mardi 2 juin 2009

Haïti / Leslie F. Manigat / L’Historique du RDNP

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Leslie F. Manigat, ex-Président d'Haïti (7 février 1988 - 20 juin 1988)
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Port-au-Prince, le 30 mai 2009

Au service de la jeunesse

Vous voulez savoir où vous en êtes et ce que vous devez faire dans la conjoncture, demandez-vous d’où vous venez, ce que vous avez fait et par où vous êtes passé pour le faire ?
LFM

L’Historique du RDNP, ou la vie véridique, exemplaire et éprouvée d’un grand parti moderne et modernisateur haitien
Par le professeur Leslie F. Manigat
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A l’occasion du trentième anniversaire du texte fondateur de la naissance du RDNP en exil à Caracas, Vénézuela, le 26 mai 1979 intitulé « Les Impératifs de la Conjoncture, Ki sa sitiyasyon an mandé chak Ayisyien ».
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L’histoire, cette réponse au besoin des sociétés humaines en perpétuel changement pour faire face à des réalités nouvelles d’adaptation aux conditions d’existence matérielles, morales et spirituelles en perpétuelle transformation pour répondre aux défis de la réalité vécue.

Ce 26 mai 1979, ce qui devait être plus tard et est devenu effectivement le Rassemblement des Démocrates Nationaux-Progressistes (RDNP) est né à partir d’un texte inspiré par mes réflexions sur la situation du pays plus que jamais à la croisée des chemins et sur la position à prendre par un intellectuel patriote non-engagé dans la mêlée d’un combat politique contre la dictature dynastique des Duvalier mais mené en ordre dispersé, au petit bonheur la chance, suppléant la maîtrise de l’art de la gouvernance et de ses exigences dans la formation des élites dirigeantes, par une bonne volonté improvisatrice et une ambition égocentrique donc centrifuge, alors qu’en face, Baby Doc pouvait se targuer de la succession de Papa doc en se définissant de son appartenance à la « tigritude » (le fils du tigre ne pouvant être végétarien, disait-il). Il fallait un leadership unitaire de l’opposition anti-duvaliérienne, face aux formations duvaliéristes décidées à recueillir pour leur groupe l’héritage du pouvoir édifié sous l’égide de la présidence à vie. Les puissances étrangères rivalisaient d’élans unanimistes (papa Knox, dépêché de Washington, et papa Dorin, accouru de Paris etc.) pour porter sur les fonts baptismaux et monter la garde au chevet du nouveau-né pour consolider l’édifice alors encore fragile de la babidocratie dans les langes, certes, mais déjà fort d’avoir triomphé de maintes invasions du temps de Papa DOC, et d’avoir fait passer le transfert du père au fils sans problème interne sinon même avec l’adhésion d’une bonne partie d’un peuple anesthésié. En face, il fallait à l’opposition, un leadership à vocation unitaire. Mais qui ? Sur quel message idéologique interne de ralliement, et sous quel patronage étranger de support ? Qui serait porteur du message initial de la bannière du ralliement minimum de consensus pour atteindre une masse critique crédible et efficace ?

Ainsi prit l’initiative d’une démarche auprès de moi en ce sens, un aîné dans la lutte anti-duvaliérienne, ancien militaire et ancien diplomate, Pierre D. Rigaud, la fille de Nicole Rigaud Forman avec laquelle nous étions liés d’une grande amitié familiale inséparable dans le Paris d’alors. Pierre vint à Paris uniquement pour essayer de me convaincre que sa démarche pour l’accomplissement de la tache de l’unification de l’opposition devait être assurée par moi. N’en n’étant pas convaincu, et préférant continuer ma carrière universitaire parisienne alors en pleine phase d’expansion, je déclinai amicalement l’invitation, mais j’avoue avoir été impressionné par la foi du patriote et la sincérité de l’homme politique émergé en 1946 sous la présidence d’Estimé lors de la « révolution de 1946 » et épanoui sous la présidence de Magloire comme ambassadeur prestigieux d’Haïti au Brésil. Sa déception sur le coup ne pouvait pas lui permettre de se rendre compte qu’il allait avoir gain de cause plus tard. Il avait mis le ver dans le fruit dans le bon sens. Un doute interrogateur se logeait dans mon esprit depuis sa démarche non insolite mais pour moi inédite. Car, jusque-là, Je n’y pensais point. Ou alors, j’y pensais sans fixation du fait que, depuis les bancs de l’Institution Saint Louis de Gonzague, des condisciples de promotion parlaient de moi, « teen-ager » encore, en termes de « candidat futur à la République ». Ce n’était pas un attribut de « tête de classe » à ma connaissance. Mais l’image se profilait déjà autour de moi.

Les origines immédiates du RDNP

Deux textes d’analyse intellectuelle sur l’évolution de la situation haïtienne à sept ans d’intervalle, « Haïti of the Sixties » (Washington, 1964) publié au Washington Centre of Foreign Policy Research, de la School of Advanced International Studies (SAIS) de la Johns Hopkins University à Washington D.C. et « Statu Quo en Haïti ? D’un Duvalier à l’autre : l’Itinéraire d’un fascisme de sous-développement » (Le Monde Diplomatique » mai 1971, puis imprimé en brochure par « la technique du livre », le premier juin à Paris), ont constitué les deux jalons du tournant de mes réflexions politiques à l’adresse de mes compatriotes mais comme intellectuel condamné à l’exil impie après avoir été arrêté, incarcéré, et condamné à mort par contumace par François Duvalier, et non comme un partisan anti-duvaliériste militant engagé, bien que déjà orienté vers des suggestion de thérapie politique par incompatibilité de personnalité et de caractère avec le monstre froid de la présidence à vie. C’est qu’en moi, c’était comme si un pharmacien avait concocté une prescription sous forme de potion à partir de ses bocaux comme un remède éventuellement salvateur contre le mal duvaliérien dont presque tout le monde était frappé, sans en mourir tous comme dans « les animaux malades de la peste ». Cela n’allait pas plus loin pour le moment, mais une incitation de réflexe avait agi dans le sens d’une invitation non encore mûre dans sa formulation. Je souffrais d’une allergie contre le virus duvaliérien d’après 1964, en incubation sans doute depuis la grève des étudiants de 1960 dans laquelle le chef de l’Etat m’avait impliqué comme co-auteur intellectuel sous le prétexte de mon influence sur la jeunesse étudiante et une partie du grand public lettré. Le fait est que les étudiants de gauche de leur Fédération Nationale avaient osé lui tenir tête : Il en était « devenu fou ». Je l’ai vu personnellement venir à l’Ecole des Hautes Etudes Internationales dont j’étais le Directeur, fermer cette institution universitaire de sa création, en ignorant ma présence et en emportant les clefs, au bord d’une jeep militaire, en tenue de soldat en uniforme, casqué et botté.

