Diaspora se fait déjà aujourd'hui de manière empirique. Il existe, en effet, de nombreuses organisations de la Diaspora qui aident directement des sections communales en Haiti. Il faut seulement SYSTEMATISER et ORGANISER ces opérations empiriques. Mais, soulignons-le fortement, il ne faut surtout pas compter ici sur le Gouvernement dont l'objectif inavoué et inavouable est d'EXCLURE LA DIASPORA PER FAS ET NEFAS, car il a une peur bleue de sa puissance encore enchaînée.


Gérard Bissainthe
19 août 2009
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(1) Haiti-nation: 9701 19h43
At 01:43 19/08/2009, Wesly Deguerre wrote:

Chers Internautes,

Pour beaucoup parmi nous qui rejettent l'importance de la diaspora Haïtiens dans le développement d'Haïti je vous encourage à lire l'allocution de Mr Péan à la conférence de Miami.

En passant il faut souligner les deux millions qui ont laissé le pays sont des cadres dans tous les domaines dont le pays a besoin pour un vrai changement.

Maintenant la question c'est comment mettre un gouvernement sérieux avec des gens capables pour sauver le pays ?

Comment est possible avec les coquins en placent ?

Voici quelques ouvrages de Mr. Péan qui peut vous aidez à saisir mieux l’engrenage que nous en sommes.

De Saint-Domingue à Haïti (1791-1870) : économie politique de la corruption

L'État marron (1870-1915)

Le saccage (1915-1956)

L'ensauvagement macoute et ses conséquences (1957-1990)


Wesly Deguerre

samedi 15 août 2009

A propos de “la fortune des Duvalier” - Un témoignage pour l’histoire


Par Gérard Bissainthe
15 août 2009


Après avoir lu le texte ci-dessous sur les biens de Jean-Claude Duvalier, je tiens à mentionner pour l'histoire un fait survenu en 1986 et auquel j'ai été mêlé.

A cette époque j’étais le Conseiller Spécial très écouté du Ministre des Affaires Étrangères, le Général retraité Jean-Baptiste Hilaire. Un matin je reçus un appel téléphonique de lui. Comme il m’avait confié tous les dossiers français, il me demandait de recevoir un monsieur venant de France et dont le nom était Philippe Rossillon. Renseignements pris, l’épouse de ce monsieur était une des plus grandes fortunes de France et il était lui-même un des hommes les plus influents de ce pays. Je le reçus dans mon bureau. Il m’expliqua qu’il venait faire au Gouvernement Haïtien une proposition de la part de l’ex-Président Jean-Claude Duvalier. La proposition était la suivante: l’ex-président était prêt à donner au Gouvernement haïtien la somme de cinquante millions de dollars pour que le Gouvernement haïtien laisse tomber toutes poursuites “financières” contre lui.

Il s’agissait de toute évidence d’une solution “à l’amiable” d’un problème épineux.

Voici le commentaire qu’en substance je fis au Ministre Hilaire : « On estime la fortune de l’ex-président à environ huit cent millions de dollars. Mais on n’en a aucune preuve. Ces cinquante millions ne sont qu’un très faible pourcentage de cette somme. Dans le domaine serein des principes, nous devrions tenter de récupérer ces huit cent millions de dollars dans leur intégralité. Mais quelles chances avons-nous de les avoir? Nous devrons nous aboucher avec des avocats internationaux qui sont souvent les mêmes que les gens utilisent pour mettre leur argent dans des paradis fiscaux et dont les honoraires sont toujours astronomiques. Et nous n’avons aucune garantie d’arriver à un quelconque résultat. Mon avis est que nous devrions accepter la somme proposée et nous engager à arrêter toute poursuite financière. Que vaudra notre engagement pour un prochain gouvernement? Nous n’en savons rien. En attendant au lieu de faire “manger notre argent” par des avocats nous aurons en main cinquante millions de dollars que je conseille d’utiliser en priorité pour notre Université d’État qui est dans une situation de total dénuement et de total délabrement. »

Le Ministre Hilaire présenta mon idée au CNG qui, me dit-il, la rejeta pour la raison suivante: le peuple haïtien va toujours penser que nous avons reçu beaucoup plus que cinquante millions et que nous avons empoché la différence.

Je fis savoir à Philippe Rossillon que sa proposition avait été refusée.

