Ambassadeur de Russie à Paris, Alexandre Orlov
Photo: leparisien.fr, 22 juillet 2012
Source: leparisien.fr, 22 juillet 2012
Propos recueillis par Bruno FANUCCHI
En poste à Paris depuis octobre 2008, l’ambassadeur Alexandre Orlov nous explique la position de la Russie — souvent incomprise — sur la crise syrienne et laisse ouvertement entendre que le président Bachar al-Assad est désormais prêt à négocier son départ.
Est-ce le début de la fin pour Bachar al-Assad?
ALEXANDRE ORLOV. Le président syrien a toujours, d’après nos informations, un soutien assez fort de son peuple. Nous avons des contacts avec différentes franges de l’opposition syrienne : il y a des opposants de l’extérieur, comme ceux du Conseil national syrien (CNS), et d’autres groupements qui sont basés en France, en Turquie ou ailleurs. Mais il y a aussi une opposition intérieure qui, elle, est prête à négocier avec le président actuel. C’est pourquoi nous avons toujours souligné que c’est le peuple syrien qui doit décider de son avenir et élire son président. Le fait que le communiqué final de Genève du 30 juin ait été accepté par le président Bachar al-Assad, qui a déjà désigné son représentant pour les futures négociations avec les opposants, montre qu’en son for intérieur le président accepte l’idée qu’il pourrait partir. C’est déjà une évolution très importante.
Est-ce le début de la fin pour Bachar al-Assad?
ALEXANDRE ORLOV. Le président syrien a toujours, d’après nos informations, un soutien assez fort de son peuple. Nous avons des contacts avec différentes franges de l’opposition syrienne : il y a des opposants de l’extérieur, comme ceux du Conseil national syrien (CNS), et d’autres groupements qui sont basés en France, en Turquie ou ailleurs. Mais il y a aussi une opposition intérieure qui, elle, est prête à négocier avec le président actuel. C’est pourquoi nous avons toujours souligné que c’est le peuple syrien qui doit décider de son avenir et élire son président. Le fait que le communiqué final de Genève du 30 juin ait été accepté par le président Bachar al-Assad, qui a déjà désigné son représentant pour les futures négociations avec les opposants, montre qu’en son for intérieur le président accepte l’idée qu’il pourrait partir. C’est déjà une évolution très importante.
François Hollande affirme que la chute de Bachar al-Assad est « inéluctable »… Moscou serait prêt à lui accorder l’asile politique? C’est une question qui reste hypothétique. C’est vrai qu’il est difficile d’imaginer qu’il va rester. Il va partir et je crois qu’il le comprend lui-même, mais il faudrait organiser cela d’une façon civilisée, comme on l’a fait au Yémen par exemple. Contrairement à la Libye où Kadhafi était un homme seul, en Syrie, il y a un régime baasiste qui existe depuis des décennies. Avec ou sans Assad, ce régime va rester et tenir.
Pourquoi la Russie a-t-elle opposé à nouveau son droit de veto jeudi au Conseil de sécurité de l’ONU?
Avec ce projet de nouvelle résolution, les pays occidentaux ont bafoué les accords de Genève du 30 juin, prévoyant une transition du pouvoir du président actuel vers un organe de gouvernement provisoire représentatif de toutes les forces politiques. La Russie y a donc opposé son veto pour deux raisons :
1. Ce projet était unilatéral, car toutes ces dispositions visaient uniquement le président Assad, alors qu’il y a deux parties en conflit, qui toutes les deux emploient des armes.
2. La référence au chapitre VII la Charte des Nations unies ouvrait la voie à une intervention militaire comme en Libye, avec les conséquences que l’on connaît. L’an passé en Libye, nous avons eu le sentiment d’être roulés : cette résolution ne prévoyait pas du tout l’intervention militaire, mais elle a été interprétée par les Occidentaux comme donnant le feu vert à cette intervention. On ne fera pas deux fois la même erreur!
La France vous semble-t-elle partie prenante dans ce conflit?