Un itinéraire de guide intellectuel et d’Historien-politologue tenté par la politique active

Mes dix ans (1964-1974) comme Maître de conférences en histoire des relations internationales à l’Institut d’Etudes politiques de l’Université de Paris, (« Sciences Po », l’Alma Mater), et mes cinq ans de cumul comme Maître de conférences au Département d’Histoire de l’Université de Paris 8 (Vincennes 1969-1974) m’ont donné l’occasion de mieux connaître et de m’intégrer dans les communautés latino-américaines exilées par les grandes dictatures militaires du sous-continent hispanophone. C’est dans ce contexte que j’ai écrit et publié en 1973 mon « Evolution et Révolution : L’Amérique Latine au XXème siècle (1889-1929) ». C’est dans ce contexte que l’engagement politique personnel est né, accompagnant les luttes latino-américaines contre les dictatures, d’autant plus qu’à l’époque, j’animais les études politicologiques sur l’Amérique Latine au Centre d’Etudes des Relations internationales de la Fondation Nationales des Sciences Politiques, rue Saint Guillaume. Notez le rythme : la recherche scientifique universitaire scandée par l’engagement politique intellectuel.


Un destin de service public Leslie F. Manigat

Mais c’est le destin qui a orienté ma pensée et mon action vers l’engagement militant contre la dynastie des Duvalier. En effet, assez brusquement, j’ai reçu l’offre conjointe du professeur Jean-Baptiste Duroselle, directeur de l’Institut d’Histoire des Relations Internationales à la Sorbonne et du professeur Jacques Freymond, directeur de l’Institut des Hautes Etudes Internationales de l’Université de Genève, pour devenir le premier directeur caraïbe de l’Institut des Relations internationales de l’University of the West Indies (UWI) sur son campus de Saint Augustine, à Trinidad. Du coup, me voici de retour dans ma région antillaise natale avec un environnement qui allait favoriser mon intégration naturelle dans la lutte contre Duvalier. C’est bien simple, je suis arrivé à Trinidad en 1974, y suis resté quatre ans (1978) et j’ai publié en 1979, à Caracas où j’allais vivre mes derniers huit ans d’exil, à la Maestria de Ciencias Politicas de l’Université Simon Bolivar, mon appel et manifeste politique contre la dynastie des Duvalier pour y mettre fin comme une nécessité de sanitation régionale et de santé physique et morale pour le peuple haitien souffrant. L’environnement venait de décider. Car si j’étais resté à Paris… Mais le fait est que j’avais rejoint la zone ancestrale proche du berceau « natif-natal », et le même soleil éclairait désormais mes pas vers une vocation déjà bien chevillée au corps par hérédité familiale. Le nom Manigat était intellectuel et politique en Haïti depuis des générations, en fait, depuis Toussaint Louverture. L’identité génétique reprenait ses droits.
Mais le contexte allait faire toute la différence, contexte régional, contexte mondial et contexte interne.

Le contexte régional de l’action d’un homme d’Etat.
Il était dominé par l’audace, à l’éclosion de la révolution cubaine de Fidel Castro, de la création d’un foyer anti-américain dans l’île de José Marti, soustrayant celle-ci de la tutelle « néo-coloniale » yankee pour la placer dans l’orbite de la Russie soviétique, à la recherche sans doute d’un bouclier. Un régime communiste ouvertement déclaré tel venait de prendre naissance au cœur stratégique d’une zone caraïbe traditionnellement zone de domination naturelle du colosse du Nord par « destinée manifeste » Face à un prosélytisme cubain dont l’offensive appuyée par Moscou, capitale du système communiste mondial, faisait des adeptes idéologiques dans la région (les sandinistes du Nicaragua, le front Farabundo Marti au Salvador, la Grenade de Maurice Bishop, des petits triangles stratégiques pro-cubains adoptant l’anti-impérialisme en vogue dans la Caraïbe de l’Est, et des admirateurs fervents même non communistes (la Jamaïque de Manley). Une région s’embrasait brûlant la bannière étoilée comme geste de rejet contagieux. Les diplomates cubains dans la région, tels un Oswaldo Cardenas, avaient la cote d’amour dans la région et c’est lui qui avait été opérationnel pour me faire inviter par l’Institut cubain de l’amitié avec les peuples, puis une seconde fois, avant la fin de la même année 1976, accompagner mes étudiants de mon institut pendant un séjour dans l’île du castrisme qui s’offrait comme modèle dans et pour la zone.

Il a fallu à Washington et à ses alliés dans la région d’abord d’éteindre l’incendie (stop the fire lines), puis en circonscrire les foyers menaçants (« containment »), puis refouler les avances pour éliminer les effets (« le roll back » ou refoulement). La leçon en fut la « doctrine Johnson » interdisant toute seconde Cuba dans l’hémisphère occidental et la contre-offensive américaine victorieuse rétablissant le statu quo ante à partir de la fin de la révolution de la Grenade de Bishop assassiné par les radicaux de sa coalition et l’intervention américaine de « roll back » dans l’île de la Caraïbe de l’Est que Fidel Castro aimait en réciprocité avec son petit frère en castrisme Maurice Bishop.

Pendant toute cette quinzaine d’années cruciales de domination du conflit Est-Ouest, le rusé Papa Doc, après avoir esquissé un pas de deux en direction de Moscou dans l’espoir de dividendes politiques et économiques du système soviétique avec lequel il sentait des affinités apparentes, rentrait dans l’orthodoxie pro-américaine à la conférence de Punta del Este en 1962 en achetant au prix fort le vote décisif contre Castro. Le journal privé du Secrétaire d’Etat Dean Rusk mentionne humoristiquement que la journée du chef de la diplomatie nord-américaine, en notes de frais, avait été occupée à prendre le petit déjeuner à l’hôtel au coût de 2$ US 25, et le lunch avec le chancelier haitien René Charlmers au coût de 2.500.000 dollars $ US ! Il fallait rentrer dans les bonnes grâces américaines pour la survie de son régime pour lequel Kennedy n’avait pas de sympathie particulière.

Le contexte international de l’action d’un homme d’Etat. Il a évolué pendant ces quinze années d’affrontement dans le conflit Est-Ouest conjugué avec l’acuité du conflit Nord-Sud avec cette originalité paradoxale d’un Fidel Castro communiste leader des non-alignés au grand amusement sans doute de Washington qui a savouré sa victoire globale contre le communisme international à la déconfiture du camp soviétique. La stratégie du président Reagan a forcé Moscou à être piégé dans la course capitalisme-communisme et c’est le premier qui a vaincu le second. La chute du mur de Berlin est l’effondrement du rêve du système soviétique d’enterrer le capitalisme au profit du communisme, censé devoir être l’avenir du monde. Le mythe du grand soir marxiste s’est écroulé dans le contexte du grand tournant de l’année 1989. Ce contexte international a redistribué les cartes et la gravité de la crise économique internationale d’une envergure rappelant la dépression mondiale de 1929, laisse Washington, qu’elle frappe de plein fouet, toutefois au zénith de la hyperpuissance coiffant des superpuissances du monde développé avec des pays émergents en rivalité compétitive pour être les nouvelles puissances régionales dont la répartition et la localisation ont refaçonné la mappemonde d’un Kissinger réordonnançant le nouvel ordre international en faveur du Brésil dans les Amériques ou du Nigeria en Afrique. L’aide étrangère, jadis dénoncé comme impérialisme, est convoitée par les bailleurs de fond des grandes puissances en liaison avec la course aux investissements privés des capitaux-hirondelle se déplaçant en hordes milliardaires tourbillonnantes tandis que des pays bénéficiaires de cette manne qui passe s’incrustent dans le paysage remodelé de la post-modernité industrielle. Un pays comme Haïti a pour première chance la sous-traitance dont les investissements lui sont disputés par un Mexique raffleur de main-d’œuvre vers un plein emploi utopique par l’arrivée des masses disponibles à l’embauche ou candidates au chômage structurel. Les pays développés demeurent à la pointe du développement, les pays en voie de développement frappent à la porte du développement pour y entrer, et les pays en voie de sous-développement se fragilisent dans la dernière catégorie des pays les moins avancés du globe pour dire autrement une nouvelle typologie de pays « faillis » passibles d’un nouveau statut de prise en charge internationale.