On connait la suite. Des sommes apparemment importantes ont été plus tard dépensées par le Gouvernement pour récupérer “la fortune des Duvalier”. Aujourd’hui, vingt trois ans après, il semblerait que nous allons recouvrer sept millions de dollars. D’abord en sommes-nous bien sûrs? Et puis ces sept millions vont-ils pouvoir éponger la facture de nos honoraires d’avocats depuis vingt-trois ans? Je n’ai pas la réponse à ces questions.

Si j’avais été maître des décisions en 1986, j’aurais commencé par accepter le principe du règlement “à l’amiable” de ce problème et j’aurais négocié une majoration de la somme proposée. Il est vrai que de retour d’exil, bien que victime moi-même de la dictature, j’avais tout de suite prêché la réunification (je préférais ce mot à “réconciliation”) nationale pour arriver à la paix civile en vue d’éviter la catastrophe qu’il était facile de prévoir. Aux Etats-Unis on recourt souvent à ce genre d’entente hors des tribunaux et à des “plea bargainings”. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles les choses marchent mieux aux Etats-Unis qu’en Haïti.

Gérard Bissainthe
15 août 2009
gerarbis@orange.fr
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At 14:59 14/08/2009 -0700, Franklin Wilbert wrote:


Le president "klerine" va recevoir les 7 millions longtemps jeles par la Suisse pour corrompre encore plus les 129 chiens de garde de la classe soi-disant bourgeoise "la plus repugnante de l'emisphere"!

Vendredi 14 Aoüt 2009, 10H44

Feu vert à la restitution des fonds Duvalier à Haïti

Le Tribunal pénal fédéral a donné son feu vert à la restitution à Haïti des avoirs détenus en Suisse par la famille Duvalier.

Il a rejeté le recours d'une fondation de la famille de l'ex-dictateur, qu'il assimile à une "organisation criminelle".

Le Tribunal pénal fédéral a donné son feu vert à la restitution à Haïti des avoirs détenus en Suisse par la famille Duvalier.

Il a rejeté le recours d'une fondation de la famille de l'ex-dictateur, qu'il assimile à une "organisation criminelle".

Il confirme une décision de l'Office fédéral de la justice du 11 février dernier. Un montant de sept millions de francs, gelé dans les banques suisses depuis 2002, sera remis aux autorités haïtiennes.

Dans un arrêt du 12 août, la Deuxième cour des plaintes du TPF juge le clan Duvalier hors-la-loi. Selon la Cour, "la structure mise en place par Jean-Claude Duvalier et ses proches doit être qualifiée d'organisation criminelle". Elle consistait à "user du pouvoir absolu du chef de l'Etat pour faire régner un climat de terreur en Haïti et procurer à ses membres des revenus considérables par le détournement systématique des fonds publics".

Pour justifier sa demande de restitution, formulée par une fondation enregistrée à Vaduz, la famille Duvalier avait affirmé que les fonds détenus en Suisse " avaient pour unique origine la fortune personnelle de Simone Duvalier", la mère de Jean-Claude Duvalier. Un argument écarté par le TPF. Pour celui-ci, "il est établi que Simone Duvalier était membre de l'organisation criminelle dirigée par son mari François Duvalier, puis par son fils Jean-Claude, en sa qualité de bénéficiaire des détournements de fonds opérés systématiquement par cette organisation".

Haiti en marche
__________
Lire aussi cet article de l'AP:

vendredi 14 août 2009

Intervention de la première ministre Michèle Pierre Louis au Congrès de l’Unité de Miami

Allocution présentée le dimanche 9 août 2009, peu avant celle de l’ancien président américain Bill Clinton.

Diskou Premye Minis Michèle D. Pierre-Louis nan 2èm kongrè entènasyonal diaspora
Kongrè Inite
Miami, 9 Out 2009

Mwen vle kòmanse pa salye òganizatè Kongrè an dèske yo rive mete tout Ayisyen/Ayisyèn ak zanmi Ayiti yo ansanm sou labannyè INITE.

Nou tout ki la jodi an se yon sèl mo ki reyini nou : se Ayiti.
Alòs, reyini sou drapo Ayiti, anba flanbo inite mande nou pou nou bay mo sa yo tout sans yo.

Men anvan mwen antre nan nannan kesyon an, kite m di n detwa pawòl.

