dimanche 10 juillet 2011

La constitution amendée n’est pas celle qu’attend le peuple

Source: Tout-Haiti, Dimanche 10 juillet 2011, 16h 56min 09s
Par Michel William, agronome
michelwilliam1000@hotmail.com


De février 1990 à 14 mai 2011, Haïti a vécu sous le régime des maniaco-dépressifs et des imposteurs. Les officiels des régimes Lavalas, Espoir et Inité se sont appuyés sur la PNH et la MINUSTHA pour créer un climat d’insécurité astucieusement entretenu par la structure de la primature qui n’a en rien desservi le pays. Le maintien dans la version amendée de la constitution de 1987 de la structure de la primature ne relève pas d’un calcul simple mais d’un agenda politique avorté qui visait à séquestrer le pouvoir pendant un minimum de cinq décennies. En conséquence de ce pouvoir fantôme, les fonds sont gaspillés, le pays a passé vingt années sans être gouverné, les crimes commis au plus haut sommet de l’Etat sont restés impunis et les suspects ne sont même pas inquiétés. La demande par les parlementaires de l’INITE de partager le cabinet ministériel est une astuce du président Préval visant à isoler les débats loin de leur enjeu politique majeur, pour forcer la classe intellectuelle et la presse à y voir la violation d’un texte voté et non le maintien de la structure de la primature qui a fait à la fois le bonheur des lavalassiens et le malheur du peuple haïtien. Dans ses déboires, le peuple a toujours ignoré magistralement le premier ministre et a tenu pour responsable le Président de la république de sa mauvaise condition de vie. Le peuple a raison, car la primature a été toujours une doublure qui empêche de voir la gestion directe par le Président des affaires de l’État.

Les manœuvres politiques conçues après le 12 janvier 2010 pour avoir après le 7 février 2011 trois mois et demi de plus n’ont pas suffi pour mener à terme et en leur faveur les différents scénarios déjoués miraculeusement par le séisme dévastateur. Les maniaco-dépressifs habitués à exercer un pouvoir sans partage, ont été pris au dépourvu. Le scénario principal de raz-de-marée électoral ayant échoué, la liquidation négociée de Jude Célestin et le repositionnement de Martelly en deuxième position ne sont pas pour rassurer un clan de politiciens aux abois. L’émergence de Martelly a été le pire des imprévus, car le pouvoir prévalien n’avait jamais effleuré l’idée qu’il aurait à faire face à un outsider tiré hors de son clan et à travailler contre le temps. Il faut à la va-vite trouver des subterfuges et des émissaires. Les rescapés de l’INITE vont tenter un troisième coup de contrôle politique du pays en manœuvrant le CEP pour avoir la majorité parlementaire à la chambre des députés afin d’exercer le pouvoir entier en s’assurant de la majorité dans les deux chambres.

Pendant que ce troisième coup est dans l’impasse, les drogués du pouvoir vont essayer un quatrième coup, celui de vicier l’amendement de la constitution de 1987dont la formule votée le 9 mai et acceptée par les juristes et les constitutionalistes comporte un élément de trouble-fête, la création du conseil constitutionnel. Le texte falsifié est une nouvelle manifestation du génie du mal dont est capable le président Préval. Un vrai coup de Lucifer! Mr Préval a réussi à orienter les débats sur l’amendement sans que personne ne s’aperçoive qu’on discute d’un sujet dénué de relevance pour le pays. Le peuple attend le retour au régime présidentiel et l’élimination de la primature qui est exclusivement une structure budgétivore de blocage politique du pays. Le régime Lavalas adore éperdument la structure de la primature qui est son instrument privilégié de gouvernement avec des personnages de doublure. Un rappel du profil du pouvoir détenu par les premiers ministres, des tractations menées pour leur ratification ainsi que les mises en scène parlementaires pour leur renvoi, suffit pour faire voir l’inutilité de ce poste. Mr Marc Bazin n’a été que l’ombre des militaires. Mr Robert Malval en dépit de sa bonne volonté avait des problèmes avec le président Aristide qui ne lui donnait aucune marge de négocier avec les militaires. Dans la suite, Mr Aristide a dû choisir des effacés comme Mme Werley, Cherestal, Neptune dont les noms ne valent pas la peine d’être évoqués. Le président Manigat a dû faire jouer toute son éminence grise pour ne pas donner la perception que le très respecté Mr Martial Célestin lui était plus un conseiller privilégié qu’un premier ministre. Mr Préval a choisi deux fois un premier ministre pour lequel il n’avait aucune confiance politique malgré la servitude aveugle de Mr Alexis. Il a sacrifié Mme Pierre-Louis qui voulait exercer la fonction de Premier ministre avec un faux semblant de préparer des élections honnêtes. Au dernier moment il a trouvé en Jean Max Bellerive le profil idéal que les lavalassiens recherchaient pour occuper le poste totalement diminué de premier ministre. Aucun des premiers ministres n’avait l’autorité de diriger effectivement le pays. Comme privilège, ils avaient seulement droit au choix discuté des titulaires de deux à trois ministères les plus méprisés, celui de la diaspora, celui de la condition féminine et celui de l’environnement, au mieux les affaires sociales et le commerce vite récupérés avec la corruption. Dans la galerie des sous hommes qui ont occupé cette fonction, l’histoire ne retiendra pas Mr Jean-Jacques Honorat, Mr Rony Smart et Mr Gérard Latortue qui se sont distingués chacun à sa façon dans la possibilité ou l’impossibilité d’exercer cette haute fonction.

Si dans leur analyse de la problématique de la constitution haïtienne, la commission Moïse et récemment les juristes proches du barreau avaient suggéré la suppression de ce poste, ils auraient fait montre de citoyens qui ont le sens du changement et qui suivent le peuple dans l’expression de ses revendications. Tous ces consultants oublient royalement la population quand ils réfléchissent pour le prince et pondent des œuvres bonnes seulement pour la paperasserie politique.

Au demeurant le peuple attendait le retour au régime présidentiel et l’élimination de la primature pour éviter les problèmes liés aux éternelles tractations dans le choix, dans la ratification de politique générale du premier ministre. Les juristes, les constitutionalistes et la presse se sont faits avoir une nième fois par Préval et ont mis le président Martelly dans de beaux draps. Malgré le silence innocent de ces derniers sur la nécessité d’éliminer la primature, la version amendée arrachée à 80 % en faveur de l’INITE ne répond pas complètement aux attentes d’un pouvoir aux abois car la création du conseil constitutionnel, la seule innovation dudit amendement, représente un obstacle majeur au pouvoir manipulateur du parlement. Préval a choisi la version de 1987 moins périlleuse et est passé aux affaires.

L’équipe solide de l’INITE est convoquée et fait appel aux récidivistes de l’administration publique pour falsifier la version votée dans l’unique but de revenir à la constitution de 1987. Le président Martelly a mordu à l’hameçon. Il a remis en selle la constitution de 1987. Sa présidence est « an ba Kod » avec le pouvoir renforcé des parlementaires INITE rebaptisé GPR. On cite sur l’Internet les noms de René Préval, de Rodolphe Joasile, de Joseph Jasmin, de Jocelerme Privert, de Robert Magloire et de Fritz Longchamp comme les éventuels auteurs de cet acte ignoble.

Nous autres sur la toile, nous n’avons pas les moyens de vérifier ces dénonciations. Mais le nouveau président sur l’avis de ses conseillers politiques, même avec un cabinet ministériel démissionnaire devrait pouvoir diligenter une enquête présidentielle complémentaire à celle de la commission sénatoriale pour rechercher les auteurs, co-auteurs complices et exécuteurs de la basse œuvre.

En vertu de la gravité de la faute commise, les suspects qui disposent de tous les moyens pour échapper à la justice du pays, devraient faire l’objet de mesures conservatoires qui les maintiendraient en état. En face du danger de chaos politique créé par cet acte de piraterie constitutionnelle les parlementaires restants devraient immédiatement se repositionner sur l’échiquier politique, se démarquer de l’acte impie posé par leurs collègues et souhaiter la démission de ces derniers du parlement. Le regroupement GPR devrait sortir de sa position partisane, adopter une posture de responsables d’état et prendre une résolution parlementaire à ce concernant. Les partis politiques devraient aussi se mettre de la partie pour exiger la mise en état de ces suspects. C’est le minimum attendu d’une élite qui aurait la vocation de recréer l’état après ces vingt années de non gestion du pouvoir lavalas.

