Par Dr. Pierre Montès
Qu'on le veuille ou non, le Président Michel Martelly a un mandat de cinq (5) ans à la tête de l'État, un mandat ayant commencé le 14 mai 2011 (1).
Contre le Président Martelly ou contre les membres du Pouvoir exécutif, il ne devrait pas se faire d'attaques personnelles. Et réciproquement, il ne devrait pas y avoir d'attaques personnelles contre les membres de l'opposition.
Le peuple attend de l'opposition, idéalement des critiques constructives, ou, minimalement des critiques objectives des actes du gouvernement en fonction.
Haïti a eu Toussaint; ils l'ont trahi.
Haïti a eu Dessalines; ils l'ont assassiné.
Haïti a eu Christophe; ils l'ont trahi et il s'est suicidé.
Haïti a eu Borno, un homme de loi. Borno fut l'un des meilleurs Présidents (c'est mon avis et je le partage). Mais à cause de la couleur de sa peau et parce qu'il a profité de la stabilité due à la présence de l'occupant, pour bâtir (3), ils ont occulté la paternité de ses réalisations.
Haïti a eu Duvalier. Parce qu'ils n'ont pas voulu l'accepter, il s'est enraciné de force.
Haïti a aujourd'hui Martelly. C'est un Borno bis (c'est encore mon avis et je le partage). Elle commence, enfin, à avancer; cependant ils cherchent sans cesse (depuis le jour du 14 mai 2011) à renverser le Président Martelly par tous les moyens. Une chance que Martelly a du «répondong», c'est-à-dire, qu'il ne se laisse pas faire, il avance.
Mais, quand est-ce qu'ils cesseront de détruire ou de contribuer à détruire leurs révolutionnaires ?
Quand est-ce qu'ils commenceront, enfin, à prendre part activement à la (re)construction de leur pays ?
L'opposition veut que les élections pour le renouvellement du Sénat aient lieu en 2013.
L'Exécutif aussi, nous devons le supposer jusqu'à preuve du contraire, veut que les élections aient lieu.
L'Exécutif doit faire tout ce qui est politiquement et administrativement possible pour aider le CTCEP à organiser et à tenir des élections honnêtes dans les plus brefs délais. Mais l'Exécutif n'est pas le seul responsable des retards dans la tenue des élections sénatoriales.
Et les élections sénatoriales de 2013 ou de 2014, les élections quelles qu'elles soient, ne permettront pas à elles seules de résoudre les problèmes d'Haïti.
Ce qu'il faudrait, disons-le, ce serait d'amener l'homme haïtien à changer. Et ce changement ne pourrait pas se faire du jour au lendemain. Il faudrait au moins une génération pour asseoir ce changement.
Il est bon de rapporter ici cette citation qu'un ami prêtre a attribuée à Che Guevara: «Les révolutions importent peu, si l'homme n'est pas changé.»
Puisque le Président Martelly ne cesse de démontrer depuis le 14 mai 2011 qu'il aime réellement le pays, qu'il agit inlassablement pour l'implantation de ce changement, pourquoi ne pas conjuguer avec lui nos efforts ? Pourquoi ne pas nous unir pour accélérer et stabiliser l'implantation de ce changement plutôt que de gaspiller nos énergies dans le but de freiner ou d'empêcher ce changement, dans le but de renverser le Président Martelly ?
Le Professeur Hubert de Ronceray avait dit, quelques jours après l'adoption de la Constitution de 1987 (le texte était tout chaud), que le pays serait ingouvernable sous l'empire de cette constitution. Les vingt-cinq (25) dernières années n'ont cessé de donner raison à la perspicacité du sociologue.
Haïti est un pays aux vingt-six (26) constitutions (2).
Pourquoi ne pas s'asseoir autour d'une table pour analyser les raisons qui font qu'aucune d'elles n'a pu convenir à Haïti ?
Pourquoi ne pas s'asseoir autour d'une table pour écrire ensemble un nouveau et dernier texte constitutionnel qui soit à la fois:
amendable (dans une forme similaire aux amendements de la constitution de 1918 faits en 1928),
laconique et clair (comme le fut la constitution de 1918),
plus adapté à la réalité du pays;
et qui puisse contribuer à rendre le pays gouvernable ?
Il ne faudrait pas seulement des hommes de loi pour concevoir et écrire un tel texte.
Il faudrait aussi et surtout des sociologues.
Quand faudrait-il se mettre à table ?
Aussitôt que possible. Laisser le Président Martelly et son équipe gouverner en paix pendant la deuxième moitié de son mandat. Entre temps, constituer un groupe contenant des représentants des sept «gardiens» du pouvoir: l'Exécutif, le Législatif, le Judiciaire, la Paysannerie (le pays en dehors), la Société civile, la Presse (parlée, écrite, télévisée), la Diaspora.
Ce groupe se réunirait autour de ladite table.
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(1) On doit s'attendre à un débat houleux sur la date de la fin du mandat du Président Martelly. Sera-t-elle le 7 février 2016 ou le 14 mai 2016 ? Tout dépendra de la date de la proclamation des résultats du second tour de l'élection présidentielle en 2016.