Le contexte haitien interne de l’action d’un homme d’Etat, fondateur de parti
L’Haïti politique de demain évoluait en deux courants opposés : celui du gouvernement de Baby Doc, en contrôle du terrain local et celui de l’opposition politique exilée agissant principalement à partir de la diaspora.

Baby Doc ? Une dérision à la survie réussie ? Un adolescent de 19ans au pouvoir, pourquoi pas, s’il était bien encadré, bien entouré ? D’autant plus que sa jeunesse, créditée d’une innocence à laquelle un peuple bon enfant ou anesthésié faisait confiance, pouvait être un atout disponible pour une politique de changement. Les premières années du nouveau règne pouvaient faire illusion et faire parler d’un petit boom économique fondé sur la sous-traitance. Mais Jean-Claude Duvalier, dont les capacités et le niveau de compréhension du monde ne dépassaient pas un secondaire de faveur que ses notes scolaires réelles contredisaient, était incapable de « maîtriser la conjoncture » et après 1976 et surtout après 1982, son régime s’effondrait dans la crise économique dont il n’avait pas moyen de sortir et allait mourir politiquement d’une « tigritude » de vantardise pour avoir cru devoir dire, pour rassurer ses tontons-macoutes, « que le tigrillon est un tigre, et que le petit tigre ne peut pas être végétarien », rendant ainsi peu crédible le changement dont ses collaborateurs technocrates souhaitaient, mais que les conservateurs de la ligne dure refusaient en défendant le statu quo politique (Roger Lafontant). La recherche d’une alternative dans l’armée saisie dans la débauche du ressentiment revanchard tardif vis-à-vis de la prédominance macoutarde, et dans un monde politique des ambitions « présidentiables » rivales (dont Clovis Désinor), qui grenouillaient à qui mieux mieux.

Le contexte haitien de l’opposition en exil en action à partir de la diaspora.
L’Haïti politique de l’extérieur allait faire un pas décisif dans la recherche d’une unité malaisée à cause du secteur accroché à ses méthodes et conceptions d’une politique traditionnelle d’invasions et de coups de forces malgré ses échecs répétés face à Duvalier père, grâce à la naissance d’un secteur plus cohérent et plus idéologisé d’une nouvelle opposition consciente de la nécessité de jeter des passerelles entre les entités politiques sinon d’un même combat ou au moins d’un combat commun. Trois courants se partageaient la nouvelle opposition : le centre droit pro-américain dont certains groupes bénéficiaient de relations directes avec les services d’intelligence de la CIA sur lesquels ils comptaient comme les équipées du capitaine François Benoît ou du père Jean-Baptiste George en mobilisant héroïquement des jeunes de la petite bourgeoisie urbaine disponibles sur le marché d’embauche politique nord-américaine. Leurs tentatives audacieuses vinrent butter en Haïti contre deux obstacles : leur méconnaissance du terrain social où la paysannerie ne faisait pas cause commune avec eux au point d’adhérer à leurs appels à l’insurrection comme dans le précédent de 1883 avec l’échec, pour la même raison, de l’invasion de Boyer Bazelais à Miragoâne, et la répression impitoyable des hommes de main de Duvalier des familles dont les fils avaient trempé ou étaient susceptibles de tremper dans ces invasions identifiées comme socialement voire « pigmentocratiquement » élitistes.

Un second secteur de la nouvelle opposition était animé par les marxistes de divers partis communistes notoirement connus intégrés au sein du PUCH. A l’étranger, le plus internationalement introduit avec une carte de visite universitaire mexicaine transcendant les clivages traditionnels était Gérard Pierre-Charles, strict en matière idéologique moscoutaire, mais souple en relations humaines, ce qui lui assurait un capital de réserves sociales. Il tenait à diriger l’unité de la nouvelle opposition, mais les nationaux-progressiste d’Haiti, notre RDNP, pensaient insensé d’offrir à Duvalier cet atout majeur du parrainage communisme de toute l’opposition haïtienne. Ces deux conceptions et ambitions se sont heurtées notamment à la conférence unitaire de Panama qui s’est soldée par le maintien du statu quo en matière de fusion reconnue impossible et d’ailleurs non désirable.

Le troisième secteur de la nouvelle opposition était constitué par notre RDNP, le Rassemblement des Démocrates Nationaux-Progressistes, le plus spatialement et organisationnellement structuré comme Rassemblement à vocation unitaire, identifié et ancré dans l’aile gauche de l’internationale sociale-chrétienne (IDC), et politiquement parrainé par le gouvernement vénézuelien de Luis Herrera Campins, par l’intermédiaire de l’agent de liaison présidentiel, notre amie Margarita Palacios. Deux ans après le lancement officiel du parti (mai 1979), avec son texte fondateur « Les impératifs de la conjoncture », la première conférence internationale constitutive du RDNP se tint à Caracas en 1981, et le président Herrera Campins organisa au palais présidentiel de la Casona, une grande réception officielle pour saluer et consacrer par son amitié et l’assurance de son assistance, la naissance de notre parti. Une grande photo commémorative a réuni tous les participants de notre première convention nationale (une trentaine venue de toutes les branches de la diaspora) autour du président démocrate chrétien vénézuelien et du nouveau Secrétaire-Général de notre parti le professeur Leslie F. Manigat.

Un rappel personnalisé de la « préhistoire politique » du RDNP
Les démarches et sollicitations qui ont précédé le lancement de mon appel fondateur des « impératifs de la conjoncture », texte d’un homme seul rédigé dans le secret du cabinet, mais expression d’une pensée collective de rencontre d’une trilogie doctrinale entre têtes pensantes de la diaspora, ont une histoire, que j’appelle « la préhistoire du RDNP » et qu’il faut évoquer en un bref rappel pour situer le parti à sa naissance.

Déjà avant mon installation à Caracas en 1978, j’entretenais des relations cordiales et d’estime amicale réciproque, avec l’ex-chancelier vénézuélien le Dr Aristides Calvani doté d’une solide formation académique, catholique et humaniste, acquise à Louvain (Belgique). Etre de Louvain était une référence. L’ancien ministre des affaires Etrangères vénézuélien était un homme d’une grande simplicité, d’une grande ouverture, d’une grande chaleur humaine et un ami des haitiens résidents au Venezuela. (dont Jean-Marie Benoît, un professionnel, et Misère Georges Fortuné, un syndicaliste ouvrier). J’ai fait sa connaissance en 1972 à L’Ifedec (Institut de formation de la Démocratie Chrétienne) où je fus invité à participer à une conférence de formation à l’intention des membres de l’organisation internationale partisane. Ce fut le début d’une grande amitié personnelle qui ne s’est jamais démentie et d’une collaboration qui nous a servi d’introduction dans les milieux démocrates-chrétiens internationaux d’Amérique Latine et d’Europe, Calvani étant alors Secrétaire-Général de l’IDC (l’Internationale de la Démocratie Chrétienne). Son parrainage nous dota d’un sage mentor pour notre admission comme parti dans l’IDC. Sa guitare nous a accompagné dans maintes agapes du parti dont il était un ornement souvent sollicité. Nous chérissons sa mémoire.
Mais cet homme peu commun nous assista de bonne grâces à faciliter nos démarches auprès de la régionale latino-américaine de l’Internationale Socialiste quand nous le convainquîmes que la cause haïtienne nécessitait le concours conjoint des démocrates chrétiens de l’IDC et des sociaux-démocrates de l’IS. C’était « ma théorie des deux jambes ». On a développé des relations partenariales avec l’Internationale Socialiste allant jusqu’à être invités à des congrès de l’IS comme le congrès d’Albufeira, au Portugal, et à des congrès de partis de l’IS comme à Vérone en Italie. Au congrès d’Albufeira, nous rencontrâmes d’autres congressistes haitiens comme Athis et Serge Gilles de l’IS mais surtout nous pûmes débattre avec Peña Gomez, directeur de la régionale latino-américaine de l’IS, lié d’amitié personnelle avec nous depuis les études parisiennes du noir dominicain doué rencontré et un peu piloté à la Sorbonne.

Les documents d’identité du RDNP achevaient ainsi d’être réunis avec cet élément constitutif de base que sociaux-chrétiens et sociaux-démocrates des deux parties constitutives qui se partageaient la souveraineté du même espace insulaire devaient gouverner en coexistence harmonieuse et convergente, pour le bien de chacune de nos patries contiguës, par delà les différences nationales à respecter des deux cotés et les idéologiques ailleurs conflictuelles à rendre compatibles.

Dans tout ceci, s’agissant par exemple de Calvani ou de Peña Gomez, il y a lieu de souligner l’importance des liens personnels en politique, renforçant le rôle du coefficient individuel à coté de celui de la nécessité sociale en matière d’action humaine. Je revois Peña Gomez le socialiste me recommandant avec insistance de soigner mes relations personnelles avec les officiels et dirigeants nord-américains. Ce patriote était un leader sacrifié, mais lucide dans son réalisme de conducteur d’un peuple dépendant.

Mais le RDNP n’aurait pas été ce qu’il est devenu si le contexte global de la situation mondiale n’était pas tel qu’il l’a été de 1975 à 1989 culminant à la chute du mur de Berlin. L’effondrement du communisme soviétique provoqué par la surenchère de Ronald Reagan « raisant » dans un « poker menteur » face au jeu de Moscou pris au dépourvu sur les plans stratégique, économique, financier, politique et de compétition spatiale cosmique a redistribué les cartes et coïncida avec la rupture de vanne en Haïti de l’émigration des « boat people » en fuite éperdue sur les mers infestées de requins de la région caraïbéenne dans des embarcations frêles à peine capables de les soustraire à l’attaque des poissons géants croquants de la mort sans phrase. La tragédie des « boat people » avec ses épisodes répétitifs a posé la question existentielle du destin haitien à la conscience des compatriotes et, pour notre part, fut décisive dans notre détermination d’entrer enfin, toute honte bue et toute commisération surmontée, dans la bataille de l’engagement politique direct, à visière levée, comme parti de salut public à l’heure du sauve qui peu de notre peuple en détresse désespérée, soumis aux épreuves sans sortie apparente du départ en mer, des tragédies mortelles collectives du genre de Cayo Lobos, de la capture des survivants par les garde-côtes américains, de leur mise en camp de concentration provisoire à Krôme ou ailleurs, derrière les barbelés, avant leur refoulement, avec la reprise du cycle infernal pour essayer de revenir à la terre promise, « encore une mer à traverser » dans leurs migrations inhumaines cinq fois centenaires. Le RDNP est né d’un sursaut de conscience et d’émotion indicible dans la lutte pour donner une chance au désespoir d’un peuple « votant » par ses pieds contre ses dirigeants incapables, inconscients et corrompus. C’est une réponse spontanée pour créer dans un grand parti moderne et modernisateur les conditions nouvelles susceptibles de « changer la vie » chez nous, « dans un grand sursaut collectif ensemble, ensemble, ensemble jusqu’à la victoire finale ».
La tragédie haïtienne des boat people en Floride posait « la question haïtienne » (1978-1979). Haïti à la une ! Le RDNP est né le 26 mai 1979 avec l’appel des « impératifs de la conjoncture » et les réponses immédiates positives qui s’ensuivirent pour lui donner corps et formes et vie et âme. Le message originel de l’appel a été imprimé en une édition bilingue français-créole par les soins d’une petite équipe, une des premières cellules du RDNP à Puerto-Rico avec Roger Savain, imprimeur et co-traducteur en créole, Pierre D. Rigaud entrepreuneur souscripteur, Jean-Claude Bajeux, co-traducteur en créole, intellectuel de combat qui avait porté dans le temps de sa jeunesse la soutane des Spiritains, et un petit groupe de parents et d’amis fidèles au souvenir de Jacques Wadestrant, dont un jeune homme d’affaires haitien modeste mais de grand dévouement et de mérite en débrouillardise, sorti d’une autre planète sociale pour atterrir chez les Wadestrand, l’ami Fito Morel. Comme quoi il faut de tout pour faire un monde nouveau.
Me voici en mai 1979 donc entré en religion politique avec l’engagement d’avoir fondé un nouveau parti sur l’arène politique nationale dans l’exil haitien revitalisé avec la jeune génération des « trente-cinq cinquante-cinq » à la barre et celle des « vingt-et-un trente-cinq » aidant les matelots à la manœuvre avec leur majorité responsable, destination : la régénération d’Haïti à réaliser par les haitiens eux-mêmes. Ayiti, se nan bra-ou pou’m viv e pou’m mouri, le serment rituel de vivre et de mourir pour la patrie.

Une méthode connue du RDNP était de préparer son engagement politique par une conférence technique préalable de diagnostic et de thérapie suggérée. Ce fut le rôle de la conférence de San Antonio de los Altos, sur les hauteurs de Caracas, sous l’égide de l’Université des travailleurs de l’Amérique Latine, la CLAT, à l’initiative conjointe du leader syndical d’origine argentine Emilio Maspero et du professeur Leslie F. Manigat. Cette conférence, réunissant des compatriotes professionnels et intellectuels venus de toute la diaspora, tous azimuts (Georges Anglade, Cary Hector, Jean-Claude Bajeux, Gesner Manigat, Mirlande Manigat, Lionel et Anne Desgranges, Dr Serge François, Dr Luc Charlot, Harry Carrénard, Jacques et Merlène Brutus, Charles Antony David, Paul Arcelin, etc., et même de l’intérieur du pays (tels, parmi ces derniers, un Martial Célestin, un Leslie Delatour, un Charlie Clermont, un Pierre Clitandre) ont élaboré, à partir d’une cinquantaine de communications individuelles discutées en commissions spécialisées, les « quinze points » de Caracas, sortis de ce que « le Petit Samedi soir » appelait « les Etats Généraux de l’opposition », et qui interrogeait la problématique du Développement Haitiens. Le sujet de la conférence technique était « Haïti et ses problèmes » (Analyses et propositions de solution : Diagnostic et Thérapeutique).

La liste des « 15 points » de Caracas donnait le plan d’un véritable projet de société selon une formulation de l’instigateur de la conférence unanimement acceptée comme reflétant la lettre et l’esprit des congressistes. Aujourd’hui encore la lecture ou la relecture des « 15 points » de Caracas est un MUST qui peut servir encore de bréviaire historique pour les développementeurs de chez nous cent-vingt ans plus tard. « Si vous voulez savoir où vous en êtes et ce que vous devez faire dans la conjoncture, il n’est pas superflu de vous demander d’où vous venez, ce que vous avez fait et par où vous êtes passé pour le faire. » (LFM)



Voici la liste des « 15 points » de la conférence technique haïtienne tenue à San Antonio de los Altos (13-20 juillet 1980), sur les hauteurs de la capitale vénézuélienne, sur la base des 50 communications retenues et débattues par les participants en commissions spécialisées :

1) Remembrement et développement rural. Savoir empirique paysan et connaissances scientifiques agronomiques : Le mariage nécessaire ? Les conditions de la modernisation de l’agriculture haïtienne.

2) Fonction des spéculateurs et des commerçants d’import export et rôle de l’Etat.

3) Aménagement du territoire et implantations industrielles dans le cadre, les contraintes et les limites d’un choix de type de décentralisation.

4) La régionalisation et ses problèmes. a) Au niveau intérieur : le poids de la décentralisation et le coût de la régionalisation. b) Au plan international : coopération et/ou intégration avec la Caraïbe et l’Amérique Latine.

5) Technologie appropriée : importation, adaptation, création.

6) Instituts de Recherches et de Développement : une recherche scientifique nationale pour le développement national.

7) Langue et développement intégré : Ressorts culturels et société nouvelle. Education nationale, participation populaire et état de type nouveau.

8) Communautés de base et organisation de services (par exemple : santé, sanitation, pharmacopée et médecine communautaire) : L’état et la démocratie participative.

9) Fonctions nouvelles des institutions militaires et religieuses dans une alternative de développement.

10) Les noyaux de résistance et leur reconversion fonctionnelle dans une alternative de développement.

11) Retour d’éléments de la diaspora et réintégration dans la communauté nationale. Haïti et sa diaspora : un nouveau type de relations au service du développement.

12) Investissements étrangers et contrôle national des secteurs stratégiques de l’économie.

13) L’aide étrangère et l’intérêt national : conditions, modalités et contrôle.

14) Défis et rupture dans une conception nouvelle du développement.

15) Priorités a court et moyen terme dans la planification du développement : urgence absolues, objectifs prochains et buts lointains.

L’heure de l’engagement politique pouvait sonner un an plus tard, avec l’appel des « impératifs de la conjoncture », forgeur de la trilogie doctrinale de mon message de lancement, Rassemblement des Démocrates Nationaux – Progressistes.



L’initiative des « Impératifs de la conjoncture » en mai 1979 et l’idée d’un mouvement politique organisé à partir des réactions positives à l’appel des dits « impératifs de la conjoncture » allaient me faire prendre mon bâton de pèlerin à partir de « Colinas de Bello Monte » à Caracas : Guadeloupe, Montréal, New-York, Boston, Paris, Chicago, Washington, Bruxelles, etc). Les acquisitions stellaires du groupe initial des parents, amis et fidèles de Manigat, s’accumulaient au fur et à mesure des adhésions à l’évangile du « démarcheur politique » infatigable que le leader du RDNP allait se révéler être sur les trois continents de la diaspora placés désormais sur écoute de la voix de la concorde solidaire haïtienne criant à partir de Caracas.


Note importante : le RDNP est né comme une vocation unitaire entre sociaux-chrétiens et sociaux-démocrates (voir le texte des « impératifs … » qui devait englober la gauche socialiste et le centre gauche progressiste dans le même parti). Cet appel initial situait le parti sur un axe centre-gauche et gauche démocratique, avec l’orientation préférentielle à dialoguer avec la gauche comme les entretiens avec l’équipe et l’entourage de « collectif paroles » à Montréal (Cary Hector, Henri Piquion, Daniel Holly, Antonin Dumas Pierre, Frantz Lofficial ) et les pourparlers avec le mouvement d’engagement politique de gauche à Boston-Montréal (groupe de Narcès Lescouflair). Faits significatifs : nous étions dans le prolongement amical de nos anciennes amours idéologiquement de gauche d’inspiration chrétienne mais dépassée avec Monique Brisson et Guy Alexandre. Mais plus directement, je me réfère au rappel significatif des « 20 points d’accord » de Serge Gilles avec moi en Guadeloupe sur le texte des « impératifs… » favorablement annoté. C’est dire que la position idéologique du RDNP a été bien définie dès le départ comme de centre gauche progressiste, en ligne de conformité avec « la gauche démocratique » de Romulo Betancourt (Accion democratica, social-démocrate) et du social christianisme de Napoleon Duarte et d’Aristides Calvani au temps de André Louis, Secrétaire Général de l’Internationale Démocrate Chrétienne (IDC). Le parti avait un militantisme international hostile aux dictatures de droite comme celles de Trujillo et de Somoza sévissant dans la région de la Caraïbe. Sur le plan interne, au RDNP, le centre-gauche avait des accents socialisants priorisant la lutte contre la pauvreté jouxtant la lutte contre la dictature, les deux cibles.


