Michel Domingue est renversé deux ans après avoir accédé au pouvoir pour un mandat de huit (8) ans.
Le 23 avril 1876, un gouvernement provisoire est constitué. Puis des élections sont déclenchées pour le renouvellement de la Chambre des députés.
Le 17 juillet 1876, Boisrond Canal est nommé par l'Assemblée nationale issue des élections législatives, Président d'Haïti pour quatre ans sous l'empire de la Constitution de 1867 restaurée.
Mais deux ans plus tard, Boisrond Canal initie un projet de révision de la Constitution de 1867. Ce projet ne peut aboutir. Des députés qui sont en faveur de l'élections de Boyer Bazelais à la Présidence d'Haïti prennent les armes. Boisrond Canal démissionne le 17 juillet 1879. Un comité révolutionnaire, dit Central, est formé. Ce dernier nomme un gouvernement provisoire le 26 juillet 1879.
Le 15 septembre 1879, le gouvernement provisoire passe un décret pour déclarer que la Corps législatif est maintenue dans sa composition actuelle, mais en y excluant les parlementaires qui avaient pris les armes en faveur de Boyer Bazelais, contre le gouvernement de Boisrond Canal. Par ce même décret, le Corps législatif est convoqué à la date du 15 octobre 1879 en vue de procéder à la révision de la Constitution de 1867 et de nommer le nouveau Président d'Haïti.
Mais le 1er octobre 1879, le gouvernement provisoire prend un dernier décret par lequel il déclare l'état de siège dans l'arrondissement de Port-au-Prince et y met en vigueur la loi martiale.
Le gouvernement provisoire est renversé deux jours plus tard, le 3 octobre 1879 par un comité issu d'un vote populaire. Ce nouveau comité prend un arrêté nommant un nouveau gouvernement provisoire, maintient la Constitution de 1867, maintient la convocation du Corps législatif pour le 15 octobre qui se réunira en Assemblée nationale pour procéder à la nomination du nouveau Président d'Haïti.
Le 23 octobre 1879, l'Assemblée nationale, à la suite d'un vote dit presque unanime, nomme par décret, Président d'Haïti, le citoyen Lysius Salomon pour le temps qui sera déterminé par la constitution de 1867 révisée.
Voici l'essentiel du décret du 23 octobre 1879:
Art. 1er. —
Le citoyen Lysius Salomon, général de division, est élu Président de la
République pour le temps qui sera déterminé par la Constitution de 1867
révisée.
Art. 2. — Il prêtera devant l'Assemblée nationale
le serment suivant : « Je jure devant Dieu et devant la nation de remplir fidèlement
l'office de président d'Haïti, de faire respecter l'indépendance nationale et
l'intégrité du territoire, d'observer et de faire observer les lois de la
République. »
Art. 3. — Vu
l'urgence, le président Salomon entrera immédiatement en fonctions.
Art. 4. — Le
présent décret sera imprimé et publié dans toute l'étendue de la République.
De Lysius Salomon, voici ce que dit Louis-Joseph Janvier, dans Les Constitutions d'Haïti, page 415:
« Le nouveau Président était à la fois un écrivain,
un orateur, un parlementaire, un financier et un diplomate. Il réunissait toutes
les qualités du véritable homme d'État.»
« Il ne
ressemblait en rien à aucun de ses prédécesseurs, lesquels ne furent ni
orateurs, ni écrivains, ne formulèrent jamais de programme. Tous n'avaient été
que des soldats de fortune poussés à la première magistrature par les
circonstances, les événements plutôt que des hommes d'Etat de carrière, choisis par la confiance de législateurs qui leur
reconnaissaient tous les talents, toute l'instruction qu'on peut exiger d'un politique
de ce siècle. »
***
La différence capitale qui existe entre la Constitution
de 1867 et celle de 1879, c'est que, aux termes de celle-ci, le président est
élu pour sept ans, tandis que d'après celle-là il ne devait rester en charge
que pendant quatre années.
Voici ce que stipulent quelques
articles de la constitution de 1879 [*]:
***
Art. 50. — La Chambre des communes se compose des
représentants du peuple dont l'élection se fait directement par les assemblées
primaires de chaque commune, suivant le mode établi par la loi.
Le nombre des représentants sera fixé par la loi en raison de la
population de chaque commune.
Art. 51. — Jusqu'à ce que l'état de la population
soit établi et que la loi ait fixé le nombre de représentants du peuple, il y
en aura trois pour la capitale, deux pour chaque chef-lieu de département, deux pour chacune des villes de
Jacmel et de Jérémie, et un pour chacune des autres communes.
Art 53. — Les représentants du peuple sont élus pour cinq ans. Le
renouvellement se fait intégralement. Ils sont indéfiniment rééligibles.
Art. 56. —[amendement du 7 octobre 1885] Les
fonctions de représentant du peuple sont incompatibles avec toutes autres
fonctions rétribuées par l'État.
Néanmoins, tout député qui accepte, durant son
mandat à être ministre résident ou secrétaire d'Etat, continue toujours à faire
partie de la Chambre des communes ; il optera pour l'un des traitements alloués
aux deux fonctions.
Art. 57. — Le Sénat se compose de trente membres. Leurs fonctions durent
six ans.
Art. 58. — Les sénateurs sont élus par la Chambre des communes, sur deux
listes de candidats, l'une présentée par les assemblées électorales, réunies
dans les chefs-lieux de chaque arrondissement, à l'époque déterminée par la
loi, et l'autre par le Pouvoir exécutif, à la session où doit avoir lieu le
renouvellement décrété par l'article 60.
Art. 60. — Le Sénat se renouvelle par tiers tous les deux ans.
En conséquence, il se divise par la voie du sort en
trois séries de dix sénateurs ; ceux de la première série sortent après deux
ans, ceux de la seconde après quatre ans, et ceux de la troisième après six
ans, de sorte qu'à chaque période de deux ans, il sera procédé à l'élection de
dix sénateurs.
Art. 61. — Les sénateurs sont indéfiniment rééligibles.
Art. 64. — [amendement du 7 octobre 1885] Les fonctions des sénateurs ne sont
compatibles qu'avec celles de ministre résident ou de secrétaire d'État.
Il est facultatif à tout sénateur appelé à l'une
des précédentes charges, d'opter pour l'un des traitements alloués aux deux
fonctions.
Art. 69. — Les attributions de l'Assemblée nationale sont:
1° D'élire le Président de la République ;
etc.
Art. 101. — [amendement du 7 octobre 1885] Le président de la République est élu pour sept
ans; il entre en fonctions le 15 mai, et est rééligible.
Art. 201. — Le Pouvoir législatif, sur la
proposition de l'une des deux Chambres ou du Pouvoir exécutif, a le droit, à
n'importe quelle époque, de déclarer qu'il y a lieu de réviser telles dispositions
constitutionnelles qu'il désigne.
Art. 202. — Si les deux Chambres admettent la révision
proposée, l'Assemblée nationale se réunira et statuera à cet égard.
Art. 203. — L'Assemblée nationale ne peut délibérer
sur cette révision, si les deux tiers au moins de ses membres élus ne sont présents.
Aucune déclaration ne peut être faite, aucun
changement ne peut être adopté dans ce cas, qu'à la majorité des deux tiers des
suffrages.
Art. 204.—
II est laissé au Président d'Haïti la faculté, pendant un an, de révoquer les
juges des divers tribunaux, afin d’élever la magistrature à la hauteur de sa
mission.
Art. 205. — La présente Constitution sera publiée et exécutée dans toute
l'étendue de la République.
Néanmoins, les actes et décrets rendus par la
Révolution et les deux gouvernements provisoires qui se sont succédé, seront
maintenus jusqu'à ce qu'il y soit légalement dérogé.
Article
unique.— Le citoyen Louis-Etienne-Félicité Salomon, élu le 23 octobre 1879,
Président de la République d'Haïti pour sept ans, sortira de charge le 15 mai
1887.
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