Par Gérard Bissainthe
Source: Haiti-nation: 9725, 19 août 2009, 11h28
Une chose est absolument certaine: tous les Internautes inscrits dans nos forums haïtiens veulent sincèrement le bien de la nation haïtienne, le bien du peuple haïtien. Les différences, les divergences vont se manifester dans la solution qui parait la meilleure à chacun de nous.
Si nous faisons une analyse spectrale de nos forums nous pouvons arriver à cerner plusieurs solutions précises, qui peuvent définir ce que nous pouvons appeler des Camps.
L’erreur que nous commettons est que trop souvent nous passons notre temps à tenter de détruire les autres camps, plutôt que de chercher à construire et à consolider notre propre camp.
Une des raisons est le format même de nos forums qui sont quasiment tous des sortes de “tribunes libres”, en elles-mêmes parfaitement légitimes, où n’importe qui peut dire n’importe quoi, n’importe quand, n’importe comment. Il est un fait que ces tribunes libres sont on ne peut plus utiles dans le système démocratique dont elles sont en quelque sorte les soupapes de sécurité.
Mais dans une démocratie il faut AUSSI autre chose que des soupapes de sécurité qui sont des lieux d’affrontement et de controverse où du choc des idées peut jaillir la lumière. Il faut des lieux de construction et pour construire il faut être uni.
J’ai toujours aimé cette phrase de Saint-Exupéry: “Distribuez-leur du grain et ils vont se battre. Demandez-leur de bâtir une citadelle et ils seront unis.”
Mais l’épure de la citadelle de Jean, n’est pas celle de Jacques. Et les deux citadelles, celle de Jean et celle de Jacques, peuvent être très utiles, voire aussi utiles à la cité. Il est de l’intérêt de la cité que Jean et Jacques puissent chacun construire sa citadelle.
L’idéal est donc de définir le genre de citadelles que nous voulons construire et que chacun, ayant choisi SA citadelle, se mette à la construire.
Je parlais plus haut de “camps”. Je pense que nous pourrons définir nos camps par rapport à notre réponse à une question cruciale aujourd’hui, celle de la souveraineté nationale.
Nos positions sur cette question de la souveraineté nationale sont, nous le savons tous, des plus variées. Or Pierre qui veut que nous soyons, par exemple, sous un protectorat étranger est aussi sincère que Paul qui veut une indépendance “totale-capitale” d’Haïti par rapport aux puissances étrangères. Après maintenant des décennies de discussion il est absolument clair aujourd’hui que nous n’allons pas réconcilier Pierre et Paul sur ce sujet. Que Pierre maintenant choisisse son camp et que Paul maintenant choisisse son camp et que chacun aille travailler activement et constructivement à faire triompher sa cause.
Je propose que chacun de nous dans nos forum définisse sa position en portant son propre jugement sur un événement récent: le Congrès de la diaspora haïtienne organisée par le Haitian League au Trump International Beach resort à Miami du 6 au 9 août de cette année.
De cet événement, détachons trois faits caractéristiques
1.- Le Premier Ministre Haïtien s’est adressé aux Haïtiens présents dans la salle et dont une très grande partie, ceux que nous appelons des “Bi-Nationaux”, n’étant pas dans sa conception des citoyens haïtiens, étaient des etrangers sur lesquels le PM n’avait rigoureusement aucune juridiction. A la limite et en bonne logique le Ministres des Affaires Étrangères américain aurait dû être présent pour défendre devant un Chef de Gouvernement étranger les intérêts des Haïtiano-Américains présents dans cette salle.
2.- A un moment on a demandé plutôt cavalièrement au Premier Ministre de s’esquiver dare-dare pour céder sa place à un invité du nom de M. Bill Clinton: et le Premier Ministre s’est prestement exécuté.
A la lumière de ces deux événements, je pense que nous pouvons chacun définir et choisir notre camp. Et au lieu de continuer à nous opposer, reconnaissons nos divergences, let us agree to disagree. Et allons chacun faire tout notre possible pour faire triompher la cause que vous avons choisie.
Voici les positions possibles selon une analyse que je propose
A. Le Camp des Tutellistes
Pour le Camp des Tutellistes (1) tout ce qui s’est passé à cette réunion est parfaitement normal et nous devons tous continuer sur cette lancée. Les vrais chefs d’Haïti ce sont les Américains et il était parfaitement normal que le Premier Ministre haïtien s’esquive en vitesse à l’arrivée de son Chef. D’ailleurs Haiti ne pourra jamais s’en sortir sans une tutelle étrangère destinée même à être pérenne. Inutile d’enfouir sa tête sous le sable.
B.- Le Camp des Réformistes patients
Pour le Camp des Réformistes patients, tout ce qui s’est passé à cette réunion n’est certes pas normal, mais était pratiquement inévitable. Nous sommes actuellement des parasites et le parasite subit toujours la loi de son bienfaiteur. Nous pouvons seulement espérer une évolution lente de cette situation surtout par un changement de mentalité. C’est la voie de la révolution pacifique. Il faudra le temps qu’il faudra et qui sera sans doute très long. Mais, disent les réformistes patients “trò presse pa fait jou louvri.”
C.- Le Camp de la Révolution drastique
Pour les femmes et les hommes de ce Camp il faut un changement de cap radical et un bouleversement total de la situation en Haïti et il le faut tout de suite, NOW. Ces femmes et ces hommes sont parfaitement conscients de la difficulté de changer les choses en profondeur en Haiti, mais ils partent de deux principes:
1.- Jamais dans l’histoire un changement qualitatif (un changement de nature et non pas de degré) comme le passage de la subordination à la liberté n’a pu se faire de manière évolutive, car le maître n’abandonne jamais son statut de maître que s’il est forcé. Et pour le forcer, le mot lui-même le dit, il faut utiliser la force. Sauf que cette force peut être “Hard”, comme la “Force Musclée” ou militaire utilisée par les révolutionnaires de 1804. Ou cette force peut être “Soft”, comme ce fut le cas pour l’indépendance de l’inde avec la “Force Morale” de Gandhi, à savoir le “Satyagraha”, (qu’on a très mal traduit par le mot “non-violence” que Gandhi lui-même n’aimait pas).
2.- Deuxième principe: le point de départ d’une révolution est la Foi. Le jour où l’on décide de croire à la révolution, elle est virtuellement accomplie. Mais si je n’y crois jamais, elle ne se réalisera jamais. Les Américains étaient virtuellement libres dès la déclaration d’Indépendance en 1776 même si les combats ont duré jusqu’en 1783. Car au départ toute révolution est une utopie. Et les ennemis des révolutionnaires les traiteront toujours de “rêveurs”, d’idéalistes qui n’ont pas les pieds sur terre. Mais pour “dominer le fatal”, sortir de l’étau bien structuré du statu quo, il n’y aura jamais qu’une seule méthode: “tenter l’impossible”.
3.- Troisième principe: il ne faut surtout pas biaiser en édulcorant l’idéal révolutionnaire et en acceptant des à-peu-près. La révolution c’est tout ou rien. Si Haiti veut être libre par rapport aux puissances étrangères, quelles qu’elles soient, TOUS les liens de dépendance doit être rompus. Le grand intérêt du discours-fondateur du Président Obama à Port of Spain, le 19 April 2009 est qu’il propose de changer tout ce qui est liens de dépendance en liens de partenariat et d’association. Mais le Président Obama en dépit de sa détermination clairement exprimée (2) risque d’avoir autant de difficulté que les Haïtiens pour implémenter cette nouvelle géopolitique révolutionnaire, car les résistances américaines (3) risquent d’être au moins aussi grandes que les résistances haïtiennes venant des deux premiers camps susnommés: le Camp des Tutellistes et le camp des Réformistes patients.
Je pense donc qu’il serait bon que chacun ayant choisi son camp, se mette en chantier pour construire le camp qu’il a choisi. Continuer à s’envoyer des arguments presque toujours mal reçus par l’autre camp ne sert à rien et n’est que pure perte de temps.
En ce qui me concerne, mon choix est fait: je suis pour le troisième camp, celui de la Révolution Drastique.
Je tiens à avertir ceux qui veulent rejoindre ce camp de la Révolution Drastique que rien n’y sera facile. La révolution Drastique n’est pas un long fleuve tranquille. Dans ce camp ce qui est important ce sont d’abord les convictions. Si vous doutez de la victoire ne rejoignez pas le Camp de la Révolution Drastique, vous y serez un poids lourd.
