NDCDP-Politique.- Cette note a été écrite par Micha Gaillard, un mois et demi avant sa mort tragique le 12 janvier 2010
Par Micha Gaillard
23 novembre 2009
Mon intuition et mes réflexions à date m’inclinent à pronostiquer que le chemin dans lequel s’engage le Président René Préval, au lieu de garantir la stabilité chère au chef de l’Etat, risque plutôt de conduire le pays vers une nouvelle aventure néfaste pour les institutions, le peuple et la nation en général. Par ailleurs, les membres et sympathisants des partis politiques et des organisations de la société civile qui manifestent leur désapprobation par rapport à ce que le Président échafauderait, ne montrent pas encore de signes clairs de rupture avec un système conçu pour davantage satisfaire les intérêts personnels, de clans que ceux de la communauté.
Une grande manœuvre pour une stabilité « made in Préval »
A mon avis, Monsieur Préval, par la position attractive dont jouit le Président de la République en Haïti, voudrait assurer la victoire de ses candidats aux prochaines législatives. Il est au centre de la grande manœuvre qui (1) a commencé par le renvoi de la trop indépendante Michelle Pierre-Louis de la tête de la Primature et son remplacement par un Premier ministre connu davantage pour ses capacités de grand technocrate que de politicien madré (2) par la création d’une nébuleuse plateforme électorale présidentielle qui, à moyen terme, aura à se transformer en un parti politique « melting-pot » pour ne pas dire « fourre-tout » ; (3) par la mise en place, de la tête au pied, d’une machine électorale non indépendante ; (4) par l’utilisation, si nécessaire d’une partie de l’appareil d’Etat (certains ministres, certains délégués départementaux, vices-délégués, maires, CASECs, juges de paix, commissaires de gouvernement, parlementaires sortants…) chargée de conduire les prochaines élections vers un résultat déterminé ; (5) par le soutien d’une frange du secteur privé, souchée au palais quelqu’en soit son locataire, qui financera les candidats que le Président désirera voir au parlement et ce (6) avec une communauté internationale silencieuse car « respectueuse des choix des institutions haïtiennes ». Pauvre Haïti !
Des intérêts supérieurs, moyens et élémentaires à satisfaire
Si tout se passe comme prévu, les « élections-sélections » terminées, une large majorité au Parlement devrait assurer la retraite politique paisible du Président ou lui donner la possibilité d’exercer une forte influence politique en dehors (ou en dedans ?) du pouvoir. Malheureusement, en retour, cette manœuvre risque de compromettre la démocratie et le développement du pays. Les acteurs politiques sortis de « ces urnes » auront d’abord à satisfaire les grands intérêts des hommes et des femmes d’affaires ayant « investi » en eux, ensuite à combler leurs propres intérêts et ceux des grands commis de l’Etat qui tous deux ne demandent que de vivre décemment et enfin à penser aux besoins de survie des cadres moyens et du petit personnel de l’Administration publique. Je n’irai pas dire comme Jean Dominique en un autre temps : « Bon appétit, Messieurs !» car je comprends que dans un pays qui ne crée pas de richesses, l’Etat étant le principal pourvoyeur de revenus, il soit sujet de tant d’attention ...
Complicité de démocrates et de la Communauté internationale
Et la nation, le peuple dans tout cela me direz-vous, que deviennent-ils ? Ils risquent tout simplement de passer aux oubliettes. Je crois pourtant que mes compatriotes, parties prenantes de cette triste manœuvre, sont sincèrement persuadés que la voie dans laquelle ils se sont engagés est la plus efficace pour délivrer un minimum à la population. Se rendent-ils compte qu’ils se mentent à eux-mêmes ? Ils ne comprennent pas qu’ils sont en train de pérenniser un archaïque système bloqué et contesté qu’il faille impérativement remettre en cause et ce le plus tôt possible.
Je suis d’autant plus contrarié de penser ainsi car bon nombre de démocrates et de progressistes, connus comme tels dans un passé encore récent, se sont embarqués dans ce projet sans pour autant manifester, du moins publiquement, certaines inquiétudes. De même, l’aveuglement ou la politique de l’autruche de la plus grande partie de la communauté internationale parait déroutant. Cela est plus compréhensible pour elle vu que son personnel est sans arrêt remplacé sur la scène politique. Il ne peut donc comprendre qu’un scenario « déjà-vu » anti-démocratique, anti-progressiste est en train de se déployer sous ses yeux …
Une Alternative réellement de rupture
Une Alternative sérieuse doit être pensée et construite afin d’offrir à la population l’espoir (le vrai) que ses prochains dirigeants vont réellement s’attaquer au système et se pencher sur ses besoins. Ce qui se passe ces dernières années au sein des partis politiques, étalant leurs divergences dans les medias sur des sujets ne concernant pas la population , fait dire à celle-ci dépitée, que les hommes et les femmes politiques s’occupent de leur propre affaire et non de son avenir.
