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dimanche 19 juillet 2015

Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes …?

Par Mirlande Manigat 

Sources: lenouvelliste.com , 13 juillet 2015 et touthaiti.com, 14 juillet 2015
Il y a un peu plus de quatre ans, les compatriotes qui m’avaient soutenue dans le combat pour être élue à la Présidence de la République et moi-même, nous avions appris avec stupéfaction, incrédulité et colère que, contrairement à toutes les informations recueillies et  confirmées par de sérieux sondages effectués, ce n’est pas moi qui avais été élue, mais mon compétiteur. Les résultats complets, indiquant, comme il est d’usage et comme le commandent les normes, des éléments de calcul et d’appréciation tels que le nombre d’inscrits et de votants, des votes nuls et blancs n’ont pas été rendus disponibles, mais on a eu la trouble élégance, dans la précipitation du complot, de m’accorder le même nombre de voix que j’avais obtenu au premier tour.
 Contre l’avis de mes collaborateurs, je n’avais pas contesté ce résultat, car j’estimais inutile d’essayer de changer une décision qu’une coalition entre des forces nationales et internationales avaient rendu telle. Telle elles la voulaient, telle elles l’ont eue. Ce n’est pas sans amertume que, sans accepter ce verdict, j’ai gardé le silence et, dans la discrétion de mes réflexions, j’ai estimé que je pouvais servir ma patrie sans être Présidente de la République.
 Je savais que ces résultats annoncés avec une indécente fanfare de satisfaction aveugle et sourde étaient faux. J’étais tenue au courant des équipées nocturnes du Président du CEP au Centre de tabulation, mais je ne pouvais pas anticiper qu’une ultime visite qui a échappé à la vigilance d’observateurs indépendants, scellerait finalement  l’issue du scrutin. Je l’ai su le matin même, mais déjà les jeux étaient faits, le champagne chambré, les lampions allumés et la danse des satisfaits entamée, même avec  malaise chez certains. Ce tintamarre a étouffé les protestations car il y eut tout de même des patriotes pour refuser d’accepter cette évidente iniquité. Mais d’autres se sont empressés d’aller à la soupe  rapidement mijotée par le nouveau pouvoir.
 Pendant quatre ans, j’ai assumé sérieusement mes responsabilités d’enseignante et de Secrétaire Générale de mon parti, le RDNP. Ces occupations ont représenté une espèce de catharsis qui m’a fortifiée. J’ai réussi, non sans peine, à ravaler mon amertume, transformant d’ailleurs ce sentiment normal en une sereine lucidité et à travers un comportement en accord avec mes principes. Entre-temps, j’avais accumulé des témoignages qui confirmaient ce que nous savions déjà, que les résultats représentaient une véritable arnaque effectuée non seulement contre moi, mais contre la démocratie et l’état de droit.
 J’ai personnellement entendu comme bien de compatriotes, les aveux de Monsieur Pierre Louis Opont admettant publiquement, sur une station de radio, que les résultats qu’il avait réunis et soumis il y a quatre ans n’étaient pas ceux qui avaient été publiés. A la question du journaliste qui a cherché à savoir pourquoi, à ce moment là il n’avait pas protesté, au nom de la vérité, il a répondu qu’il était un fonctionnaire public à l’époque et donc soumis à un étrange devoir de réserve, qu’il craignait qu’un résultat contraire mais correspondant à la vérité des urnes, pût entraîner des troubles violents. Et poussant l’outrecuidance, il a  poursuivi, à la manière de Ponce Pilate, qu’il y avait une sorte de consensus entre le perdant et le gagnant ! Je ne sais ce qui m’a le plus renversée, l’aveu ou ce mensonge éhonté relatif à une quelconque entente entre compétiteurs. Comme quoi, j’aurais à l’avance accepté la défaite moyennant, sans doute dans son esprit, quelque compensation. C’est ajouter la calomnie au mensonge.
 On m’a conseillé de réagir par la loi, comme c’est mon droit, de l’attaquer en diffamation, au mieux, d’engager une sommation pour exiger au moins la notification écrite de ces résultats falsifiés. Je dois dire que j’ai été tentée de le faire, pour la vérité et pour l’histoire, mais j’y ai renoncé, non par faiblesse car tous ceux qui me connaissent savent que je ne manque ni de courage ni de calme combativité, mais par une espèce de lassitude attristée non quant à l’issue d’une action judiciaire, mais à son inanité. 
Dans n’importe quel pays normal, et je ne pense pas seulement aux grandes puissances, mais par exemple, à nos voisins de la Caraïbe anglaise, ce Monsieur ne devrait pas se trouver actuellement à la tête du CEP et, de toute façon, après une telle déclaration, l’action publique aurait dû être mise en mouvement avec, comme conséquence, l’annulation purement et simplement des résultats publiés avec toutes leurs conséquences, sur la base des preuves imparables qu’il devrait fournir à une instance judiciaire.
Ma froide réaction devant la confirmation de ce que je savais déjà est le renforcement de ma lucidité en ce qui concerne le délabrement moral de notre pays. Il n’y a pas de nom pour qualifier un tel acte. Mais je voudrais demander à Monsieur Opont pourquoi il a décidé de dévoiler ce secret de polichinelle au lieu de l’emporter avec lui dans un au-delà que je lui souhaite rédempteur ? Je n’ose croire que c’est pour m’accorder une espèce de réparation morale rétrospective dont je n’ai guère besoin, à moins que ce ne soit l’effet d’un remords après coup ? En tout état de cause, mes principes ne me portent pas à tirer une quelconque satisfaction de cet aveu qui ne comportait d’ailleurs pas des accents de contrition. Une étrange banalité, comme une information sans conséquence.
 Mais je m’adresse à tous ceux qui sont engagés, malgré tout, pour le meilleur et pour le pire, dans la compétition électorale à tous les niveaux, qui ressemble bien à "une chronique d’une mascarade annoncée".
 Vous avez déjà constaté combien le CEP actuel se comporte avec un incroyable manque de sérieux et de professionnalisme dans la gestion des candidatures. Prenez garde : vous lui faites confiance si j’en crois des déclarations bien imprudentes. Tachez de prendre toutes sortes de précautions et il faudrait que celles-ci soient cohérentes et surtout coordonnées, car il n’est pas sûr que les résultats qu’on enfournera éventuellement dans votre conscience seront les vrais, authentiques et inattaquables.
 Au moins, que la déclaration de Monsieur Pierre-Louis Opont serve de leçon à la collectivité en général et aux candidats en particulier.