Un point important qu’il faut souligner dès le départ c’est que la révolution drastique implique une rupture qui ne peut se faire qu’avec un processus de force. Sur le plan des principes, comme vu plus haut, les deux formes de la force sont légitimes:
-la force musclée ou force militaire
-la force morale
Ma position a toujours été de donner la priorité à la “force morale” (ou l’Arme de la Dialectique) et de ne recourir à la force musclée ou militaire (la Dialectique des Armes) que comme “ultima ratio”, en cas d’échec de l’Arme de la Dialectique. Mais je pourrais aisément démontrer que dans tous les cas que je connais (4) on a fait appel à la Dialectique des Armes sans avoir épuisé même un minimum des ressources de l’Arme de la Dialectique. Dans ces cas la Dialectique des Armes loin d’avoir été “l’ultima ratio” a été, en fait, la “prima ratio”. Ma thèse de travail est que l’intervention militaire était programmée per fas et nefas depuis 1986 et des organisations comme le Konakom avaient été crées pour la préparer.
Gérard Bissainthe
gerarbis@orange.fr
15 août 2009
(1.-) Je donne au mot “tutelle” son sens courant qui implique ou des ingérences continuelles dans les affaires intérieures d’un pays, ou un protectorat ou un proconsulat.
(2.-) “I pledge to you that we seek an equal partnership. There is no senior partner and junior partner in our relations; there is simply engagement based on mutual respect and common interests and shared values. So I'm here to launch a new chapter of engagement that will be sustained throughout my administration.” (Extract from Obama speech on Partnership, April 19, 2009
(3) Les décisions prises dans une Capitale ne sont par forcément toujours suivies dans les territoires du Grand Large. En 1986 des points importants dont j’avais discutés à Paris au Ministère de la Coopération, entre autres en tête à tête avec le Ministre lui-même, et sur lesquels un accord de principe avait été acquis, n’ont jamais pu être implémentés, parce que sur place en Haïti on voyait les choses autrement. L’administration américaine n’échappe probablement pas à ce genre de dichotomie qui faisait dire à un De Gaulle: “Le pouvoir c’est l’impuissance.”
Madame Hillary Clinton, Ministre des Affaires Étrangères des Etats-Unis, n’a encore donné aucun signal d’une volonté de s’engager dans la voie du Partenariat; du moins pas à ma connaissance. Si je me trompe, qu’on veuille bien me corriger. Et l’ex-Président Bill Clinton n’a même pas fait allusion récemment à Miami à l’ère nouvelle inaugurée par le Président Obama.
Les Haïtiens doivent comprendre que ce sont eux AUSSI qui devront tout faire pour “donner jarrette” au Président Obama dans sa nouvelle géopolitique annoncée. Rien d’étonnant, Obama ne peut danser le tango tout seul; you have to be two to tango.
(4) Dans une analyse que je fais ailleurs j’ai montré que TOUTES les interventions armées au moins depuis 1986 en Haïti auraient pu être évitées avec une utilisation rationnelle et avisée de l’Arme de la Dialectique. C’est d’ailleurs la raison pour la laquelle en 1994, par exemple, les Militaires américains, en fait quasiment presque toujours moins “hawk” que les Civils, le General Colin Powell en tête, s’étaient clairement prononcés contre l’intervention des Marines en 1994.
La Maison Blanche avait tenu à répondre par une missive que l’on peut trouver à l’adresse suivante
http://www.gerardbissainthe.com/clinton/clinton-letter00.pdf
à ma lettre où je disais au Président Clinton que son embargo (dont l’Archevêque de Santo Domingo, Primat des Amériques avait dit urbi et orbi qu’il était “le plus barbare, le plus inhumain et le plus cruel de tous les abus de la force brutale”) portait la responsabilité de la mort prématurée de ma jeune sœur l’artiste Toto Bissainthe, d’après les propos de son médecin traitant. Dans cette lettre la Maison Blanche fait valoir “les bonnes intentions” de l’Exécutif. Avec ce que je sais moi-même sur ce qui s’est passé entre 1986 et aujourd’hui, et avec le devoir que j’ai de dire pour l’histoire ce que je sais, je pense plutôt qu’il faut incriminer “l’information” du Président Clinton, comme d’ailleurs sur un chapitre analogue je pense plutôt qu’il faut aussi incriminer “l’information” de Madame Danièle Mitterrand, l’épouse du Président François Mitterrand. Il y a eu en ce temps un festival d’irrégularités. A mon avis on leur a raconté à tous les deux un peu ce qu’on a voulu. Au top niveau l’information exacte est souvent une gageure. Colin Powell s’en est plaint publiquement dans l’affaire de la guerre de l’Irak; et déjà Napoléon s’en était plaint dans l’affaire du désastre de son expédition de Saint-Domingue.