Toudabò, na eskize Minis Ayisyen k ap viv aletranje yo, Misye Charles Manigat. Se li menm mwen te chwazi pou ranplase m nan seremoni ouvèti kongrè an. Malerezman, li pat ka vini paske Prezidan Preval te voye l nan tèt yon delegasyon nan zile Turc and Caicos pou al regle afè batiman ki fè nofraj kote anpil moun te pèdi lavi yo. Minis la te oblije ale. Ki fè, misyon l pat fini lè kongrè an te kòmanse.

Nofraj sa raple n, kantite moun ki pèdi lavi nan kouri kite peyi an nan move kondisyon pou al chache lavi miyò nan lòt peyi. Sa poze gwo entewogasyon pou nou k ap dirije peyi an jounen jodi an. Kilè na rive bay Ayisyen ak Ayisyèn espwa pou yo viv lakay nan bon kondisyon ? Kilè na rive kwè se ak fòs pa nou, entelijans pa nou, inite pa nou na rive konstwi yon peyi kote lavi fleri, kote nou rejwenn fyète nou ak diyite nou ? Kilè na bay mo inite sa tout sans li ?

E se sou sa mwen vle pale jodi a. Sou sans mo inite sa. Oganizatè kongrè an pran gwo chans lè yo chwazi tèm sa pou diskisyon ki fèt nan 3 jou sa yo.
Ki sa nou vle di lè n ap pale de inite ?

Inite vle di sòti nan sispisyon, nan lè w gade yon Ayisyen parèy ou, anvan menm ou pale avè l, ou gen tan mete l nan yon kategori : sa se yon boujwa, sa se yon pitit sò yèt, sa se yon peyizan gwo zòtèy, sa se yon arivis, sa se yon dyaspora, sa se yon bakoulou, sa se yon gran jipon, sa se yon chanpwèl, sa se yon lougarou ki vole gran jou, sa se yon lavalas, sa se yon makout.

Se konsa nou ye menm. Voye pawòl monte san jistifikasyon, san konesans, san egzèse jigman nou, paske nan fon kè nou, nou pa kwè nan inite tout bon vre. Se yon mo nou repete san konviksyon paske nou toujou rete nan sa mwen rele “la culture de l’échec et du dénigrement”.

Inite mande jefò. Inite mande refleksyon. Inite mande aksyon. Inite mande travay kolektif pou byen komen, pou enterè piblik. Sa vle di, kouman pou nou pran ka peyizan ki nan tèt mòn Kawo, nan tèt mòn Makaya ou byen nenpòt kote nan peyi an, e ki poko wè kisa demokrasi an pote pou li, ki sa eleksyon pote pou li. M sonje apre Divalye ale, nan efèvesans kite gen nan peyi an, yo te envite m nan yon reyinyon nan Latibonit kote yon bann ak yon pakèt peyizan te reyini pou yo brase lide sou sitiyasyon yo. Epi, gen yon gwoup ki rive ak yon pannkat ki te ekri : “nou menm peyizan Janvye, 5èm seksyon Ti Rivyè, nou nan peyi an tou”. Nou nan peyi an tou.

Tankou moun Matisan, Site soley, Raboto, Sent Elèn, La Fosèt. Men tankou moun Pegivil, Boutilye, Tijo, Bòd, Rival, Gabyon, Pasrèn e latriye. Yo nan peyi an tou. Nou tout nan peyi an.

N ap viv nan yon peyi klwazonnen, fraktire, kote nou pa pran tan pou nou rankontre tout bon vre. Sa vle di, moun ki gen lajan yo rete ansanm, sa ki pòv yo rete ansanm, peyizan rete ak peyizan, ouvriye ak ouvriye, sektè prive ak sektè prive, dyaspora ak dyaspora, etidyan ak etidyan, elatriye. Peyi an pa brase ase, li pa melanje ase, pa gen ase deba serye ant dives sektè pou yo echanje, pou yo diskite, pou yo rive fè konpwomi. Sa vle di, dekouvri enterè chak genyen, lè fini aksepte pèdi ti kras pou tout moun ganyen. Se sa konpwomi an ye. Se yon demach ki esansyèl e se li menm sèl ki ka rive kreye vre inite an. Se li menm tou ki baz demokrasi an.

Inite vle di vire do bay eritaj kolonyal n ap trennen dèyè nou san nou pa mete l an kesyon, pou nou sispann gade dèyè selman men pou nou gade peyi an ak je 21èm syèk la.