Je ne veux pas le croire. Même si l’ambassadeur de France à l’ONU, Gérard Araud, a dit que la France allait « continuer à accompagner l’opposition syrienne dans sa lutte contre le régime Assad » et que la représentante des Etats-Unis, Mme Susan Rice, a déploré que la Russie ne veuille pas collaborer avec les Etats-Unis « pour changer le régime à Damas ». Cela dévoile bien les intentions des Occidentaux, mais est-ce vraiment le rôle de l’ONU, même s’agissant d’un régime peu sympathique? S’ingérer dans les affaires intérieures d’un pays pour changer son dirigeant, cela remet en cause tout l’ordre international conçu et entériné par la Charte des Nations unies après la Seconde Guerre mondiale. Cela ouvre la boîte de Pandore : on a changé hier le dirigeant de la Yougoslavie, de l’Irak, de la Libye, aujourd’hui de la Syrie, demain de l’Iran, après-demain de la Corée du Nord… et ainsi de suite.
Mais la crise syrienne n’est-elle pas devenue une crise internationale?
Bien sûr, c’est une crise internationale… mais surtout la crise de confiance entre les membres du Conseil de sécurité. C’est pour cela qu’il faut travailler avec les deux parties. Ce que l’Occident n’a pas fait jusqu’à présent, préférant inciter l’opposition armée à aller jusqu’à la victoire finale. Mais ce sera un bain de sang pour le peuple syrien et nous voulons l’éviter. Le plan de Kofi Annan reste d’actualité. C’est la seule façon de régler ce conflit qui soit acceptable pour tout le monde.
La mission des observateurs de l’ONU est-elle encore utile en pleine guerre civile?
La présence d’observateurs internationaux est très utile, plus que jamais. Car c’est une des rares sources fiables d’information sur ce qui se passe en Syrie, où il y a beaucoup de désinformation, et cela calme un peu les deux belligérants.
Alors quelle est votre analyse des événements en Syrie?
Ce qui se passe en Syrie, c’est une confrontation entre deux tendances de l’islam : les sunnites, représentés par l’Arabie saoudite et le Qatar, qui arment l’opposition, et les chiites, représentés par la Syrie et l’Iran. Ce n’est pas notre guerre, mais nous voyons chez les sunnites les tendances les plus radicales de l’islam, les salafistes et les wahhabites, que nous avons combattus en Tchétchénie. Cela nous inquiète, car nous avons dans la Fédération de Russie beaucoup de musulmans.
La Russie paraît être le dernier soutien d’Assad…
C’est une contre-vérité de dire que la Russie défend le régime d’Assad. Il n’y a aucun lien particulier qui lie la Russie au président Assad et à son clan, alors qu’il a toujours été un grand ami de la France. Il a été reçu royalement à Paris et a été invité au défilé du 14 Juillet en 2008. Mais il est vrai que la Russie a des intérêts en Syrie qui est notre partenaire de très longue date. Du temps de l’Union soviétique, beaucoup de Syriens ont fait leurs études supérieures chez nous. Il y a beaucoup de mariages mixtes et la communauté russe compte plusieurs dizaines de milliers de personnes en Syrie. Sur le plan économique et militaire, notre intérêt est en revanche très exagéré.
Comment cela se passe entre Vladimir Poutine et François Hollande?
Le premier contact, le 1er juin, entre deux présidents fraîchement élus a été positif. Ils ont exprimé le désir d’intensifier les relations entre nos deux pays, surtout dans le domaine économique. Le courant est bien passé puisque le président Poutine a téléphoné à son homologue français dans les jours suivants. Le choix de Paris et Berlin le même jour pour sa première visite à l’étranger est significatif. Dès sa prise de fonctions, le 7 mai, le président Poutine a signé un décret fixant les priorités de sa politique étrangère et, parmi celles-ci, la définition d’un espace commun économique et humain entre la Russie et l’Europe. Cela va dans le sens de la fameuse phrase du général de Gaulle parlant de « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural ». Le temps est venu de commencer à bâtir cette grande Europe.
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