Si nous faisons une analyse spectrale de nos forums nous pouvons arriver à cerner plusieurs solutions précises, qui peuvent définir ce que nous pouvons appeler des Camps.
L’erreur que nous commettons est que trop souvent nous passons notre temps à tenter de détruire les autres camps, plutôt que de chercher à construire et à consolider notre propre camp.
Une des raisons est le format même de nos forums qui sont quasiment tous des sortes de “tribunes libres”, en elles-mêmes parfaitement légitimes, où n’importe qui peut dire n’importe quoi, n’importe quand, n’importe comment. Il est un fait que ces tribunes libres sont on ne peut plus utiles dans le système démocratique dont elles sont en quelque sorte les soupapes de sécurité.
Mais dans une démocratie il faut AUSSI autre chose que des soupapes de sécurité qui sont des lieux d’affrontement et de controverse où du choc des idées peut jaillir la lumière. Il faut des lieux de construction et pour construire il faut être uni.
J’ai toujours aimé cette phrase de Saint-Exupéry: “Distribuez-leur du grain et ils vont se battre. Demandez-leur de bâtir une citadelle et ils seront unis.”
Mais l’épure de la citadelle de Jean, n’est pas celle de Jacques. Et les deux citadelles, celle de Jean et celle de Jacques, peuvent être très utiles, voire aussi utiles à la cité. Il est de l’intérêt de la cité que Jean et Jacques puissent chacun construire sa citadelle.
L’idéal est donc de définir le genre de citadelles que nous voulons construire et que chacun, ayant choisi SA citadelle, se mette à la construire.
Je parlais plus haut de “camps”. Je pense que nous pourrons définir nos camps par rapport à notre réponse à une question cruciale aujourd’hui, celle de la souveraineté nationale.
Nos positions sur cette question de la souveraineté nationale sont, nous le savons tous, des plus variées. Or Pierre qui veut que nous soyons, par exemple, sous un protectorat étranger est aussi sincère que Paul qui veut une indépendance “totale-capitale” d’Haïti par rapport aux puissances étrangères. Après maintenant des décennies de discussion il est absolument clair aujourd’hui que nous n’allons pas réconcilier Pierre et Paul sur ce sujet. Que Pierre maintenant choisisse son camp et que Paul maintenant choisisse son camp et que chacun aille travailler activement et constructivement à faire triompher sa cause.
Je propose que chacun de nous dans nos forum définisse sa position en portant son propre jugement sur un événement récent: le Congrès de la diaspora haïtienne organisée par le Haitian League au Trump International Beach resort à Miami du 6 au 9 août de cette année.
De cet événement, détachons trois faits caractéristiques
1.- Le Premier Ministre Haïtien s’est adressé aux Haïtiens présents dans la salle et dont une très grande partie, ceux que nous appelons des “Bi-Nationaux”, n’étant pas dans sa conception des citoyens haïtiens, étaient des etrangers sur lesquels le PM n’avait rigoureusement aucune juridiction. A la limite et en bonne logique le Ministres des Affaires Étrangères américain aurait dû être présent pour défendre devant un Chef de Gouvernement étranger les intérêts des Haïtiano-Américains présents dans cette salle.
2.- A un moment on a demandé plutôt cavalièrement au Premier Ministre de s’esquiver dare-dare pour céder sa place à un invité du nom de M. Bill Clinton: et le Premier Ministre s’est prestement exécuté.
A la lumière de ces deux événements, je pense que nous pouvons chacun définir et choisir notre camp. Et au lieu de continuer à nous opposer, reconnaissons nos divergences, let us agree to disagree. Et allons chacun faire tout notre possible pour faire triompher la cause que vous avons choisie.
Voici les positions possibles selon une analyse que je propose
A. Le Camp des Tutellistes
Pour le Camp des Tutellistes (1) tout ce qui s’est passé à cette réunion est parfaitement normal et nous devons tous continuer sur cette lancée. Les vrais chefs d’Haïti ce sont les Américains et il était parfaitement normal que le Premier Ministre haïtien s’esquive en vitesse à l’arrivée de son Chef. D’ailleurs Haiti ne pourra jamais s’en sortir sans une tutelle étrangère destinée même à être pérenne. Inutile d’enfouir sa tête sous le sable.