Aussi, il est souhaitable, également, que le spectacle de cette kyrielle de candidats à la présidence soit traité au sein de cette Alternative en formation et non sur la place publique. Et que cette place soit plutôt le lieu de débat sur une vision, un projet de société et un programme pour l’atteindre. De même, le choix des candidats au Sénat et à la Chambre des députés devrait rompre avec une tradition qui consiste à offrir une bannière à des personnalités locales qui, arrivées au Parlement, défendent leur propre ligne politique et non celle établie par la direction du parti. L’exemple du Bloc parlementaire CPP (Concertation des Parlementaires Progressistes) est révélateur : élus sous différentes bannières, leurs membres se regroupent pour offrir une majorité négociable au locataire de la Primature puis à celui du Palais national. A quoi sert donc un parti politique si ses élus au Parlement ne respectent pas la ligne de l’organisation et vont recevoir les consignes au Palais ?
Que la réalité contredise mon « Filtre » d’analyse
J’écris ces lignes avec en tête plus de vingt ans d’expériences, d’observation et d’analyse continue de la situation politique et sociale d’Haïti. J’aurais bien aimé me tromper sur ce que je viens d’exprimer en particulier sur les manœuvres du Chef de l’Etat et ne pas péremptoirement déclarer que « les mêmes causes entrainent les mêmes effets , donc … » D’autant plus, j’ai appris récemment (mieux vaut tard que jamais) que ce n’est pas la réalité que notre cerveau saisit mais plutôt notre interprétation de cette réalité, filtrée en fonction des principes et valeurs qui sont propres à chacun de nous, de notre éducation formelle et informelle, de nos vécus, de ce que nos neurones ont mémorisé sur les différents événements traversés. Cette nouvelle approche a ébranlé ma formation de matérialiste[i].
J’ai bien envie de ne pas généraliser et de mal interpréter cette manœuvre présidentielle ; je souhaite être démenti ! Mais en attendant, il ne faut pas se croiser les bras. Nous devons résister et dialoguer. Résister au projet du Président Préval et en même temps forcer le dialogue avec son camp pour empêcher au pays cette éventuelle dérive. Dialoguer aussi entre nous, citoyennes et citoyens, pour bâtir une réelle Alternative en rupture avec l’ordre et les pratiques établis.
Micha Gaillard
23 novembre 2009
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[i] Pour en savoir plus consulter la littérature sur la Programmation Neuro-Linguistique (PNL).
Par Micha Gaillard
23 novembre 2009
Mon intuition et mes réflexions à date m’inclinent à pronostiquer que le chemin dans lequel s’engage le Président René Préval, au lieu de garantir la stabilité chère au chef de l’Etat, risque plutôt de conduire le pays vers une nouvelle aventure néfaste pour les institutions, le peuple et la nation en général. Par ailleurs, les membres et sympathisants des partis politiques et des organisations de la société civile qui manifestent leur désapprobation par rapport à ce que le Président échafauderait, ne montrent pas encore de signes clairs de rupture avec un système conçu pour davantage satisfaire les intérêts personnels, de clans que ceux de la communauté.
Une grande manœuvre pour une stabilité « made in Préval »
A mon avis, Monsieur Préval, par la position attractive dont jouit le Président de la République en Haïti, voudrait assurer la victoire de ses candidats aux prochaines législatives. Il est au centre de la grande manœuvre qui (1) a commencé par le renvoi de la trop indépendante Michelle Pierre-Louis de la tête de la Primature et son remplacement par un Premier ministre connu davantage pour ses capacités de grand technocrate que de politicien madré (2) par la création d’une nébuleuse plateforme électorale présidentielle qui, à moyen terme, aura à se transformer en un parti politique « melting-pot » pour ne pas dire « fourre-tout » ; (3) par la mise en place, de la tête au pied, d’une machine électorale non indépendante ; (4) par l’utilisation, si nécessaire d’une partie de l’appareil d’Etat (certains ministres, certains délégués départementaux, vices-délégués, maires, CASECs, juges de paix, commissaires de gouvernement, parlementaires sortants…) chargée de conduire les prochaines élections vers un résultat déterminé ; (5) par le soutien d’une frange du secteur privé, souchée au palais quelqu’en soit son locataire, qui financera les candidats que le Président désirera voir au parlement et ce (6) avec une communauté internationale silencieuse car « respectueuse des choix des institutions haïtiennes ». Pauvre Haïti !