Inite vle di gade peyi an byen. Aprann istwa l, kilti l, jeyografi l. Inite vle di, voye yon je sou Repiblik Dominiken, vwazen nou. Istwa nou mare ansanm e se sèlman si nou rive lonje men bay lòt nan yon abrazo fratènèl, san pyèj, san rankin, na rive konstwi istwa n ansanm pou lavni toulede peyi yo.

Inite vle di, pran ka jèn yo. Kelkilanswa kote yo ye, nan peyi an oubyen nan peyi etranje. Eseye konnen sa ki nan kè yo. Valorize savwa yo ak savwa fè yo. Fè plas pou yo paske se yo menm ki avni peyi an. Trase model pou yo, pa kite yo kwè peyi an pa gen moun ki gen valè, peyi an se agranman ak malfèktè sèlman ki ladann. Montre yo bote peyi nou an pou yo gen espwa sa ka chanje paske sa ka chanje.

Inite vle di fè fanm yo konfyans. Se yo ki bay lavi, se yo ki garanti lavi, edikasyon, lasante, travay andedan kay tankou deyò kay.

Inite vle di kwè nan lasyans ak teknik, sa vle di nan edikasyon ti moun yo, pou depi byen bonè yo konprann lanati, yo aprann viv ansanm, sosyalize ansanm, konstwui konfyans.

Inite vle di kwè sifizamman nan peyi an pou vin envesti. Pou vin mete pwòp lajan pa w, fè l fè pitit, peye taks ou, swiv sa lalwa di. Paske inite vle di tou rete nan legalite.

Peyi an rive nan yon kalfou. Yon kalfou kat chemen. Se nou menm ki pou konnen ki wout n ap pran. Opòtinite yo devan nou. Se nou menm ki pou konnen si n ap kite yo pase oubyen èske n ap pran yo pou devlopman peyi an. Prezidan Clinton la avè n jodi an. Kelkilanswa sa moun ap di deyò an, se nou ki pou konnen kouman pou prezans li pote sa ki byen, sa ki valab pou peyi a.

Kwak gen anpil pwoblèm ki pou regle, peyi nou an ofri anpil pèspektiv pou envestisman. Si ansanm, antreprenè ayisyen mete ak antreprenè etranje, anpil djòb kapab kreye nan peyi an. Jounen jodi an, kreye djòb se yon priyorite tankou konbat frajilite anviwonmantal peyi an se yon priyorite.

Gouvènman an, anba lidèship Prezidan Preval, angaje nan yon plan devlopman ekonomik nou te prezante nan Konferans Bayè yo an avril ki sot pase an. Gen gwo travay k ap fèt nan agrikilti, nan wout, nan elektrisite, nan prevansyon dezas, nan edikasyon, sante, ak nan kreye meyè kondisyon pou klima envestiman an, sa vle di kontinye travay sou sekirite ak kad legal la. Nou tout konnen peyi Kanada, peyi Etazini, peyi Lespay rive chanje “travel advisory yo” an favè peyi an.

Anpil travay fèt pou nou te ka rive anile yon gwo pati nan dèt peyi an genyen bò kote enstans entènasyonal yo. Se konsa, nan mwa jen ki sot pase a, 1.2 milya dola efase sou dèt peyi an. Se te yon gwo defi paske te gen anpil kondisyon pou sa te fèt, men nou rive fè l. Men l ap rete difisil pou frennen wout dezòd nou pran depi plis pase 50 lane nan peyi an. Tout bezwen yo rive sou nou an menm tan, se poutèt sa, se sèlman si nou pran konsyans enpòtans dyalòg Prezidan Preval ap pale tout tan an, na rive angaje n vreman nan konstwi peyi an.

Pou fini, anpil moun ap mande, « men ki sa Premye Minis sa fè nan peyi an, kòmkwa se pale sèlman li konn pale ». Se opinion anpil moun. Men Premye Minis lan pa gen pou l fè. Li gen pou l fè yo fè. Se li menm ki chèf okès gouvènman an. Se li menm ki pou bay direksyon epi kowòdone aksyon gouvèman an.

Sa vle di, lè m chita ak Minis Agrikilti an pou nou gade ki jan pou nou amelyore pwodiksyon lokal la epi nou deside sou yon aksyon Sen Rafayèl pa egzanp, se aksyon gouvènman an.