Signification et portée du message fondateur de l’appel du 26 mai 2009


« Les impératifs de la conjoncture », premier programme politique du RDNP (mai 1979) a paru en édition originale bilingue français-créole (Ki sa sitiyasion ayiti a mandé tout ayisyin ? ». En fait, le RDNP réel sera un rétrécissement du champ politique et de l’horizon d’implantation des impératifs de la conjoncture. La définition de l’espace unitaire du RDNP dans le message originel, conçu et défini comme un appel pan-unitaire à la solidarité de toute l’opposition haïtienne contre la dynastie dictatoriale des Duvalier (1964-1986) a subi un rétrécissement du champ de vision du fait de sa concrétisation en réalité vécue dans des circonstances dirimantes d’incarnation du verbe en se faisant chair. C’est un texte rédigé dans le secret du cabinet en mai 1979, par un homme seul, mais avec dans l’esprit le panorama et l’itinéraire de ma vision de quinze années d’incubation et le produit intellectuel de mes prises de position depuis la présidence à vie, un texte de base mais personnalisé et fondateur au sens propre et mythique de la « légende des siècles ». Et pourtant, c’était essentiellement le reflet d’une réflexion collective que je portais en moi et que j’ai couvé comme l’œuf de la conjoncture plurielle accumulée dans mon cerveau concepteur comme s’il était mien par droit de propriété d’auteur. En réalité, c’était ma vocation d’en porter la paternité historique. Mais c’était en fait l’enfantement par un auteur historiquement daté, situé et identifié, d’une œuvre collective ô combien ! L’ami Hermann Jean a fort bien retracé le contexte de cette genèse.



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Les Congrès nationaux triennaux du RDNP, « grand messes » du parti se sont succédés au nombre de 10 durant les trente années d’existence du parti, c’est dire qu’il n’en n’a pas manqué aucun., signe de ce sérieux exemplaire qui marque les traditions d’excellence de notre parti comme une exigence de qualité. Aucun autre parti n’a pu faire mieux ni autant.
Avec le congrès de Caracas (1980) immortalisé par la grande photo panoramique de famille de la quarantaine des « fondateurs » historiques autour du président vénézuélien Luis Herrera Campins au palais de Miraflores à Caracas, une équipe est née et se présente sur le terrain. Le coup d’envoi est donné.

Le congrès de Curaçao avec ses suites (1983-1984) a connu une rupture épistémologique et sociale épuratrice ou une sécession manquée mais coûteuse, avec de grands départs heureusement individuellement limités, regrettables sans doute, mais inévitables pour la cohésion partisane sinon on aurait à traîner le boulet de la discorde aux pieds. Maxo Dade et Frédéric Lannou, leaders populaires, ont été notamment les héros de la résistance de la continuité face à la sécession élitiste menée par Jean-Claude Bajeux et François Benoit sur une feuille de route séparatiste qui finalement n’a pu triompher à Curaçao, ni avant ni après. Ce furent des pertes sur le coup malaisées à combler et à réparer car c’étaient des hommes de valeur que la vie de compagnie récente m’avait appelé à aimer bien. Il n’y aura heureusement plus une telle secousse schismatique dans l’histoire du RDNP qui a pu continuer son chemin majoritaire dans une fidélité partisane insigne et inaltérablement indéfectible.


Le congrès de Djoum-balla I (1987) consacrait le rapatriement de la direction du parti à la fin d’une longue période d’exil impie. C’est la première série des congrès triennaux du RDNP « sous les bambous de Djoumballah », à Frères, et c’est surtout la convention qui a donné un programme de gouvernement moderne et détaillé au parti après des débats passionnants et passionnés autour de la charte fondamentale du parti : « Changer la Vie » et confirmé la popularité initiale du slogan-mot d’ordre du parti « pour un grand sursaut national, Ensemble, Ensemble, Ensemble, jusqu’à la victoire finale ». Sur la lancée des « impératifs de la conjoncture » et de sa trilogie fondatrice de 1979, le RDNP avait désormais sa bible : « Changer la vie », produit des larges débats participatifs de la convention de 1987 avec nos médecins (les Bernard Beauboeuf, les Jean-Robert Mathurin etc.), nos ingénieurs, nos professionnels au micro de la convention faisant avancer les débats. Mais c’est le moment de citer, même hors ou au-delà, des assises de cette convention-phare, des amis constants à l’appui indéfectible tels le notaire Ernst Avin camarade de promotion, le Dr Yvon Beaubrun, camarade de promotion, l’ingénieur Max Métayer ami de toujours, le Dr Gérard Pierre, un ami de l’adolescence commune au Bas Peu de Choses, le pharmacien Fritz de la Fuente, chimiste et professeur d’Université, parmi les plus fidèles dans la constance de notre action politique entamée avec nous alors qu’il était encore étudiant sous François Duvalier, et tant d’autres encore enregistrés dans le corpus de l’affection.


Le congrès de New-York (1990) , organisé dans l’intermède de l’exil après le coup d’état Namphy II contre notre gouvernement de février-juin 1988, a servi à montrer que le RDNP affirmait, prouvait et assurait sa continuité institutionnelle dans une homogénéité spectaculaire d’ensemble et une fidélité aux grands principes fondateurs de patriotisme, de compétence, d’intégrité et de dévouement rectiligne à la cause des descendants de ceux que le leader paysan révolutionnaire Jean-Jacques Accau appelait « la majorité souffrante », qui mérite mieux que le destin qui lui a été réservé jusqu’ici comme partenaire fondamental de l’entité nationale qu’est devenue la nation haïtienne, une et indivisible.


Ce n’est pas sans fierté que nous pouvons dire que le RDNP est sans doute la seule formation politique haïtienne moderne à avoir respecté scrupuleusement, sans défaillance ni exception, l’exigence triennale de la Convention nationale réunissant par plusieurs centaines l’ensemble des représentants du parti choisis sur tout le territoire à raison de trois au moins par commune pour les élections périodiques régulières générales du RDNP dans le pays et dans les branches extérieures de la diaspora. Cette continuité a marqué le congrès de Djoumballa II (1993), le congrès de Djoumballa III (1996), le congrès du Palais de l’Art (2002) et le congrès du Palais de l’Art (2006). Un bilan à nul autre pareil d’une ponctualité de prince qui nous a familiarisé avec les venues périodiques de têtes familières comme de nouveaux visages renouvelant les « stocks » anciens.



Les grands textes fondateurs ou rénovateurs du RDNP


Un parti comme le RDNP, c’est une idée qui s’incarne. C’est pourquoi il faut lire et relire en consultation les grands textes fondateurs ou rénovateurs du RDNP. Parmi les plus importants, il faut détacher : « Les impératifs de la conjoncture » (1979), premier programme politique du parti, l’« Appel aux intellectuels, professionnels et techniciens », sollicitant l’adhésion de la matière grise pour étoffer les arcanes d‘une pensée haïtienne dont la réputation de qualité est une tradition féconde et fécondante malgré l’illettrisme du plus grand nombre.

A suivi « L’appel de l’été 1980 » aux sept forces vives de la nation, le texte le plus percutant du RDNP et à vocation de ralliement la plus rassembleuse que le parti ait connue dans sa phase d’expansion ascensionnelle.


Alors a pu paraître la pièce maîtresse « Changer la Vie » (1987) programme officiel du RDNP, le vade-mecum de tous les adhérents, la bible de tous les militants, le livre de consultation de la gent politique amie ou adversaire.

Enfin, le message personnel de réflexions nouvelles du Secrétaire Général du parti pendant 28 ans d’existence de ce dernier significativement intitulé « Les nouveaux impératifs de la conjoncture », actualisant le classique de 1979 resté sans une ride, mais intégrée dans une fresque globale de la situation nouvelle « immuable et changeante ». C’est la dernière pièce du dossier de l’héritage légué au parti par le Secrétaire Général sortant avant de passer la main.



Les principaux slogans du RDNP.

Parmi les slogans lancés par le RDNP durant ces trente ans d’existence institutionnelle, il faut retenir :
« Pour un sursaut national, ensemble, ensemble, ensemble, jusqu’à la victoire finale », le slogan-fétiche du parti.
« OSER »
« La théorie des deux jambes »
« Priorité aux pauvres » et hostilité à l’exclusion sociale
« Compétence, intégrité, patriotisme »
« Pour une mondialisation à visage humain »
« Par la justice distributive, le plus grand bien au plus grand nombre
des déshérités du sort »
« Pour une entente solidaire tripartite entre gouvernement, patronat et syndicats »
« Coopération internationale au bénéfice de l’intérêt national » en large ouverture sur le monde actuel avec ses possibilités et ses contraintes, pour être acceptable à tous nos partenaires du système des Nations-Unies respectueux du droit international et des normes pratiques de la convivialité entre les nations.
« L’objectif de l’égalité et de l’équité en faveur des femmes » ;
« Jeune, le RDNP t’appartient comme force d’avenir du pays » etc.
Attention, camarade, ton pays fout le camp ! (slogan écologique).


Rappelons enfin les publications périodiques du RDNP


« L’Alternative démocratique, nationale et progressiste » revue trimestrielle (Caracas) que nous aidaient à diffuser le cas échéant même des amis dirigeants du FNCD comme une bonne parole de l’opposition.
L’émission radiophonique hebdomadaire du RDNP (Caracas) et son écoute difficile mais frappante
Les émissions radiophoniques régulières du RDNP en Guyane française avec la branche locale depuis plus de 20 ans (les plus vieilles du parti) avec également des émissions de radio en série continue quand faire se peut, du parti à Miami, Boston, etc.
« La Voix du RDNP », journal (Port-au-Prince)


Le grand séminaire de formation politique de base en 1983 comme manifestation d’éclat du RDNP à L’IFEDEC à Caracas (avec Leslie F. Manigat, coordonnateur, Aristides Calvani, l’inspirateur, Jean-Marie Benoit, Misère Fortuné, Mirlande Manigat, Jean-Claude Bajeux, Laennec Hurbon, Emilio Maspero de la CLAT comme auteurs d’exposés magistraux. Une trentaine de participants venus des branches extérieures du RDNP pendant une dizaine de jours. 34 cassettes enregistrées et 11 vidéos en sont sorties utilisées par le parti après ces sessions mémorables, notamment par Jean-Robert Lebrun dans ses cycles de formation pour la jeunesse du parti.


Sans oublier les « lettres circulaires » périodiques du Secrétaire Général avec les analyses de situation et les directives appropriées que Harry Byas (New-York) et Roger Archer (Miami) citaient souvent de mémoire et que Jacques Brutus (Montréal) et Gérard Milord (Boston) archivaient.


La formation politique continue au RDNP


Dès ses balbutiements, le RDNP a pris un soin particulier à assurer la formation politique continue au bénéfice de ses cadres et de ses militants. A Katia, Caracas, réunion hebdomadaire, avec les travailleurs (Maxo Dade, de Carrefour, et Théo de la Croix des Missions sans oublier frère Roger, ce fidèle de la Croix des Bouquets, leaders de la base militante), tous les trois anciens de Caracas.


En Guadeloupe, les déplacements réguliers pour la formation politique sur place avec les travailleurs (et occasionnels avec les haitiens de la Guyane française). En retour, l’acquisition de leaders populaire notoires et fidèles de la trempe des Frédéric Lannou, des Eustache , des André Marcelin etc. marquait le profil socio-politique de la base de notre parti social-chrétien avec son siège social au 234 route de Delmas, seule adresse du parti qui, en effet, jusqu’à date n’ajamais déménagé de son foyer d’action initial de 1986. Fidélité au local familier des séances de formation hebdomadaires ou occasionnelles, à la fois d’ancrage et de point de départ pour essaimer nos activités à travers le pays et à l’étranger. y compris la formation itinérante dans la diaspora et en province (à destination des UTAS ex : à Mont Organisé et à Clarisse (les UTAS exemplaires en « bandition » dans cette région du Nord-Est, ou à Collines d’Aquin, réservoir intarissable de militants dirigeants de la race des André Yves Rameau etc.ou avec Richard le sage barbu de l’Anse du Nord, sur les hauteurs surplombant l’île de la Tortue ou encore l’Anse d’Hainault, dans le voisinage de Jérémie, fief de la famille Hyppolite avec Florvil comme géniteur). Le propriétaire du local de la route de Delmas Frérel Andral était devenu un ardent propagateur « fanatique » de la bonne parole du RDNP sur place et dans sa région natale.


Citons aussi les grandes conférences et journées du Secrétaire Général en tournée de diners-causeries à Boston, à Montréal (par exemple au « Mirage »), à Paris ( par exemple à l’Ecole Polytechnique), à New-York (par exemple chez « J-B ») etc. et l’action des directeurs de branches régionales à l’extérieur en liaison avec le Secrétaire Général le professeur Leslie F. Manigat, (ex : Ottawa, Dr Jean-Maurice Dennery ; Long Island, Antoine Jean-Baptiste ; Montréal, Michel-Ange Manigat ; Brooklyn, Madame Gladys Simon ; Queens-Bronx, Gesner Manigat ; Boston, Jean Borgard ; Washington D.C. Robert Mitton, avec l’action itinérante et diligente de Lionel Desgranges, Secrétaire Général adjoint pour la diaspora au dévouement aveuglement fougueux d’un bulldozer du RDNP par contraste avec un modéré paisible mais d’un fanatisme inspiré béni des dieux, j’ai nommé J-B pour les intimes ou les frères Mathon, Clifford et Leslie, solides, paisibles, souriants et sûrs sans oublier Kaleb, un ancien du Plateau Central faisant la liaison Lascahobas-Mirebalais, un pilier du parti.


Mais voici la cohorte de choc du RDNP : la gent féminine dirigeante dont on ne peut citer ici que quatre ou cinq échantillons d’émergence récente. Certaines nous sont venues de la province avec une personnalité marquante emblématique du RDNP, qui de Jacmel comme Margaret Martin, ex-sénatrice du Sud-Est, préfet de région, morte noyée en crue de rivière, qui des Cayes comme une Madame Jean-Marie Banatte rayonnante d’énergie virile, qui de Terrier Rouge comme Madame Eunyce, restauratrice, et forte femme de tête, qui de Cabaret comme Madame Edith de la famille et de l’entourage de Colbert Bien-Aimé et à rayonnement jusqu’à Fond-Baptiste etc. Une professionnelle de la santé, le Dr Murielle Cajou Desmarrates, à la tête de son organisation féministe « Kozé fanm », s’est affirmée comme une forte personnalité du RDNP, appelée à une belle carrière parlementaire pour laquelle déjà elle avait posé sa candidature, mais avait désisté par discipline de parti. Un sourire bien personnel anime, quand elle le veut, le visage séduisant d’une femme de loi militante du RDNP, dont le mari, homme d’affaires, est devenu un des secrétaires-généraux adjoints du RDNP dans la nouvelle direction arrivante, Me Wilmine Saint Pierre, active à la tête de la branche régionale caraibéenne de la MUDCA, Association des Femmes de la Démocratie Chrétienne. Un sourire permanent est arboré par une belle petit-goâvienne, bourreau de travail, comme coordonnatrice infatigable au bureau central du RDNP, où elle se distingue déjà pour combler un grand vide : Madame Nicole Nelson, la plus proche collaboratrice de la nouvelle Secrétaire-Générale. Mais sans doute la personne la plus idoine et attachante par son dévouement personnel « maternel » pour le RDNP demeure, dans notre souvenir, Marie-Thérèse Laraque, Madame Maximilien, « Manman RDNP » pour le parti.
Le temps des représentants des noyaux de contact du RDNP et de dignitaires notoirement connus à l’extérieur comme René Benjamin et Hermann Jean à Paris, Robert Bénodin pendant longtemps l’âme du RDNP à Chicago, André Aladin, Jeanina Cajou, Thérèse Métellus, Serge François, Gérard Loiseau, Harry Bayas, Batichon, Saint Surin etc. à New-York, Harry Carrénard, Paule Brizzard, Ernst Dorsinville, Lola Chassagne, Oswald Hyppolite, Pierre Claude, Marie-Antoinette Nonez, et Jean Bernadel à Montréal, Narcès Lescouflair, Samy Williams (Monsieur Panamerican Airways), Roger Archer, Sony Ambroise, Charles Eugène, Rigobert Carthy, Harry Loiseau et Marie-Josie Martin à Miami, André-Yves Rameau et Bellefleur de la Guyane française, André Marcelin, Roger Lucien (frère Roger) et le « gros » René Louis, de la Guadeloupe etc.


Les manifestations religieuses de rassemblement spirituel d’éclat catholiques comme à Montréal, à la cathédrale des pélerinages haitiens avec Jean Bernadel, à Philadelphie au culte de la vierge noire, ou protestantes comme à New-York avec le pasteur Lorient ou le pasteur ingénieur Frontus ; la constitution d’une Fédération nationale du vodou qui a pris position politique en faveur du RDNP et avec la religion populaire avec Max Beauvoir et Réginald Bailly et Hérard Simon à Soukry décrété sanctuaire du RDNP, (qu’on me pardonne de ne pas pouvoir citer les noms de tous ces « dignitaires et ayant droits »), et enfin des coordonnateurs généraux de la base sociale interne et dynamiques : pendant longtemps Pierre Richard et son homologue Rodrigue, deux noms de « vétérans » du RDNP alors fidèles gardiens du temple, ou sur le plan personnel militant les Maxo Dade et Frédéric Lannou, les Eustache, les André Marcelin, les « gros » René Louis, leaders populaires venus de Pointe-à-Pitre, alors à rayonnement affirmé, rentrés au pays pour militer avec nous. Un médecin ancien parlementaire, le Dr Gérard Beaubrun, originaire de Léogane, rappelle par son verbe et sa verve, que le RDNP a eu dans le passé des élus au parlement et en a nominalement encore quelques-uns.


Un gros élément de prestige du RDNP a été la constitution d’une cellule de préparation technique de plans « glissants » pour le développement durable, dénommée « le consortium 2004 » par une équipe de professionnels et d’experts à haute réputation tels le regretté Reynold Jean, homme de ressources intellectuelles et technologiques trop longtemps insoupçonnées au pays, nos ingénieurs Elysée Nicoleau, Marcel Perreira, et Malherbe, rejoignant les rangs déjà occupés par l’ami condisciple de promotion dont le nom est synonyme de compétence, d’élégance, de finesse artistique et d’intégrité, je veux dire mon frère l’architecte Fritz Benjamin, ornement de l’engagement au RDNP.


En réalité, il faut dire en conclusion que le RDNP a eu la fortune, malgré les épreuves qui ont jalonné son existence, malgré les victimes du devoir avec Massenet le chauffeur disparu après son arrestation sur la route de Saint Marc, ou les frères « Isope » soumis à la torture du supplice de la roue,- nous ne les avons pas oubliés au RDNP -, et les efforts innombrables et incessants pour nous barrer la route du retour au pouvoir, en vertu de la lutte contre la compétence intègre dans la tradition de médiocrité qui l’a généralement emporté en matière de gouvernance chez nous, la fortune, disais-je, de constituer « une fratrie » qui a permis, à tour de rôle, à chacun de contribuer à la pérennité du parti selon ses capacités à son heure de prédilection et il me plait, en tant que Secrétaire Général sortant et fondateur institutionnel marqué, comme tout homme, par ma différence incommunicable, de détacher, comme homme symbole du RDNP, un ami fraternel qui a rejoint nos rangs en septembre 1981 pour être et rester Monsieur Sécurité du Parti en toutes circonstances et à toute épreuve, j’ai nommé Frantz Jean-Louis dit Fanfan, incarnation et symbole de fidélité partisane comme le RDNP a su en faire des échantillons de qualité stellaire comme galaxie politique pendant les trente ans de son existence dont vingt-huit sous une direction communautaire mienne et ferme que j’ose appeler en référence : apostolique, tant est chère à notre cœur de patriote d’avoir constitué et représenté une force du bien commun et de santé morale dans ce pays nôtre. La famille RDNP avait une autre mer à traverser, comme dit notre ami le poète René Dépestre, eh bien, elle a réussi cette traversée depuis son congrès de 2006 quand un slogan significatif a présidé à la relève de la garde : Leslie s’en est allé, à l’heure crépusculaire, se déchargeant de toute responsabilité dirigeante, en une retraite studieuse au service de la jeunesse, la patrie toujours dans l’esprit et au cœur jusqu’à un autre départ de toute façon prochain avec un octogénariat qui s’annonce pas du tout lointain. C’est Mirlande qui a la mission de rester comme la vestale choisie par le destin pour entretenir le feu sacré et la pérennité de la res publica. Que vive à jamais la famille RDNP en sa nouvelle Secrétaire Générale Mirlande Hyppolite Manigat et la nouvelle équipe dirigeante du parti déjà à pied d’œuvre à ses côtés.

Vive le RDNP solide dans sa pérennité assurée !

Vive Haïti la nation chérie indestructible !

Ensemble, ensemble, ensemble, jusqu’à la victoire finale.

Leslie F. Manigat
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Texte reçu du professeur Adrien Bance

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