Des intérêts supérieurs, moyens et élémentaires à satisfaire
Si tout se passe comme prévu, les « élections-sélections » terminées, une large majorité au Parlement devrait assurer la retraite politique paisible du Président ou lui donner la possibilité d’exercer une forte influence politique en dehors (ou en dedans ?) du pouvoir. Malheureusement, en retour, cette manœuvre risque de compromettre la démocratie et le développement du pays. Les acteurs politiques sortis de « ces urnes » auront d’abord à satisfaire les grands intérêts des hommes et des femmes d’affaires ayant « investi » en eux, ensuite à combler leurs propres intérêts et ceux des grands commis de l’Etat qui tous deux ne demandent que de vivre décemment et enfin à penser aux besoins de survie des cadres moyens et du petit personnel de l’Administration publique. Je n’irai pas dire comme Jean Dominique en un autre temps : « Bon appétit, Messieurs !» car je comprends que dans un pays qui ne crée pas de richesses, l’Etat étant le principal pourvoyeur de revenus, il soit sujet de tant d’attention ...
Complicité de démocrates et de la Communauté internationale
Et la nation, le peuple dans tout cela me direz-vous, que deviennent-ils ? Ils risquent tout simplement de passer aux oubliettes. Je crois pourtant que mes compatriotes, parties prenantes de cette triste manœuvre, sont sincèrement persuadés que la voie dans laquelle ils se sont engagés est la plus efficace pour délivrer un minimum à la population. Se rendent-ils compte qu’ils se mentent à eux-mêmes ? Ils ne comprennent pas qu’ils sont en train de pérenniser un archaïque système bloqué et contesté qu’il faille impérativement remettre en cause et ce le plus tôt possible.
Je suis d’autant plus contrarié de penser ainsi car bon nombre de démocrates et de progressistes, connus comme tels dans un passé encore récent, se sont embarqués dans ce projet sans pour autant manifester, du moins publiquement, certaines inquiétudes. De même, l’aveuglement ou la politique de l’autruche de la plus grande partie de la communauté internationale parait déroutant. Cela est plus compréhensible pour elle vu que son personnel est sans arrêt remplacé sur la scène politique. Il ne peut donc comprendre qu’un scenario « déjà-vu » anti-démocratique, anti-progressiste est en train de se déployer sous ses yeux …
Une Alternative réellement de rupture
Une Alternative sérieuse doit être pensée et construite afin d’offrir à la population l’espoir (le vrai) que ses prochains dirigeants vont réellement s’attaquer au système et se pencher sur ses besoins. Ce qui se passe ces dernières années au sein des partis politiques, étalant leurs divergences dans les medias sur des sujets ne concernant pas la population , fait dire à celle-ci dépitée, que les hommes et les femmes politiques s’occupent de leur propre affaire et non de son avenir.
Aussi, il est souhaitable, également, que le spectacle de cette kyrielle de candidats à la présidence soit traité au sein de cette Alternative en formation et non sur la place publique. Et que cette place soit plutôt le lieu de débat sur une vision, un projet de société et un programme pour l’atteindre. De même, le choix des candidats au Sénat et à la Chambre des députés devrait rompre avec une tradition qui consiste à offrir une bannière à des personnalités locales qui, arrivées au Parlement, défendent leur propre ligne politique et non celle établie par la direction du parti. L’exemple du Bloc parlementaire CPP (Concertation des Parlementaires Progressistes) est révélateur : élus sous différentes bannières, leurs membres se regroupent pour offrir une majorité négociable au locataire de la Primature puis à celui du Palais national. A quoi sert donc un parti politique si ses élus au Parlement ne respectent pas la ligne de l’organisation et vont recevoir les consignes au Palais ?
Que la réalité contredise mon « Filtre » d’analyse
J’écris ces lignes avec en tête plus de vingt ans d’expériences, d’observation et d’analyse continue de la situation politique et sociale d’Haïti. J’aurais bien aimé me tromper sur ce que je viens d’exprimer en particulier sur les manœuvres du Chef de l’Etat et ne pas péremptoirement déclarer que « les mêmes causes entrainent les mêmes effets , donc … » D’autant plus, j’ai appris récemment (mieux vaut tard que jamais) que ce n’est pas la réalité que notre cerveau saisit mais plutôt notre interprétation de cette réalité, filtrée en fonction des principes et valeurs qui sont propres à chacun de nous, de notre éducation formelle et informelle, de nos vécus, de ce que nos neurones ont mémorisé sur les différents événements traversés. Cette nouvelle approche a ébranlé ma formation de matérialiste[i].
J’ai bien envie de ne pas généraliser et de mal interpréter cette manœuvre présidentielle ; je souhaite être démenti ! Mais en attendant, il ne faut pas se croiser les bras. Nous devons résister et dialoguer. Résister au projet du Président Préval et en même temps forcer le dialogue avec son camp pour empêcher au pays cette éventuelle dérive. Dialoguer aussi entre nous, citoyennes et citoyens, pour bâtir une réelle Alternative en rupture avec l’ordre et les pratiques établis.
Micha Gaillard
23 novembre 2009
______________________________
[i] Pour en savoir plus consulter la littérature sur la Programmation Neuro-Linguistique (PNL).
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