dimanche 19 décembre 2010

LETTRE OUVERTE À MIRLANDE H. MANIGAT ET À MICHEL J. MARTELLY

Henri J. Piquion
18 décembre 2010


Madame, Monsieur,

Le 29 novembre 1987 notre pays devait faire l’expérience des premières élections post-dictatoriales. Il sera inscrit dans les livres d’histoire que ces élections se sont terminées dans le sang. Le 28 novembre 2010 notre pays devait faire l’expérience des dernières élections de l’ère des horreurs. Il sera inscrit dans les livres d’histoire que les massacreurs d’idéaux que sont les responsables du gouvernement et du Conseil Électoral ont trouvé que le pays n’avait pas besoin de vraies élections, que le pays n’avait pas besoin de mettre fin à sa descente aux enfers par étapes successives d’amnésie et de regrets.

Si le père lebrun a presque fait oublier et regretter Fort Dimanche, si la vacuité intellectuelle et morale de René Préval a fait dire à plus d’un qu’après tout Aristide assassinait à visage découvert, de même a-t-on pensé dans les cercles du gouvernement et du Conseil Électoral que Jude Célestin peut creuser si profondément encore le puits de notre indignité que nous en finirons par regretter Préval sous le prétexte qu’il n’était qu’une étape dans le perfectionnement de l’alliage de l’incompétence et de la cruauté. Si Jude Célestin devait devenir Président de la République d’Haïti, nous nous surprendrions à souhaiter le retour de Préval, d’Aristide, de Jean-Claude, de François, de l’occupation (celle de 1915) et même de l’esclavage.

C’est aussi pourquoi, car il y a d’autres raisons, il ne peut y avoir recomptage. C’est pourquoi IL NE PEUT Y AVOIR 2ÈME TOUR À DEUX AVEC JUDE CÉLESTIN. Tout recul sur ces deux points est une façon d’avaliser par la bande les fraudes du 1er tour qui n’en a pas été un, et surtout d’accepter à l’avance la victoire appréhendée de Célestin dans un 2ème tour qui n’en sera pas un.

Parce que le pouvoir est parfois empoisonné et souvent sale nous ne devons pas en faire une fin alors qu’il ne doit jamais être autre chose qu’un moyen pour servir une communauté, une nation, un peuple. Les exigences de la moralité politique et de l’éthique imposent aux deux plus importants candidats à la présidence que vous êtes de rejeter le 1er tour sans nuances au profit d’élections générales dans d’autres conditions de supervision. L’alternative est de laisser le gouvernement et le Conseil Électoral nommer et installer Jude Célestin le 7 février prochain sans valider la farce en y participant. Soyez assurés que malgré la MINUSTHA complice et assassine le peuple haïtien verra à faire du fauteuil présidentiel un siège éjectable dont les occupants se retrouveront bien vite en Afrique du Sud en compagnie de leur père spirituel.

Madame, Monsieur,

Il y a trop à faire que vous pouvez faire, et le pays a trop besoin de vous pour qu’il ne s’attriste pas déjà à l’idée que vous risquez de perdre toute crédibilité et surtout son estime parce que l’impatience légitime de le servir vous aura fait « dansé collé » avec Préval, Célestin et compagnie.

Il y a trop à faire que vous pouvez faire et le pays a besoin de vous :

Il y a le choléra. Des Haïtiens meurent chaque jour du choléra népalais sans que le gouvernement, à part mentir sur le nombre réel des victimes, n’a manifesté aucun intérêt pour leur sort. La vision surréaliste d’un homme traînant le cadavre de son beau-père au bout d’une longue corde nous a fait comprendre concrètement que le mot pestiféré désigne celui dont on ne doit s’approcher que de la longueur d’une corde, la plus longue possible. Les Haïtiens sont des pestiférés les uns pour les autres par la grâce des Népalais, par la grâce de la MINUSTHA, par la grâce de Gérard Latortue. Pour que cela change il nous faut des gouvernants en mesure, non seulement de trouver et d’appliquer des solutions techniques au choléra, mais surtout ayant la légitimité et le courage patriotique requis pour en déchouquer toutes les racines népalaises. J’ai la naïveté de croire, Madame, Monsieur, que vous pouvez le faire alors qu’il ne fait de doute pour aucun Haïtien que Célestin ne s’intéressera au choléra que dans l’unique mesure où il générera de l’argent à détourner.

Il y a les villages de tentes à l’intérieur des villes. Combien y-a-t-il de gens à relocaliser et à loger? Les relocaliser, ce n’est pas les envoyer mourir n’importe où avec quelques gourdes en poche. C’est d’abord savoir qu’ils sont en grand nombre les descendants des paysans que Duvalier dans sa folie a fait kidnapper, empiler dans des camions, emmener à Port-au-Prince où ils ont été soûlés, drogués, les femmes violées afin qu’ils crient « Vive Duvalier, Vive Papa Doc » avant d’être abandonnés dans la ville où ils ont fini par s’installer dans le vagabondage, la prostitution, la délinquance et bien vite la criminalité politique. De petits « cagoulards » ils sont devenus « macoutes » avant de graduer « chimères ». Aujourd’hui sous les tentes, dans la promiscuité des cités Préval-Bellerive, ils n’ont ni passé, ni présent. Vous pouvez quand même croire qu’ils rêvent d’un avenir car c’est ce qui fait leur humanité malgré la misère. Ils rêvent parfois de la terre où ils seraient nés, où ils auraient grandi si leurs grands-parents n’en avaient pas été arrachés par Duvalier. En attendant qu’ils puissent être relocalisés selon leurs rêves dans le cadre d’un vaste programme d’enquêtes et de revalorisation de terre et du travail agricole, il faut au moins diminuer l’entassement et la promiscuité en leur offrant des activités dont la rémunération ne sera pas seulement que monétaire, mais pour lesquelles ils se paieront eux-mêmes dans la reconstruction de leur personnalité et de leur dignité. J’ai la naïveté de croire, Madame, Monsieur, que vous pouvez le faire alors qu’il ne fait de doute pour aucun Haïtien que Célestin ne s’intéressera aux réfugiés du tremblement de terre que dans l’unique mesure où ils seront sources d’argent à détourner.

Si je devais faire la liste de la moitié des problèmes qui attendent nos futurs gouvernants les lecteurs de cette lettre ouverte risqueraient de déclarer qu’il y a trop donc rien à faire et que le pays est foutu. Fort heureusement vous connaissez les dossiers du pays, et mieux que moi j’ai eu l’occasion de le constater comme celle de me convaincre que vous pouvez y faire face avec apparemment autant de bonne volonté et de patriotisme l’un que l’autre. Avec dans un cas une compétence reconnue depuis toujours, et dans l’autre une sensibilité et une disponibilité qui ont forcé des observateurs nationaux et étrangers à réviser certains de leur jugements. Je précise que la compétence et la sensibilité ne sont pas des qualités exclusives l’une de l’autre ni chez l’un ni chez l’autre.

C’est pour cela d’ailleurs que je m’adresse à vous pour vous faire la remarque que la présente conjoncture marque la fin de quelque chose sans être pourtant le début d’autre chose. Il ne tient qu’à vous qu’il en soit autrement.

Patriotiquement vôtre.

Henri J. Piquion
18 décembre 2010

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