lundi 11 avril 2011

Haïti-élections présidentielles/ Habemus papam !

(Trouvé sur sur le Web, Dimanche 10 avril 2011, 11h 58min 06s)

Par Robert Benodin
r.benodin@att.net
Orlando le 8 avril 2011

Martelly est élu en raz-de-marée à 67% ! Coïncidence bizarre, le même pourcentage de voix obtenu par Aristide en décembre 1990 au lendemain de son plébiscite organisé et financé par l’ambassadeur de France, Jean-Raphael Dufour. Avec la nuance qu’après 20 ans, l’électorat se chiffre à 4 260 540. Les voix obtenues par Martelly, 716 986, n’ont atteint ce nombre qu’après la réintégration des procès-verbaux mis en quarantaine pour fraude par les observateurs de l’OEA et du CARICOM. De fait, le vrai pourcentage des voix obtenu par Martelly relatif à l’électorat n’est que de 16.82%. Est-ce ça, la vox populi ? Que disent les 83.17%, soit 3 543 554 autres citoyens de l’électorat ? Y a-t-il lieu vraiment d’évoquer la notion de légitimité dans ce cas ? Même avec un haut pourcentage de voix à l’urne, la faiblesse de la participation tend à vous la dérober !


Force est de constater et surtout de comprendre que c’est par le biais des procès-verbaux annulés pour fraude, que Michel Martelly a pu être récupéré remplaçant le candidat du gouvernement, Jude Célestin, et participer au second tour ? N’y a-t-il pas maintenant, dans le cas du second tour entre Manigat et Martelly, une injuste utilisation de deux poids et de deux mesures, concernant la mise en quarantaine des procès-verbaux pour fraude ? C’est le président du CEP, Gaillot Dordinvil, qui a réintégré dans le décompte des voix, ceux appartenant aux procès-verbaux mis en quarantaine pour fraude. Qui détient assez d’autorité pour ordonner le dimanche 3 avril, à la dernière minute, à Gaillot Dorsinvil, président du CEP, de réintégrer ces procès-verbaux mis en quarantaine pour fraude ? Alors que ces procès-verbaux, écartés dès le début de la tabulation, en sa présence et à sa connaissance, n’ont jamais soulevé aucune réticence, ni protestation de sa part.


Il est arrivé qu’Edmond Mulet, le chef civil de la Minustah, ait appelé le président du Sénat Kelly Bastien pour lui dire de préparer la prestation de serment de Martelly. Qu’il a contacté madame Manigat qui a déjà consenti à sa défaite. Lorsque le président du Sénat a contacté Mirlande Manigat, grande fut sa surprise d’entendre qu’Edmond Mulet n’avait jamais contacté madame Manigat. Quand Kelly Bastien a rappelé Edmond Mulet pour lui faire savoir, ce qu’il vient d’apprendre de Mirlande Manigat. Edmond Mulet lui a répondu, qu’il voulait seulement l’informer de la décision et qu’il n’avait pas à appeler Madame Manigat. Pris de court, Edmond Mulet dit : « Que devra-t-on faire pour réparer cette gaffe ? »


Il n’y a pas que cela. D’autres, depuis le vendredi 1er avril, ont accusé réception d’un courriel envoyé par Edmond mulet annonçant la décision communiquée au président du Sénat. Edmond Mulet est-il le seul auteur de cette manœuvre pour imposer la réintégration des procès-verbaux mis en quarantaine pour fraude ? Il serait naïf d’imputer cette décision qu’à Edmond Mulet. A cause de sa position comme chef civil de la Minustah, il n’en est que le coordinateur et l’exécutant. Il y a eu de fait de plus hautes autorités que lui, à contribuer à cette décision. Jugez-en vous-même, ne peut-on pas conclure logiquement, que l’autorité qui a appelé le président du Sénat, soit celle qui a aussi appelé le président du CEP ?


Ceux qui croient qu’il y aura rupture avec Martelly, devraient se poser la question, a-t-on jamais constaté de rupture entre le populisme de droite et celui de gauche depuis 53 ans ? Certes, il y a eu des querelles de chapelle, mais pas de rupture. Il y aura peut être un changement de style, dû à la personnalité du nouveau leader. C’est encore la même caste multi-classiste en décrépitude et en pleine décomposition qui a réussi ce sauve qui peut, en faveur de la continuité. Y a-t-il lieu de croire que le vieil adage « the devil I know », incité par la pression de certains secteurs, a pesé de tout son poids pour faire réintégrer les procès-verbaux frauduleux ?


L’avènement de Martelly au pouvoir peut déboucher sur un problème très grave pour le populisme. Il n’y a jamais eu jusqu’ici la coïncidence de la présence simultanée de deux leaders populistes occupant le même espace politique, réclamant la même clientèle. Martelly ayant le pouvoir, pourra-t-il forcer Aristide à se soumettre à son autorité ? Aristide revenu précisément pour revendiquer son espace politique, sa clientèle et relancer son parti, acceptera-il à se courber à la volonté de Martelly ? Deux xénophobes peuvent-ils coexister dans un même espace politique sans se détruire l’un l’autre ? Il y va de la stabilité du pays !