B.- Le Camp des Réformistes patients
Pour le Camp des Réformistes patients, tout ce qui s’est passé à cette réunion n’est certes pas normal, mais était pratiquement inévitable. Nous sommes actuellement des parasites et le parasite subit toujours la loi de son bienfaiteur. Nous pouvons seulement espérer une évolution lente de cette situation surtout par un changement de mentalité. C’est la voie de la révolution pacifique. Il faudra le temps qu’il faudra et qui sera sans doute très long. Mais, disent les réformistes patients “trò presse pa fait jou louvri.”
C.- Le Camp de la Révolution drastique
Pour les femmes et les hommes de ce Camp il faut un changement de cap radical et un bouleversement total de la situation en Haïti et il le faut tout de suite, NOW. Ces femmes et ces hommes sont parfaitement conscients de la difficulté de changer les choses en profondeur en Haiti, mais ils partent de deux principes:
1.- Jamais dans l’histoire un changement qualitatif (un changement de nature et non pas de degré) comme le passage de la subordination à la liberté n’a pu se faire de manière évolutive, car le maître n’abandonne jamais son statut de maître que s’il est forcé. Et pour le forcer, le mot lui-même le dit, il faut utiliser la force. Sauf que cette force peut être “Hard”, comme la “Force Musclée” ou militaire utilisée par les révolutionnaires de 1804. Ou cette force peut être “Soft”, comme ce fut le cas pour l’indépendance de l’inde avec la “Force Morale” de Gandhi, à savoir le “Satyagraha”, (qu’on a très mal traduit par le mot “non-violence” que Gandhi lui-même n’aimait pas).
2.- Deuxième principe: le point de départ d’une révolution est la Foi. Le jour où l’on décide de croire à la révolution, elle est virtuellement accomplie. Mais si je n’y crois jamais, elle ne se réalisera jamais. Les Américains étaient virtuellement libres dès la déclaration d’Indépendance en 1776 même si les combats ont duré jusqu’en 1783. Car au départ toute révolution est une utopie. Et les ennemis des révolutionnaires les traiteront toujours de “rêveurs”, d’idéalistes qui n’ont pas les pieds sur terre. Mais pour “dominer le fatal”, sortir de l’étau bien structuré du statu quo, il n’y aura jamais qu’une seule méthode: “tenter l’impossible”.
3.- Troisième principe: il ne faut surtout pas biaiser en édulcorant l’idéal révolutionnaire et en acceptant des à-peu-près. La révolution c’est tout ou rien. Si Haiti veut être libre par rapport aux puissances étrangères, quelles qu’elles soient, TOUS les liens de dépendance doit être rompus. Le grand intérêt du discours-fondateur du Président Obama à Port of Spain, le 19 April 2009 est qu’il propose de changer tout ce qui est liens de dépendance en liens de partenariat et d’association. Mais le Président Obama en dépit de sa détermination clairement exprimée (2) risque d’avoir autant de difficulté que les Haïtiens pour implémenter cette nouvelle géopolitique révolutionnaire, car les résistances américaines (3) risquent d’être au moins aussi grandes que les résistances haïtiennes venant des deux premiers camps susnommés: le Camp des Tutellistes et le camp des Réformistes patients.
Je pense donc qu’il serait bon que chacun ayant choisi son camp, se mette en chantier pour construire le camp qu’il a choisi. Continuer à s’envoyer des arguments presque toujours mal reçus par l’autre camp ne sert à rien et n’est que pure perte de temps.
En ce qui me concerne, mon choix est fait: je suis pour le troisième camp, celui de la Révolution Drastique.
Je tiens à avertir ceux qui veulent rejoindre ce camp de la Révolution Drastique que rien n’y sera facile. La révolution Drastique n’est pas un long fleuve tranquille. Dans ce camp ce qui est important ce sont d’abord les convictions. Si vous doutez de la victoire ne rejoignez pas le Camp de la Révolution Drastique, vous y serez un poids lourd.