Lè m chita ak Minis TPTC an pou nou gade kòman nou kapab konstwi Pon sou rivyè Limit ki pou premye fwa pral relye Dondon ak Sen Rafayèl, se aksyon gouvènman an.

Lè m chita ak Minis Sante Piblik lan pou nou gade kouman pou nou amelyore sitiyasyon Sanatoryòm ak Lopital Jeneral, se sa k ap fèt kounye an e nan semenn lan m pral vizite 2 lopital sa yo plis lopital Lapè sou Dèlma. Se aksyon gouvènman an.

Lè nan CSPN (Conseil Supérieur de la Police Nationale) m chita ak Minis Jistis lan, ak chèf Polis la, pou nou planifye kouvèti polisyè pou peyi an, pou nou planifye konstriksyon komisarya ak prizon, se aksyon gouvènman an.

Lè m al nan fowèm Minis Jenès, Espò ak Aksyon sivik lan ak fè pou mobilize jèn yo sou politik jenès lan, se aksyon gouvènman an.

Lè m chita ak Minis Jistis lan pou nou planifye kouman pou chak grenn ayisyen, chak grenn ayisyèn andedan peyi an tankou aletranje espesalman nan batey yo, gen yon idandite, yon eta sivil, e se sou sa n ap travay, se aksyon gouvènman an.

E tankou nou wè tou, tout sa se INITE an tou. Se koyezyon gouvènmantal, se solidarite aksyon gouvènman an. Prensip mwen te afime depi nan Deklarasyon Politik Jeneral mwen an devan Palman an.

Se vre Premye Minis lan kapab deside sou kèk aksyon ki make pasaj li espesyalman. M déjà kòmanse. Al gade travay ki fèt Sen Lwi di Sid nan rekonstwi baraj Grenodyè siklòn Gòdon te kraze e ki rete 15 lane san repare. Travay sa pral pèmèt irige plis pase 700 kawo tè nan plèn Sen Lwi di Sid. Sa se aksyon dirèk Premye Minis lan. Konsa tou, ak Minis Kilti ak Kominikasyon, m te pèmèt reamenaje twa gwo lakou nan Latibonit yo : Soukri, Souvnans ak Lakou Badyo. Se yon bèl travay ki fèt nan wo lye Senbolik tradisyon kiltirèl Ayisyen yo.

Dòt aksyon konsa va rete pou peyi an lè m fin ale, apre esperyans m ap fè jounen jodi an nan tèt gouvènman an.

I would like to say just a few words in English for all the friends of Haiti who attended this Congress. Thank you for your support in favor of the Haitian people, thank you for your trust in our capacity to build our present and envision our future. This congress was launched under an important banner : Unity. It is a challenge indeed, but together we can achieve that goal.

Sa m ta swete pou m fini. Se yè swa m rive pou m asiste kloti Kongrè an. Tout moun ki pase 3 jou yo isit lan, di m kouman deba yo te enteresan, kouman bèl pawòl tonbe nan chak atelye ki òganize yo. M ta swete se pa pawòl sèlman ki di, se pa pale mèt la sèlman ki fèt. Men okontrè, pawòl sa yo mennen nou an aksyon. Aksyon an favè peyi an, aksyon an favè pèp Ayisyen, aksyon nan tèt kole ak gouvènman an ki li menm, bò pa l sèlman, pa gen tout mwayen nan men l pou l koresponn ak tout bezwen pèp la ki anpil e ki merite jwenn solisyon ki dirab.

M swete rezolisyon yo ap mennen nan desizyon sa yo, yon fason pou nou bay mo Inite sa tout sans li, pou nou rejwenn fyète nou kòm pèp.

Mèsi.

dimanche 9 août 2009

Haïti: Le livre blanc du gouvernement de transition (2004-2006)

Le document en question est publié ici.
<--- Un lien vers ce document est placé dans la colonne de gauche de ce blog: voir rubrique «Documents importants».

vendredi 7 août 2009

Haïti: Déçus, les ouvriers descendent encore dans les rues

Victor Jean Junior
Source: Le Nouvelliste, 5 août 2009
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Les ouvriers-manifestants sur la route nationale no 1 (Photo: François Louis, Le Nouvelliste)
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Les forces de l'ordre s'opposent à la tentative de pénétration dans l'enceinte de la SHODECOSA (Photo: François Louis, Le Nouvelliste)
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Barrage de sécurité empêchant les manifestants d'arriver devant le Parlement
(Photo: François Louis, Le Nouvelliste)
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Plusieurs industries de la sous-traitance n'ont pas pu fonctionner ce mercredi. Environ 24 heures après le vote favorable accordé par la Chambre des députés au rapport de la Commission des Affaires sociales qui fixe le salaire minimum à 150 gourdes, les ouvriers ont encore gagné les rues.

Les ouvriers de la sous-traitance ont encore chômé ce mercredi. Ils ont investi les rues cette fois-ci pour dénoncer le fait que leur revendication n'ait pas été prise en compte par 55 députés sur les 65 qui ont voté mardi soir en secret pour un salaire minimum de 150 gourdes, comme préconisé par la Commission des Affaires sociales de la Chambre basse.

Insatisfaits, ces manifestants qui vivent pour la plupart dans les milieux défavorisés exigent l'annulation de ce vote. Tout comme les 29 députés mécontents qui souhaitent adresser à cet effet une correspondance à Levaillant Louis Jeune, président de l'Assemblée des députés, qui était le premier à justifier la manière, jugée pourtant inconstitutionnelle par plus d'un, dont a été votée la loi de Steven Benoit fixant le salaire minimum à 200 gourdes.

A l'instar de la première journée, cette manifestation des employés du Parc industriel et d'autres industries d'Haïti a démarré très tôt devant la SONAPI. Les manifestants se sont dirigés d'abord à Clercine où ils ont pénétré dans l'enceinte de l'Aquafine, une usine d'eau potable, pour forcer en vain ses employés à les rejoindre dans leur mouvement.

Ce même coup de force a également été tenté sur la route nationale no.1 où se situe la SHODECOSA (non loin de Cité Soleil), où un important dispositif de sécurité avait été mis en place par les agents de la police. « Les employés ne sont pas à l'intérieur pour l'instant », a affirmé quelqu'un dans la foule. Et les manifestants ont laissé les lieux, pour prendre la direction du Parlement haïtien, devant lequel la foule allait se réduire à quelques centaines de protestataires alors que ces derniers étaient au nombre de plusieurs milliers au début de la manifestation. « Le parcours semble avoir été trop long », estime un policier. D'autant que certains manifestants n'étaient même pas en mesure de s'acheter un sachet d'eau.

Sur le visage fatigué d'une dame qui faisait le va-et-vient sous un soleil de plomb sur la Place des Nations unies, à quelques mètres du palais législatif, on ne pouvait lire que la déception. « Nous n'arrivons pas à comprendre comment nos députés ont pu accepter de vendre leur âme. Ils ont préféré ne pas voter la loi fixant le salaire minimum à 200 gourdes, tandis qu'ils ont été choisis pour défendre nos intérêts », disait-elle, indignée.

Comme tant d'autres ouvriers, cette mère de famille, qui travaille de 6 heures a.m. à 5 heures p.m. pour la modique somme de 70 gourdes par jour depuis plusieurs années, a invité les députés qu'elle traite de Juda à se ressaisir. « Il faut qu'ils entendent le cri retentissant des ouvriers, exigait-t-elle, ajoutant: Les députés pensent-ils que des êtres humains puissent vivre dans ces conditions salariales si négligeables ? »
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L'article original est publié ici.

Haïti: Benoît et alliés montent la résistance

Par Jean Pharès Jérôme Claude Gilles
Source: le Nouvelliste, 5 août 2009

La Chambre des députés est comme un royaume divisé depuis la séance du mardi soir. Vingt-huit députés issus de différents partis politiques représentés au Parlement se sont alliés à Steven Benoît pour dénoncer le vote secret du rapport de la Commission des Affaires sociales qui n'a ni accepté ni rejeté les objections de la présidence à la loi sur le salaire minimum.

Les députés qui optent pour un salaire minimum de 200 gourdes n'entendent pas se comporter en bons perdants ou mieux se considérer comme perdants. Au lendemain de la décision de leurs collègues d'approuver le rapport de la Commission des Affaires sociales qui propose un salaire minimum de 150 gourdes dans les établissements de la sous-traitance, Steven Benoît et ses alliés montent déjà un front de résistance. « Nous allons dès demain écrire au Bureau de la Chambre pour dénoncer l'inconstitutionnalité du vote », a affirmé l'initiateur de la loi primitive.