Ce bras de fer incontournable, aura lieu très certainement au cours de la compétition électorale pour la fin d’année. Les élections des autorités locales, qui octroient automatiquement le contrôle de la machine électorale, établiront dans les faits, lequel des deux camps populistes, aura finalement le haut du pavé. Cette décantation est cruciale et incontournable. Certes, Aristide ayant à son passif un patrimoine politique exécrable, après 7 ans d’exil, est-il en train de battre de l’aile, peut-il remonter le courant ? Mais ayant à son actif l’ethnicité et l’origine sociale, pourra-t-il comme dans le passé les exploiter en virtuose ? De fait, Martelly n’a pas l’avantage de l’expérience politique. Mais cependant jouit de la prépondérance d’un pouvoir encore très jeune. Le fait que les relations entre les bases du populisme et le pouvoir politique relevant plutôt du domaine du mercenariat, donne à Martelly un certain avantage dans cette relation. Pourra-t-il, dans ce lapse de temps, entre juin et décembre, développer le contrôle de cette relation fondamentale ? De plus, au sommet de la pyramide, les chantres du populisme qui ont collaboré avec Aristide dans le passé, pour faire leur beurre, mais qui se sont rangés momentanément du coté de Martelly pour assurer la continuité, vont-ils se maintenir du coté de nouveau pouvoir de Martelly et abandonner définitivement Aristide, malgré les affinités ethniques et d’origine sociale qui les lient ? Ou, vont-ils être plutôt en porte-à-faux entre les deux, restant constamment à l’écoute de la réalité politique, pour s’assurer dans quelle direction souffle vraiment le vent ? Car, l’échéance n’est pas à long-terme, mais seulement pour décembre. Mais de plus c’est une situation inédite qui réveillera de fait tous les vieux démons de la politique. En d’autres termes Martelly pourra-t-il, en un aussi bref délai, mettre fin à l’ascendance d’Aristide, le sol invictus, sur les masses populaires ? Voilà le hic !
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Lire aussi: Mirlande Manigat a bien raison de protester et devrait même contester !

samedi 9 avril 2011

Haïti-élections 2010-2011: Mirlande Manigat a bien raison de protester et devrait même contester !


Par Dr Pierre Montès, LCDP-Politique, 9 avril 2011


Introduction


Il est anormal que le pointage de la candidate du RDNP, Mirlande Manigat n'ait pratiquement pas augmenté et soit resté le même au second tour qu'au premier (31,57%au premier tour; 31,74% au second).

De même, il est anormal que le pointage du candidat de Repons Peyzan, Michel Martelly soit passé de 22,23% au premier tour à 67,57% au second.

En effet, une interprétation des résultats du second tour publiés par le CEP le 4 avril dernier serait que quasiment 100% (99,64%) des électeurs qui auraient voté au premier tour pour un candidat autre Marlelly et Manigat, soient allés voter pour Martelly au second tour, si l'on suppose évidemment que tous ceux qui ont voté pour Manigat au premier ont encore voté pour Manigat au second et que tous ceux qui ont voté pour Martelly au premier tour ont encore voté pour Martelly au second.


Considérations liminaires-les résultats des huit présidentielles françaises à deux tours (1965-2007) (*)

Une situation semblable s'est présentée en France en mai 2002 quand Jacques Chirac affrontait Jean-Marie Le Pen au second tour. En effet, au premier tour, parmi 16 candidats en lice, Jacques Chirac, président sortant, était classé premier et avait récolté 19,88% des voix, suivi de Jean-Marie Le Pen qui avait réussi à ammasser 16,86% des voix, devançant étonnamment le brillant Lionel Jospin, candidat socialiste ! Au second tour, pour réparer leur erreur de jugement du premier tour, les français avaient reconduit, malgré eux, Jacques Chirac à la présidence: Jean-Marie Le Pen n'a pu gagner qu'un peu moins d'un pourcent de plus (soit 17,79%), tandis que Jacques Chirac a vu son pointage s'élever à 82,21%! Une interprétation de ces résultats serait que 98,5% des électeurs français qui n'avaient voté ni pour Le Pen, ni pour Chirac au premier tour, étaient allés voter pour Chirac au second tour; et seulement 1,5% de ces mêmes électeurs qui n'avaient voté ni pour Chirac ni pour Le Pen au premier tour, avaient alors voté pour Le Pen au second tour.

Le Tableau 1 suivant montre les résultats des deux tours des huit présidentielles françaises, depuis que le suffrage universel direct est utilisé dans ce pays pour élire le Chef de l'État.



Tableau 1.- Compilation des résultats des huit présidentelles françaises (1965-2007).

La dernière colonne du Tableau 1 contient un facteur que j'ai nommé alpha. Le facteur alpha exprime, pour un candidat donné (1er ou 2e au premier tour), la proportion des électeurs qui ont voté pour lui au second tour et qui n'avaient pas voté pour les deux premiers candidats au premier tour.

Des huit élections présidentielles françaises, trois présentent un candidat qui, comme Martelly était arrivé second au premier tour et a gagné au second tour. Ce sont:

1) Valéry Giscard d'Estaing (1974).- Il est classé 2e au premier tour avec 32,60%; il réussit à se mettre au premier rang au second tour avec 50,81%, avec un facteur alpha égal à 0,754, battant ainsi son puissant rival, François Mitterrand par un écart historique de 0,39%! Je me souviens encore aujourdd'hui de cette fameuse journée de mai 1974, discutant avec des camarades étudiants à la FDS (Auguste Paquiot, Hernst-Clémenceau Pierre-Antoine, Rosemond Pradel et d'autres).

2) François Mitterrand (1981).- Il est classé 2e au premier tour avec 25,85%; il réussit à se placer au premier rang au second tour avec 51,76%, avec un facteur alpha égal à 0,565, battant ainsi son rival, Valéry Giscard d'Estaing, président sortant par un écart de 3,52%.

3) Jacques Chirac (1995).- Il est classé 2e au premier tour avec 20,84%; il réussit à se placer au premier rang au second tour avec 52,64%, avec un facteur alpha égal à 0,569, battant ainsi son rival, Lionel Jospin par un écart confortable de 5,28%.

Ces trois hommes, Giscard d'Estaing, François Mitterand et Jacques Chirac étaient des politiciens aguéris qui, malgré tout n'ont pu vaincre leur adversaire au second tour qu'avec un pourcentage compris entre 50,80% et 52,65%, et, avec un facteur alpha compris entre 0,56 et 0,75.


Quelques considérations sur les présidentielles haïtiennes 2010-2011

Le Tableau 2 ci-dessous montre les résultats des deux tours des présidentielles haïtiennes. On y voit que la candidate Mirlande Manigat a pratiquement le même pointage au premier tour qu'au second tour (31,57% au 1er tour; 31,74% au 2e). Son rival, Michel Martelly est, quant à lui, passé de 22,23% au premier tour, après un repêchage au forceps réalisé de justesse par les Docteurs et experts de l'OEA (on s'en souvient), à un poucentage fracassant de 67,57% au second tour. Selon les chiffres préliminaires, publiés par le CEP le 4 avril dernier, Michel Martelly est donc le président élu d'Haïti. Selon ces mêmes résultats, comme l'indique le Tableau 2, dernière colonne, le facteur alpha pour Martelly s'établit à, tenez-vous bien, 0,9964! Ce facteur, pour Mirlande Manigat, 0,0036, est donc tout petit et même plus petit que celui obtenu par Le Pen, 0,015, en France au deuxième tour des présidentielles de 2002! On peut comprendre le facteur alpha obtenu par Le Pen en 2002, mais pas celui attribué à Manigat en 2011 en Haïti.

Le facteur alpha égal 0,0036 attribué à Mirlande Manigat signifierait, s'il n'y avait aucunes fraudes au deuxième tour, que presque tous les électeurs qui auraient voté pour les 17 candidats autres que Martelly et Manigat au premier tour, le 28 novembre 2010, seraient allés voter (1 personne, 1 vote) effectivement pour Martelly au second tour, le 20 mars dernier! Cela n'a aucun sens. Mirlande Manigat n'est pas Jean-Marie Le Pen. Il n'y a pas de similitude possible, pouvant se traduire en termes de alpha, entre Manigat et Le Pen. Ce ne sont pas seulement 32% des électeurs qui, à travers le pays, scandaient ces paroles typiquement haïtiennes:« Banm manmanm, banm manmanm! ». C'est, sans aucun doute possible, beaucoup plus que 32%.

Martelly a peut-être gagné, mais à beaucoup moins que 67,57%; Manigat a peut-être perdu, mais à beaucoup plus que 31,74%.

Martelly a peut-être perdu par 47,04%; Manigat a peut-être gagné par 51,28%. Ce sont les chiffres qui circulaient sur le Web depuis jeudi soir 31 mars juqu'à très tard dimanche soir. Avec ces chiffres, le facteur alpha aurait été 0,4427 pour Mirlande Manigat et 0,5573 pour Michel Martelly, ce qui constitue une variante possible de la réalité que nous ignorons à ce jour.



Tableau 1.- Résultats des présidentelles haïtiennes (2010-2011).


La candidate défaite, Mirlande Manigat a vivement protesté contre les modifications introduites dans la base de données au centre de tabulation des votes sur ordre du président du Conseil électoral provisoire, M. Gaillot Dorsainvil. Mais, elle dit ne pas contester les résultats.

À la lumière de l'interprétation du facteur alpha défini ci-dessus, et, sachant que des milliers de procès-verbaux (près de 1728, selon The Miami Herald) avaient été mis en quarantaine pour fraudes et irrégularités par les techniciens du centre de tabulation, il est possible de penser que le gagnant ou la gagnante du second tour ait récolté entre 51 et 52% des voix et non 67,57%. Pour le savoir, il faudrait, peut-être qu'un groupe d'experts indépendants se penchent rapidement sur la question et en informer le CEP et la nation, avant le 16 avril 2011, date de la publication officielle des résultats définitifs des élections.

Il faut aussi noter que le CEP avait rendu le processus de tabulation très opaque, contrairement aux élections de 2006 où les opérations du centre de tabulation étaient rendues publiques quotidiennement par le directeur d'alors, M. Jacques Bernard.

Sur la base de l'analyse ci-dessus qui repose entre autres sur le facteur alpha, étant donné la popularité de Mirlande Manigat, étant donné le prestige et la sympathie dont elle jouit dans tous les mileux en Haiti, il est logique de penser, jusqu'à preuve du contraire que les 31,74% que lui a attribué le CEP, à la suite des changements introduits in extremis dans la base de données du centre de tabulation, ne correspondent pas à la réalité. Le CEP devrait chercher à faire la preuve à la population, et, à toutes celles et tous ceux qui ont voté pour Mirlande Manigat, que cette dernière a gagné ou perdu les élections avec le vrai pourcentage de votes (inconnu pour l'instant et à déterminer) qu'elle a obtenu le 20 mars 2011.

Qui auraient peur que Mirlande Manigat soit élue présidente d'Haïti: une frange des gens d'affaires haïtiennes et/ou étrangères ? une frange importante de la société haïtienne elle-même qui ne serait pas encore prête pour se laisser diriger par une femme ?
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(*) Résultats élections présidentielles en France: france-politique.fr

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Dernière mise à jour, dimanche 10 avril 2011, 08h07

jeudi 7 avril 2011

L'élection de Michel Martelly: l'écrivain Lyonel Trouillot explique...

Source: radiokiskeya.com, 6 avril 2011

Sim Pa Rele
Ne pleure pas, Jeannette…

Par l’écrivain Lyonel TROUILLOT

Dans l’une de mes précédentes chroniques, je dénonçais le désarroi de ceux qui s’offusquaient de la candidature et de la popularité des chanteurs Wyclef Jean et Michel Martelly : les symptômes d’une crise sociale dont l’expression politique prend la forme du rejet de tout ce qui peut représenter l’ordre social, aux yeux des masses urbaines défavorisées et de la paysannerie. Pas besoin d’être sociologue ou historien pour se rendre à l’évidence de cette perception, chez celles et ceux qui ont voté Michel Martelly, qu’il existe un ordre qui est contre eux. Leur vote, dès lors, est déterminé par l’écart que le candidat choisi entretient selon eux avec le pouvoir politique en tant que garant de cet « ordre » duquel ils n’attendent rien.

Quand on offre le vote à des gens qui ne se sentent pas citoyens, dans une atmosphère d’ancien régime, ils votent le « désordre ». Depuis Duvalier, en passant par Aristide, pour en arriver à l’élection de Michel Martelly, la présidentielle haïtienne prend l’allure d’Etats Généraux. Dans ces trois cas, sans nier les spécificités conjoncturelles et les particularités de chacune de ces candidatures, le malheur a voulu qu’aux yeux d’une bonne partie de l’électorat, ces candidats soient porteurs du cahier de charge dont l’exécution mettrait fin à « l’ordre ». Le malheur. Au moins dans les deux premiers cas. La déstructuration de ce qui mérite d’être déstructuré n’a pas conduit à l’organisation d’une société républicaine fondée sur moins d’inégalité sociale. Le désordre n’a pas changé l’ordre social, il en a révélé et exploité la pourriture.

Plutôt que de se lamenter sur l’échec électoral de la constitutionnaliste lectrice d’Agatha Christie, il s’agira pour les progressistes de déborder ce nouveau populisme sur sa gauche. Veiller au respect des acquis démocratiques contre toute dérive totalitaire qui, plutôt que d’engager les institutions dans l’exercice de la transformation sociale dans le respect de leurs pouvoirs respectifs, pourrait prendre le chemin de la destruction de ces institutions. Dénoncer toute tendance au retour vers les préjugés sociaux et le clientélisme : la « bande » à Michel Martelly n’est pas exempte de fils et filles d’ayants-droit en droite lignée du mulâtrisme et du noirisme. Exercer la pression pour des mesures économiques et sociales pour une république fondée sur l’équité et l’égalité réelles.

Il s’agira aussi pour les progressistes de surmonter la contradiction qui les divise en deux : celle qui fait du même homme un intellectuel de gauche contrarié par le notable en lui. A titre d’exemple, des évidences que l’intellectuel aurait dû saisir et que le notable a ratées : Michel Martelly, dans le rôle de Sweet Micky, a choqué les bonnes mœurs, mais dans le système de représentation de celles et de ceux qui ont voté pour lui, cela n’a aucune importance. Pourquoi ? Parce que la crise sociale est telle, le rejet de l’ordre tel, que la « désacralisation » de tout ce qui le représente ne gêne pas, et pourrait même séduire.

Autre évidence : le coup de la sensibilité à la misère. Il faut reconnaître que les gens ont senti une sensibilité à leur condition, et qu’ils voteront à chaque fois (on en revient aux élections Etats-Généraux) celui ou celle qu’ils croiront sensible à leur condition. Si les gens ne croient pas que vous êtes sensibles à leurs conditions, comment pourraient-ils croire que vous allez y changer quelque chose ! Encore une fois, c’est sur sa gauche qu’on pourra vaincre le populisme : sensibilité réelle aux conditions du peuple, propositions claires de transformation de ces conditions. Les pleureurs qui se lamentent auraient dû pousser leur candidate à être plus « sociale », ou se constituer en force autonome et affronter le populisme. Le vaincre : Montrer que c’est nous qui comprenons vos problèmes et qui allons prendre les mesures justes pour les résoudre. C’est aussi ce silence, cette absence, qui a élu Michel Martelly.

Lyonel TROUILLOT