Un point important qu’il faut souligner dès le départ c’est que la révolution drastique implique une rupture qui ne peut se faire qu’avec un processus de force. Sur le plan des principes, comme vu plus haut, les deux formes de la force sont légitimes:
-la force musclée ou force militaire
-la force morale
Ma position a toujours été de donner la priorité à la “force morale” (ou l’Arme de la Dialectique) et de ne recourir à la force musclée ou militaire (la Dialectique des Armes) que comme “ultima ratio”, en cas d’échec de l’Arme de la Dialectique. Mais je pourrais aisément démontrer que dans tous les cas que je connais (4) on a fait appel à la Dialectique des Armes sans avoir épuisé même un minimum des ressources de l’Arme de la Dialectique. Dans ces cas la Dialectique des Armes loin d’avoir été “l’ultima ratio” a été, en fait, la “prima ratio”. Ma thèse de travail est que l’intervention militaire était programmée per fas et nefas depuis 1986 et des organisations comme le Konakom avaient été crées pour la préparer.
Gérard Bissainthe
gerarbis@orange.fr
15 août 2009
(1.-) Je donne au mot “tutelle” son sens courant qui implique ou des ingérences continuelles dans les affaires intérieures d’un pays, ou un protectorat ou un proconsulat.
(2.-) “I pledge to you that we seek an equal partnership. There is no senior partner and junior partner in our relations; there is simply engagement based on mutual respect and common interests and shared values. So I'm here to launch a new chapter of engagement that will be sustained throughout my administration.” (Extract from Obama speech on Partnership, April 19, 2009
(3) Les décisions prises dans une Capitale ne sont par forcément toujours suivies dans les territoires du Grand Large. En 1986 des points importants dont j’avais discutés à Paris au Ministère de la Coopération, entre autres en tête à tête avec le Ministre lui-même, et sur lesquels un accord de principe avait été acquis, n’ont jamais pu être implémentés, parce que sur place en Haïti on voyait les choses autrement. L’administration américaine n’échappe probablement pas à ce genre de dichotomie qui faisait dire à un De Gaulle: “Le pouvoir c’est l’impuissance.”
Madame Hillary Clinton, Ministre des Affaires Étrangères des Etats-Unis, n’a encore donné aucun signal d’une volonté de s’engager dans la voie du Partenariat; du moins pas à ma connaissance. Si je me trompe, qu’on veuille bien me corriger. Et l’ex-Président Bill Clinton n’a même pas fait allusion récemment à Miami à l’ère nouvelle inaugurée par le Président Obama.
Les Haïtiens doivent comprendre que ce sont eux AUSSI qui devront tout faire pour “donner jarrette” au Président Obama dans sa nouvelle géopolitique annoncée. Rien d’étonnant, Obama ne peut danser le tango tout seul; you have to be two to tango.
(4) Dans une analyse que je fais ailleurs j’ai montré que TOUTES les interventions armées au moins depuis 1986 en Haïti auraient pu être évitées avec une utilisation rationnelle et avisée de l’Arme de la Dialectique. C’est d’ailleurs la raison pour la laquelle en 1994, par exemple, les Militaires américains, en fait quasiment presque toujours moins “hawk” que les Civils, le General Colin Powell en tête, s’étaient clairement prononcés contre l’intervention des Marines en 1994.
La Maison Blanche avait tenu à répondre par une missive que l’on peut trouver à l’adresse suivante
http://www.gerardbissainthe.com/clinton/clinton-letter00.pdf
à ma lettre où je disais au Président Clinton que son embargo (dont l’Archevêque de Santo Domingo, Primat des Amériques avait dit urbi et orbi qu’il était “le plus barbare, le plus inhumain et le plus cruel de tous les abus de la force brutale”) portait la responsabilité de la mort prématurée de ma jeune sœur l’artiste Toto Bissainthe, d’après les propos de son médecin traitant. Dans cette lettre la Maison Blanche fait valoir “les bonnes intentions” de l’Exécutif. Avec ce que je sais moi-même sur ce qui s’est passé entre 1986 et aujourd’hui, et avec le devoir que j’ai de dire pour l’histoire ce que je sais, je pense plutôt qu’il faut incriminer “l’information” du Président Clinton, comme d’ailleurs sur un chapitre analogue je pense plutôt qu’il faut aussi incriminer “l’information” de Madame Danièle Mitterrand, l’épouse du Président François Mitterrand. Il y a eu en ce temps un festival d’irrégularités. A mon avis on leur a raconté à tous les deux un peu ce qu’on a voulu. Au top niveau l’information exacte est souvent une gageure. Colin Powell s’en est plaint publiquement dans l’affaire de la guerre de l’Irak; et déjà Napoléon s’en était plaint dans l’affaire du désastre de son expédition de Saint-Domingue.