Entretemps le pays est bloqué. Le premier ministre désigné est l’objet des sempiternelles tractations parlementaires téléguidées par un ancien président plus posé que d’habitude. Depuis son bunker politique Préval donne des ordres confus à sa troupe parlementaire pour approuver ou pour ne pas approuver la nomination du premier ministre qui est le moindre souci de la population haïtienne. Les hommes de l’INITE en plein pouvoir illégal et illégitime accusent un pouvoir présidentiel pris aux pièges de prendre trop de temps pour mettre en œuvre son administration. On commence à accuser le nouveau pouvoir de laxisme et ses conseillers de simples remplaçants qui voulaient la place des collaborateurs de Préval.

La presse de Port-au-Prince n’a pas non plus joué le rôle d’éclaireur actif en rendant les suspects sans sommeil dans l’explication de ce crime de lèse-constitution. La presse devrait les interviewer chaque jour, partout, au parlement, dans la rue, chez eux, en province, sur le même sujet pour les porter à avoir honte, à demander pardon à la population et en dernier lieu à démissionner. La presse a choisi de verser dans le superficiel non compromettant.

Enfin de compte, même si le Président Martelly arrive à nommer un premier ministre, celui-ci ne sera pas en mesure de gouverner le pays. Il passera son temps à prévoir des coups ou à dénouer des pièges. La meilleure option offerte au président Martelly pour contrecarrer le projet macabre de séquestration du pouvoir par l’INITE est de répéter l’exemple de Mr Préval, qui avait gouverné avec un premier ministre sans l’approbation du parlement. C’était lors de la nomination de Jacques Edouard Alexis qui, fort de l’appui de Mr Preval, n’avait pas jugé bon de faire approuver sa déclaration de politique générale devant un parlement à majorité OPL. A ce moment le président Préval avait déclaré constater la caducité du parlement. Dans le cas du GPR, le président Martelly pourrait tout aussi bien évoquer le piège constitutionnel et gouverner par décret, fort du même appui de la MINUSTHA et de Mr Clinton. Il faut ajouter que cette option doit être liée à la possibilité de repousser les élections municipales des communes et des sections communales pour demander au nouveau ministre de l’intérieur de nommer par décret les maires et les casecs pour une période intérimaire de deux ans, comme le signal le plus manifeste de Martelly de vouloir changer aussi à la base les éléments de blocage.

Toutes ces anticipations sont pour faire comprendre au Président Martelly que l’existence de la primature créée par la constitution de 1987 est une innovation malheureuse qui n’a pas permis de gouverner le pays depuis 1987 et qu’il y a de la célérité dans l’urgence pour avoir une nouvelle constitution.

Pour amorcer ces changements politiques il faut établir avec Mr Clinton un vrai partenariat dans lequel toutes les vérités et les contre vérités mises à jour dans un langage de franc parler permettent à Mr Clinton de vivre comme il l’avait souhaité l’aventure de la reconstruction d’Haïti et d’être le bienfaiteur reconverti d’Haïti. Mr Clinton y parviendra en négociant au niveau du conseil de sécurité le retour d’Haïti à l’état souverain, c'est-à-dire capable de faire fonctionner les services de l’état. Dans l’état actuel de la démission de l’état sur le terrain, seul un régime présidentiel peut recréer la confiance dans la population. Cette confiance est indispensable pour avancer. Il faut profiter de l’imbroglio de l’amendement pour liquider une fois pour toute la constitution de 1987 et pour lancer la formation d’une assemblée constituante capable de proposer á la nation dans un délai de deux mois une nouvelle constitution non revancharde et non partisane. La quarante-neuvième à qui on demandera de ratifier la nouvelle constitution sera réhabilitée avec l’entrée rapidement en vigueur de la dite constitution.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire