Photo d'archives, Le Matin, 6 mars 2009.
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Par Sylvestre Fils Dorcilus, Le Matin du vendredi 6 mars 2009
La mémoire de l’effondrement, le 7 novembre 2008, de « La promesse collège évangélique » à Nérette, Pétion-Ville, reste encore vivace. Chez les nombreuses familles endeuillées. Chez les amis des victimes. Chez les rescapés. Mais, côté gouvernement, d’autres priorités semblent avoir pris le pas sur cette tragédie qui a fait une centaine de morts et presqu’autant de blessés… Et, naturellement, les engagements, pris sur le théâtre de l’effondrement et dans le cadre de cérémonies hommage aux secouristes, tardent à se concrétiser.
Samedi 7 mars 2009. Quatre mois que l’établissement « La promesse collège évangélique », s’est effondré aux heures de classe, à Nérette, Pétion-Ville. Une centaine d’écoliers disparaît dans la tragédie. Plusieurs dizaines de blessés, dont certains resteront handicapés pour le reste de leur vie, sont recensés. Autorités gouvernementales et municipales, accourues sur les lieux, se confondent, devant les caméras des télévisions, en promesses d’assistance aux parents des victimes, aux écoliers survivants et professeurs. Quant aux mesures à prendre pour qu’une telle catastrophe ne se répète plus, c’était la surenchère. Mais aujourd’hui encore, parents et écoliers de Nérette attendent et, dans la région métropolitaine, les vielles bâtisses, transformées en établissements du savoir, continuent d’être des menaces. Sur les débris de « La promesse collège évangélique » en passe de devenir un lieu de pèlerinage, mercredi matin, riverains, parents, survivants, professeurs et curieux sont venus à nouveau se recueillir. La consternation se lit sur les visages. Certains, les larmes aux yeux, s’adressant aux membres de la presse, ont exprimé leur indignation face à ce qu’ils appellent « l’irresponsabilité des dirigeants ».
Sur une chaise roulante elle a été amputée de la jambe gauche -, Rébecca Norice, 17 ans, en pleurs, dit souhaiter regagner le chemin de l’école l’année prochaine. « Heureusement elle a eu la vie sauve quoiqu’elle souffre terriblement. Elle doit être opérée sous peu de la jambe droite », apprend sa mère, visiblement déchirée par le chagrin.
« En me trouvant ici ce matin, je me sens en train de revivre un autre vendredi 7 novembre. Je ne pourrai jamais oublier mes trois enfants disparus. Ô mon Dieu! », sanglote une mère dans la quarantaine, venue assister à une conférence de presse organisée par l’Asosyasyon viktim yo nan dram Nèrèt (Assovinèrèt). Constituée de professeurs et de parents, l’association voulait rappeler aux autorités leurs promesses et engagements. Pas moins de trois commissions, dont une dite interministérielle, ont été formées peu de temps après la tragédie dans l’objectif d’assister les victimes et rescapés. Une enveloppe de 16 millions de gourdes, tirée des fonds du programme d’urgence conçu au constat des dommages de la saison cyclonique, a été décaissée par le ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales et remise à l’Administration municipale de Pétion-Ville pour aider les parents à organiser des funérailles dignes des disparus et couvrir les premiers frais d’hospitalisation et autres soins pour les blessés. Mais depuis ?
« Les autorités, malgré leurs promesses publiques, n’ont accordé aucune attention aux parents des victimes et enseignants rescapés et écoliers survivants de la tragédie. Pas même un appui psychologique ne leur a été apporté, alors qu’une commission a été également créée à cette fin », ont déploré les membres d’Assovinèrèt, soulignant par ailleurs que la majorité des enseignants rescapés, qui n’avaient pour seul et unique emploi que leur chair à « La promesse », sont aujourd’hui au chômage dans un pays où il n’y a pas d’assistance-chômage.
Justice et réparations…
Informés de la libération, depuis fin décembre, dans des conditions peu claires, du directeur de l’établissement scolaire effondré, en l’occurrence le révérend pasteur Fortin Augustin, les parents des victimes ont crié au scandale. Becker Jean-Baptiste est indigné. Près de quatre mois après avoir enterré trois de ses sept enfants victimes de l’effondrement, il vit, à l’instar de tant d’autres parents, difficilement ces pertes. « Nous demandons justice et réparations pour nos enfants victimes. Ce n’est pas normal de procéder à la libération de Fortin Augustin sans procès », tempête-t-il.Selon certaines sources, Fortin Augustin aurait déjà touché d’une compagnie d’assurance. Laquelle ? Les sources n’ont pu préciser. Toutefois, elles signalent que la mairesse de Pétion-Ville, Claire Lydie Parent, n’avait pas été en mesure de prouver à la justice qu’elle avait interdit la construction de l’établissement effondré.
Établissements scolaires, états lamentables
Malgré des mesures drastiques annoncées après l’effondrement de « La promesse collège évangélique » et la création d’un comité ad hoc pour une évaluation sommaire des bâtiments scolaires, l’aspect physique de plusieurs écoles de la région métropolitaine laisse craindre un effondrement « plus tragique » que celui de « La promesse ». Deux ou trois établissements ont été certes visités et leurs propriétaires sommés de les sécuriser. C’était dans la semaine d’après la tragédie. Mais, depuis, personne n’entend plus parler de ces mesures. Le temps qui fait toujours son œuvre, là aussi, l’a fait. Néanmoins, la mémoire de Nérette restera toujours vivace. Pour certains.
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