Steven Benoît et ses 28 alliés disent n'avoir pas voté à la séance de mardi soir. « Nous avions laissé la salle au moment du vote », a déclaré le député de Dame-Marie, Acklush Louis-Jeune, qui s'exprimait au cours d'une conférence de presse conjointe avec certains de ses collègues parlementaires. L'élu de l'Organisation du peuple en lutte a expliqué avoir, du haut de la tribune de la Chambre des députés, dénoncé l'illégalité et l'inconstitutionnalité du vote en secret du rapport de la Commission des Affaires sociales assimilable à une nouvelle loi sur le salaire minimum. « La Commission n'avait nul droit de faire une nouvelle proposition, a dénoncé M. Louis-Jeune. Elle devait tout simplement recommander le vote ou le rejet des objections de la présidence.»

Les 29 députés qui dénoncent le rapport de la Commission présidée par le député de Gros-Morne, Gérandale Thélusma, estiment que le vote de l'Assemblée est nul et non avenu. « La séance de mardi soir n'est pas encore terminée, car les objections de la présidence n'ont pas été soumises à l'appréciation de l'Assemblée », a fait savoir le député de Limonade, Hugues Célestin. « Aucun acte législatif n'a été pris mardi soir, a ajouté le député des Cayes, Jean David Génesté. Le bureau doit reprendre la séance.»

L'approbation du rapport de la Commission des Affaires sociales, par 55 voix pour, 6 voix contre et 3 abstentions, a surpris les 29 députés qui tirent à boulets rouges sur le Bureau dirigé par le député Levaillant Louis-Jeune. La plupart des députés ont, au cours des débats, défendu les 200 gourdes du bec et des ongles avant d'abandonner la séance pour tenter probablement d'infirmer le quorum. Très peu de députés ont eu le courage de supporter publiquement le rapport de la Commission. Le résultat du vote n'a pas reflété les débats. « Nous devons mener une enquête pour savoir ce qui s'est passé », a suggéré le député Acklush Louis-Jeune.

Il a fallu plus de six heures de débats, parfois houleux, pour que l'Assemblée des députés approuve le rapport de la Commission des Affaires sociales de la Chambre basse, qui propose un salaire minimum de 150 gourdes pour le secteur de la sous-traitance. « Tenant compte du fait que ni les 125 gourdes, ni les 200 gourdes ne paraissent convenables et justes selon l'avis des différents secteurs rencontrés, la solution susceptible d'harmoniser le capital et le travail serait celle consistant à fixer un salaire médian de référence, de 150 gourdes, recommande la Commission. Le salaire minimum de référence dans les établissements industriels tournés exclusivement vers la réexportation et employant essentiellement leur personnel à la pièce ou à la tâche, le prix payé pour l'unité de production (notamment la pièce, la douzaine, la grosse, le mètre) doit être fixé de manière à permettre au travailleur de réaliser pour sa journée de 8 heures de travail au moins les 200 gourdes ; le salaire minimum de référence dans ces établissements étant fixé à 150 gourdes ».

L'Assemblée des députés a, néanmoins, voté un salaire journalier de 200 gourdes au profit du secteur des industries de transformation. « Le salaire minimum à payer reste et demeure 200 gourdes, dépendamment de la taille et de la localisation de l'industrie », lit-on dans le rapport. Cependant, contrairement à la loi de Steven Benoit, la Commission souhaite une catégorisation des entreprises du secteur de la transformation. « En fonction de la fragilité des petites et moyennes industries, il incombe au Conseil supérieur des salaires de réaliser une étude dans un délai ne dépassant pas 45 jours visant à catégoriser les industries de transformation en fonction de leur chiffre d'affaires, du nombre total d'employés et de leur investissement total, ce, en vue de fixer de manière rationnelle le salaire minimum de référence respectivement applicable aux petites, aux très petites et aux moyennes industries ».

La Commission a aussi recommandé un salaire de 200 gourdes pour les ouvriers du secteur commercial. Comme pour le secteur de transformation, la Commission laisse donc ainsi le soin au Conseil supérieur des salaires de fixer le salaire en fonction de la taille des entreprises.
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L'article original est publié ici.
Lire aussi l'article de Jacques Desrosiers du journal Le Matin: