vendredi 7 août 2009

Haïti: Benoît et alliés montent la résistance

Par Jean Pharès Jérôme Claude Gilles
Source: le Nouvelliste, 5 août 2009

La Chambre des députés est comme un royaume divisé depuis la séance du mardi soir. Vingt-huit députés issus de différents partis politiques représentés au Parlement se sont alliés à Steven Benoît pour dénoncer le vote secret du rapport de la Commission des Affaires sociales qui n'a ni accepté ni rejeté les objections de la présidence à la loi sur le salaire minimum.

Les députés qui optent pour un salaire minimum de 200 gourdes n'entendent pas se comporter en bons perdants ou mieux se considérer comme perdants. Au lendemain de la décision de leurs collègues d'approuver le rapport de la Commission des Affaires sociales qui propose un salaire minimum de 150 gourdes dans les établissements de la sous-traitance, Steven Benoît et ses alliés montent déjà un front de résistance. « Nous allons dès demain écrire au Bureau de la Chambre pour dénoncer l'inconstitutionnalité du vote », a affirmé l'initiateur de la loi primitive.

Steven Benoît et ses 28 alliés disent n'avoir pas voté à la séance de mardi soir. « Nous avions laissé la salle au moment du vote », a déclaré le député de Dame-Marie, Acklush Louis-Jeune, qui s'exprimait au cours d'une conférence de presse conjointe avec certains de ses collègues parlementaires. L'élu de l'Organisation du peuple en lutte a expliqué avoir, du haut de la tribune de la Chambre des députés, dénoncé l'illégalité et l'inconstitutionnalité du vote en secret du rapport de la Commission des Affaires sociales assimilable à une nouvelle loi sur le salaire minimum. « La Commission n'avait nul droit de faire une nouvelle proposition, a dénoncé M. Louis-Jeune. Elle devait tout simplement recommander le vote ou le rejet des objections de la présidence.»

Les 29 députés qui dénoncent le rapport de la Commission présidée par le député de Gros-Morne, Gérandale Thélusma, estiment que le vote de l'Assemblée est nul et non avenu. « La séance de mardi soir n'est pas encore terminée, car les objections de la présidence n'ont pas été soumises à l'appréciation de l'Assemblée », a fait savoir le député de Limonade, Hugues Célestin. « Aucun acte législatif n'a été pris mardi soir, a ajouté le député des Cayes, Jean David Génesté. Le bureau doit reprendre la séance.»

L'approbation du rapport de la Commission des Affaires sociales, par 55 voix pour, 6 voix contre et 3 abstentions, a surpris les 29 députés qui tirent à boulets rouges sur le Bureau dirigé par le député Levaillant Louis-Jeune. La plupart des députés ont, au cours des débats, défendu les 200 gourdes du bec et des ongles avant d'abandonner la séance pour tenter probablement d'infirmer le quorum. Très peu de députés ont eu le courage de supporter publiquement le rapport de la Commission. Le résultat du vote n'a pas reflété les débats. « Nous devons mener une enquête pour savoir ce qui s'est passé », a suggéré le député Acklush Louis-Jeune.

Il a fallu plus de six heures de débats, parfois houleux, pour que l'Assemblée des députés approuve le rapport de la Commission des Affaires sociales de la Chambre basse, qui propose un salaire minimum de 150 gourdes pour le secteur de la sous-traitance. « Tenant compte du fait que ni les 125 gourdes, ni les 200 gourdes ne paraissent convenables et justes selon l'avis des différents secteurs rencontrés, la solution susceptible d'harmoniser le capital et le travail serait celle consistant à fixer un salaire médian de référence, de 150 gourdes, recommande la Commission. Le salaire minimum de référence dans les établissements industriels tournés exclusivement vers la réexportation et employant essentiellement leur personnel à la pièce ou à la tâche, le prix payé pour l'unité de production (notamment la pièce, la douzaine, la grosse, le mètre) doit être fixé de manière à permettre au travailleur de réaliser pour sa journée de 8 heures de travail au moins les 200 gourdes ; le salaire minimum de référence dans ces établissements étant fixé à 150 gourdes ».

L'Assemblée des députés a, néanmoins, voté un salaire journalier de 200 gourdes au profit du secteur des industries de transformation. « Le salaire minimum à payer reste et demeure 200 gourdes, dépendamment de la taille et de la localisation de l'industrie », lit-on dans le rapport. Cependant, contrairement à la loi de Steven Benoit, la Commission souhaite une catégorisation des entreprises du secteur de la transformation. « En fonction de la fragilité des petites et moyennes industries, il incombe au Conseil supérieur des salaires de réaliser une étude dans un délai ne dépassant pas 45 jours visant à catégoriser les industries de transformation en fonction de leur chiffre d'affaires, du nombre total d'employés et de leur investissement total, ce, en vue de fixer de manière rationnelle le salaire minimum de référence respectivement applicable aux petites, aux très petites et aux moyennes industries ».

La Commission a aussi recommandé un salaire de 200 gourdes pour les ouvriers du secteur commercial. Comme pour le secteur de transformation, la Commission laisse donc ainsi le soin au Conseil supérieur des salaires de fixer le salaire en fonction de la taille des entreprises.
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L'article original est publié ici.
Lire aussi l'article de Jacques Desrosiers du journal Le Matin:

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