Par Micha Gaillard
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La publication des résultats des élections du tiers du Sénat s’apparente à un coup de force du Président Préval et risque de plonger le pays dans une crise jusqu’ici contrôlée par les différents acteurs politiques clefs.
Faisant fi des appels [i] à la sagesse politique des partis et des personnalités de la société civile, en particulier ceux qui ont accepté de mettre en péril leur crédibilité en s’associant à un processus de stabilité politique pour relancer le développement du pays, le chef de l’Etat en agissant ainsi semble vouloir imposer à la République sa volonté.
J’entends déjà les arguments juridiques, constitutionnels pour expliquer le fait accompli : « Le Président ne fait que publier les résultats transmis par une institution indépendante ». Classique. Du déjà vu. Mais ce qui est en train de se décider est du domaine purement politique : l’utilisation d’une position de pouvoir pour atteindre ses propres objectifs.
Le coup à son histoire. En habile manœuvrier, le Président de la République a commencé par inviter les dirigeants des partis politiques et des membres éminents de la société civile à s’associer dans un projet de production d’une vision commune de notre Haïti pour les 25 prochaines années. Certains acceptent même de participer dans le gouvernement tout en n’étant pas associés aux grandes orientations politiques du pouvoir. Ils en souffrent… au nom de la sacro sainte stabilité.
Parallèlement, le Président dissout un des meilleurs Conseil Electoral que le pays a connu, sous le fallacieux prétexte de mésentente (!) entre ses membres. Alors que le spectacle de révélations et de zizanie offert aujourd’hui par les membres de l’actuel CEP, qui ont réalisé l’une des pires élections depuis 1987, n’a pas fait sourciller notre Président qui a apposé sa signature sur le document publié dans Le Moniteur. Le tout avec la bénédiction de la Communauté internationale, en particulier de la MINUSTAH !
En s’impliquant personnellement dans le choix des candidats, en particulier ceux de la plateforme électorale qui l’a porté au pouvoir, le Président de la République est arrivé à se doter d’une majorité au Senat afin, selon moi, de façonner dans le sens de ses propres intérêts le paysage politique de la prochaine décennie.
Il se donne ainsi les moyens et les outils nécessaires pour, d’abord, amender la Constitution selon ses vues (pour peut-être un troisième mandat ; pour peut-être changer le régime politique actuel, en supprimant la Primature et le Sénat lui-même !). A travers ces « résultats électoraux », il s’offre également la possibilité de choisir les hauts fonctionnaires de l’Etat dont la nomination nécessite dialogue et compromis avec le Sénat (je pense particulièrement aux Délégués départementaux, aux Ambassadeurs, aux membres de la Cour de Cassation). Et enfin il risque de prolonger le mandat de l’actuel CEP pour « bon services rendues à la Nation » afin de réaliser les prochaines « élections » du mois de novembre.
Dans notre réalité de l’hyper présidentialisme, avec un Sénat à sa solde et une majorité à la Chambre des députés (le prochain vote sur l’augmentation du salaire minimum dans le sens voulu par le chef de l’Etat risque de confirmer mes dires), le Président Préval aura les coudées franches pour imposer sa volonté… et essayer d’éliminer sur l’échiquier l’actuelle classe politique, en commençant par la FUSION et l’OPL qui ont organisé au niveau du parlement et ailleurs la résistance aux dérives de ces dernières années (je pense entre autre à la tentative d’installation du gouvernement de Madame Michelle Pierre-Louis, l’été dernier, sans l’aval du Parlement).
Le Président est à un carrefour.
De deux choses l’une : soit il revient à la raison et trouve une formule pour répondre aux demandes des partis politiques qui ont eux aussi des intérêts (au même titre que le Président et ses amis politiques). Les responsables politiques n’accepteront pas que des mascarades électorales les excluent de la scène politique institutionnelle pour les prochaines années. Soit le Président reste sur sa position et ainsi il prendra sous sa responsabilité d’ouvrir les hostilités qui seront néfastes pour la stabilité du pays et donc pour le bien être des uns et des autres en particulier des plus défavorisés.
Le dialogue pour assurer une transition politique jusqu’à la fin du mandat du Président est la solution de sagesse. Le pays ne peut s’offrir une bataille entre d’un coté le Président et ses alliés de Lespwa et d’un autre la classe politique y compris Lavalas, exclu des élections sur recommandation, jusqu’aux partis de centre droit en passant par le centre gauche traditionnellement désigné sous le vocable de « secteur démocratique ».
Ce coup de force du Président pose encore plus que jamais la question de la construction d’une alternative politique majoritaire et cohérente capable de porter ensemble, dans la durée, un projet offensif et crédible de démocratie, de développement durable et de transformation sociale. Mais c’est une autre affaire. On y reviendra au moment opportun. L’heure aujourd’hui est à la résistance. Et ça nous Haïtiens, nous savons le faire !
Micha Gaillard
28 juillet 2009
[i] Voir en particulier les déclarations de la Fusion des Sociaux-Démocrates et de l’Organisation du Peuple en Lutte
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