Par Henri J. Piquion
18 novembre 2010
Partout dans le monde on entend déjà le ouf de soulagement que nous allons pousser au lendemain des prochaines élections quand nous aurons appris que, pour une fois, malgré les magouilles, malgré les intimidations, malgré les irrégularités et les complicités, nos bulletins de vote ont été comptés : Mirlande Hyppolite Manigat est Présidente de la République d’Haïti.
Nous en aurons vu et entendu avant ce jour. Nous aurons surtout souffert pendant les 54 années de descente aux enfers :
- Approfondissement de la misère de ceux qui n’avaient déjà rien pour remplir leur temps de moments de vie. Pendant ces 54 années ils ont vécu dans la mort en attendant de mourir sans avoir vécu.
- Paupérisation accélérée de ceux qui pensaient avoir accédé au monde de la consommation. La gourde qui leur avait permis autrefois d’acheter le pain quotidien, l’uniforme des enfants ou les médicaments prescrits ne se compare plus depuis longtemps aux « zorèy bourik » au point qu’on utilise aujourd’hui une monnaie fictive, «le dollar haïtien», dont on ne peut pas savoir, et pour cause car il n’existe pas, ce qu’il vaut en termes de riz, de haricots ou de bananes.
- Borlettisation de l’enseignement à tous les niveaux. L’urgente et légitime nécessité de rendre l’école accessible à tous sans distinction ni discrimination a servi de prétexte à l’aplatissement du niveau de la scolarisation et de la formation, au champignonage de lieux dits d’enseignement, à la commercialisation de l’alphabet et à l’idéalisation du non-savoir.
- Diversification des expressions de la criminalité. Nous avons appris à banaliser les voies de l’enrichissement facile que sont la prostitution, le kidnapping et le trafic de la drogue. Depuis qu’un Président de la République s’en est fait l’avocat, et qu’il a même, dans son délire de pouvoir pérenne, fait pilonner dans un mortier un nouveau-né volé à l’hôpital, le père lebrun, le vol, le viol, le meurtre, l’assassinat, la profanation des cadavres sont entrés dans nos mœurs. On dit avec raison que Rochambeau n’est pas allé aussi loin dans le sadisme et la cruauté.
- Insécurité commanditée d’en haut, dirigée d’en haut, instrumentalisée d’en haut par des politiciens au pouvoir qui souhaitent y rester jusqu’au jour du Jugement dernier et une cohorte de délinquants internationaux rassemblés dans la MINUSTHA. N’ayons aucune illusion sur les origines des troubles qui déstabilisent le pays depuis quelques jours sous le prétexte que le peuple proteste (ce qui serait justifié) contre les vecteurs népalais du choléra. Il s’agit de manœuvres du pouvoir et de la MINUSTHA elle-même pour contrarier la tenue des élections que le peuple va gagner en votant massivement Mirlande Hyppolite Manigat.
- Affaissement moral d’une partie importante de la population, même de la jeunesse, qui n’a plus la force de se retenir, qui a d’ailleurs de bonnes raisons de ne pas se retenir car la survie du corps passe par l’abandon du corps dans des conduites mortifères et dégradantes. Étrange paradoxe.
- Incompétence généralisée au sommet de l’État et de l’administration publique. Depuis le 7 février 1991 le pays est livré à une cohorte d’analphabètes, bêtes, formés à la gouvernance dans les OP, les JPP et dans les armées de chimères. Spécialisés dans le chantage, la terreur et l’indifférence à l’endroit de la chose publique et des citoyens, ils n’ont trouvé que cette seule réponse «najé pou soti» à donner au peuple haïtien qui leur demande du travail car la militance est le premier critère d’embauche dans la Fonction publique malgré la complexité croissante des dossiers et les exigences de plus en plus serrées de nos partenaires internationaux.
- Humiliation en terres étrangères même dans le voisinage où nous sommes des sous-hommes ou encore ailleurs dans l’ensemble caribéen où notre présence de quasi pestiférés transforme en haine la jalousie de ceux à qui la liberté a été gracieusement donnée. Depuis que nous avons désappris à défendre et à développer celle pour laquelle nos pères sont morts, c’est avec mépris et condescendance que ces îlots nous traitent. Ils vont même jusqu’à nous donner des leçons de démocratie.
- Déracinement et exil d’un nombre important de nos concitoyens installés dans un faux chez soi imposé dont le confort n’a jamais pu servir d’écran au modeste bonheur d’avant les dictatures. Combien y-a-t-il aujourd’hui d’Haïtiens qui attendent les résultats des élections pour arrêter de rêver qu’ils pourront arriver en Floride sans se faire attraper par des requins ou la police maritime des ÉUA, et commencer enfin à rêver de vie, de travail, de santé, d’amour, d’éducation, de culture, de musées, de voyages, d’eau potable et de touristes népalais en bonne santé.
- Nous n’allons pas oublier que ce qui caractérise notre pays depuis bientôt 40 ans, c’est qu’il s’honore d’être le mendiant le plus actif de l’univers et qu’il dépérit malgré la charité internationale conçue pour maintenir l’ensemble du peuple en-deçà de l’humanité pendant qu’une petite minorité s’en enrichit au-delà de toute mesure.
- Abandon de la gestion quotidienne du pays à des gens venus d’on ne sait où ONGéiser le pays au nom d’on ne sait quels intérêts cachés sous l’énoncé idéologique «qu’il faut porter secours à pays en danger». Il est vrai qu’Haïti est un pays en danger, un pays mis en danger, mais pendant qu’il est pris en charge par des milliers d’ONGs qui n’ont rien réglé depuis 40 ans, des Haïtiens sont à la tête d’entreprises florissantes et d’administrations importantes aux États-Unis, au Canada ou dans le système des Nations Unies. Ces Haïtiens ont toujours été disponibles pour leur pays. Ils le seront encore plus quand l’annonce aura été faite que Mirlande Hyppolite Manigat a été élue à la présidence de leur pays.
- Abandon de la souveraineté nationale. Violation flagrante, continue et à répétition de la Constitution et des Lois du pays depuis le 16 décembre 1990. Un Chef de l’État haïtien s’est même avili à supplier des pays étrangers et des organisations internationales d’envahir et d’occuper le pays militairement pour le rétablir au pouvoir. Arrivés sur le sol d’Haïti le 19 septembre 1994 ils ne sont pas encore repartis.
Oui, pendant ce demi-siècle nous avons souffert, et la liste de nos malheurs est aussi longue que celle de nos morts. Pour éviter qu’elles ne continuent à s’allonger en parallèles nous allons tous massivement voter Mirlande Hyppolite Manigat à la présidence de notre pays. Nous allons y aller en groupes pour nous protéger, en étant vigilants en disposant même de ce qu’il faut pour identifier matériellement ceux qui viendront déranger, intimider, violenter, qu’ils soient en uniforme ou non. Allons voter. N’ayons pas peur. C’est le seul moyen dont nous disposions aujourd’hui de nous débarrasser de cette engeance qui a transformé La Perle des Antilles en L’Enfer de la Caraïbe. Aujourd’hui 18 novembre 2010, 207ème anniversaire de la dernière bataille qui a mis fin à la longue guerre de l’indépendance, décidons d’entreprendre courageusement cette dernière bataille qui mettra fin à notre quête de nous-mêmes. Il en sera ainsi.
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